Un crabe ivre marche-t-il plus droit? Tourteau saoûlé au muscadet et cuit à la braise.
Elle ne date pas de la dernière marée, cette histoire du crabe amoureux de la petite crevette, les parents de laquelle ne voulant pas d'un gendre qui ne marche pas droit... Une date de mariage est cependant fixée et ce jour là miracle, le crabe marche droit comme un défilé militaire, à la grande satisfaction de toute la belle-famille. Catastrophe, le lendemain il marche à nouveau de travers... et il se justifie : "je ne vais quand même pas prendre une murgée tous les jours!"
Pardon à ceux qui la connaissaient déjà, mais je trouve néanmoins qu'on ne s'en lasse pas. En Finistère, et probablement dans les départements limitrophes, lorsqu'on parle de "crabe", c'est de tourteau dont il s'agit.
Pour la recette ci-dessous, il ne faut que deux ingrédients, d'abord une bouteille de muscadet fruité (élevé sur lie avec bâtonnage, c'est l'idéal, mais ne le payez pas trop cher pour cette recette!). Il faut aussi un tourteau, et pour faire mentir la joke d'introduction, il vaut mieux choisir une femelle. La chair en est plus fine, et mieux répartie entre le coffre et les pinces. Alors que le crabe mâle a de gros bras mais pas grand chose dans le ventre, on en connait tous des comme çà...
La meilleure saison c'est l'été, disons de juin à octobre, mais on en trouve de jolis toute l'année. Pour les choisir, c'est d'abord le poids qui importe, à taille égale choisir le plus lourd. Par ailleurs, éviter ceux qui ont le ventre clair, plus la couleur tire vers le brun, et meilleur il sera. Enfin, un oeil exercé verra que la carapace à l'arrière est plus ou moins "collée" au coffre, plus c'est décollé, mieux c'est... Abandonnez aussi les femelles qui ont les oeufs dans le réceptacle prévu à cet effet, elle viennent de pondre, elles ont épuisé beaucoup de leur chair à cet effort!
Alors on y va, on a donc choisi amoureusement une femelle de taille moyenne ou petite. On a débouché le muscadet et on l'a versé dans un récipient genre casserole où on pourra coincer le crabe tête en bas, les mandibules baignant dans le vin. Avant qu'il n'y prenne goût, il va chercher à sortir de ce guépier, mais pas fous, on l'aura coincé avec un gros élastique. Je ne publie pas de photo de cette phase cruelle, je ne veux pas faire interdire mon blog à peine commencé.
Bref, il y reste une heure pendant laquelle il va bon gré ingurgiter du vin, et ainsi parfumer sa chair. On le place alors au dessus de braises bien vives, et on le cuit un bon quart d'heure, en le retournant de temps en temps.
Il se peut, si la braise est très chaude, que les pattes se détachent, ce n'en sera que meilleur; vous en profiterez pour enlever du feu les petites pattes qui cuisent plus vite. Cela se déguste chaud, avec bien entendu du pain, du beurre salé, et un bon muscadet, celui de Jo Landron par exemple. Et çà vous a une saveur brute et sauvage, que du bonheur!
(A part çà, je les trouve un peu gonflées les crevettes, quand on nage aussi bien sur le dos que sur le ventre et aussi bien en avant qu'en arrière, on ne vient pas casser les pinces d'un mec sous prétexte qu'il ne marche pas droit, hein?)
*****
Rejoignez CdM sur Facebook (clic & like)
*****