Coquilles saint jacques sur crème de laitue froide
Triste Noël pour les cabillauds et les anchois
C'est Alexandre Dumas qui l'écrivait en1873 dans son Grand Dictionnaire de la Cuisine : "Il a été calculé que si chaque oeuf de cabillaud pondu dans la mer arrivait à maturité, on pourrait traverser l'Océan Atlantique à pied sec en marchant sur le dos des poissons". Si on lui avait dit qu'on évoquerait aujourd'hui la probable disparition du cabillaud si on ne fait rien, il aurait bien rigolé.
Je cite cette phrase, parce que mercredi dernier, nos chers ministres européens se sont mis d'accord sur les quotas de pêche pour 2007, et encore une fois, on n'est très loin de ce qu'il faudrait faire, et même très loin de simple demi-mesures, on est dans le n'importe quoi à la sauce Malthus.
Les espèces les plus âprement discutées étaient comme chaque année les anchois et les cabillaud, si on le fait simple, un poisson pêché par l'Europe du sud et un poisson pêché dans l'Europe du nord… On voit bien le deal, genre "tu dis rien sur mes anchois et je la ferme sur tes cabillauds".
Cela arrive après un accord tout aussi irresponsable sur les poissons des grandes profondeurs (genre grenadier, etc.) intervenu en novembre. Par contre, et c'est plutôt une bonne surprise, les mesures de restriction concernant les prises de thons rouges sont plutôt à la hauteur, mais çà n'excuse pas le reste…
Les défenseurs de la nature et de nombreux scientifiques (les deux ne sont pas contradictoires) préconisaient l'arrêt total de la pêche au cabillaud, suivis en cela par l'ONG en charge de ces questions, le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM). La Commission Européenne a donc recommandé une réduction de 25% de la pêche, et on aboutit à une décision de baisse de 15 à 20% du quota.
Quant aux anchois, dont la pêche était enfin fermée dans le Golfe de Gascogne, la voici ré-ouverte, pour seulement 28 navires, sous le couvert hypocrite d'une approche expérimentale.
Je sais bien que la pêche est une activité économique importante, mais elle devrait apprendre à diversifier ses prises, et pour cela, il faudrait aussi que nous autres consommateurs soyons prêts à diversifier les espèces que nous laissons venir dans nos assiettes.
Il faudrait aussi distinguer entre la pêche artisanale et la pêche industrielle, il faudrait aussi distinguer entre les pêcheurs de fourrage, ces poissons saisis en vrac et réduits en farine pour nourrir les poissons d'élevage (5 à 7 kg de poisson sauvage pour nourrir un poisson d'élevage dont en plus le mode d'élevage est polluant) voire les volailles, ou extrudés pour en faire du surimi. Cette pêche de fourrage représente plus de 20% des prises dans le monde.
Vous comprenez mieux pourquoi les poissons d'élevage et le surimi sont peu tolérés chez moi et pourquoi j'incite les lecteurs de ce blog à y recourir le moins possible; de la même façon que j'essaye de donner de la diversité variétale à mes billets!
Pour être complet, la pêche n'est pas la seule en cause dans la disparition probable des poissons les plus consommés aujourd'hui. Le réchauffement climatique est également en cause, si les cabillaud se sont raréfiés dans le grand nord, c'est aussi parce que la structure du plancton s'est modifiée sous l'influence du réchauffement, ne permettant plus aux alevins de trouver pitance. Quant aux anchois, les modifications climatiques, même sur une saison, peuvent fortement influer sur leur reproduction (çà ne vit que trois ans un anchois, s'il rate une année de bébés, ce n'est pas rien…).
Bon, passons à des choses plus gaies, à une entrée simple et vraiment très festive comme on les aime à la maison.
Coquilles saint jacques sur crème de laitue froide
Vous me direz qu'avec encore une recette de CSJ, je ne fais vraiment pas dans la dispersion variétale, tellement on en voit un peu partout sur les blogs. C'est qu'il s'agit là d'une ressource sauvage bien gérée, dans tous les bassins de pêche du moins en France, et on peut en manger sans restriction, à cela près que les prix au détail ont bien flambé à l'approche des fêtes, mais on est hélas habitués à ces avanies.
C'est une recette dont j'ai piqué l'idée lors d'une dégustation de vins prestigieux chez Ledoyen, le genre de plat qui est fait pour aller avec un vin, alors que c'est plutôt la démarche inverse qui est suivie habituellement.
Ingrédients (entrée pour quatre personnes)
- 12 belles coquilles saint jacques
- une laitue
- œufs de saumon
- bouillon de volaille
- huile d'olive citronnée
- crème fraîche (facultatif)
Recette
Lavez les feuilles d'une belle laitue bien verte, enlevez les plus grosses cotes. Faites tomber cette salade dans un peu de beurre, puis couvrez d'un verre de bouillon de volaille. Laissez cuire cinq minutes, puis passez au blender. (J'ai utilisé cette fois le druide Magimix qui était déjà de sortie, une erreur, la texture est restée un peu trop hachée).
Ajoutez deux cuillers à soupe d'huile d'olive au citron (ou de l'huile d'olive nature et un trait de jus de citron), un peu de crème épaisse si vous souhaitez corriger la texture (ce que j'ai fait, en raison du défaut de mixage, mais ce n'est pas indispensable). Rectifiez sel et poivre puis réservez au frais au moins une heure.
Quelques secondes avant de servir, poêler vivement les CSJ deux minutes sur chacune de leur face (pas de cuisson à l'unilatérale pour cette recette). Disposer un fond de crème de laitue au fond de l'assiette, sans excès pour ne pas noyer les autres ingrédients, ajouter les CSJ et les œufs de saumon.
Le vin
Il y faut un champagne rosé. Chez Ledoyen, il nous a été servi un Krug Rosé, une splendeur bien entendu, mais qui n'est pas exactement dans mes prix; je ne le regrette pas trop, tant que je peux me consoler (voire m'encanailler car il coûte environ dix fois moins cher!) avec le Rosé de Montgueux de l'excellent Jacques Lassaigne, un vigneron talentueux de l'Aube, avec lequel j'ai partagé pas mal de canons, le dernier étant le brouilly de Lapierre sur une gamelle de tête de cochon au persil, que çà devrait être interdit de seulement y songer sur un blog de mer…
Son rosé est un faux rosé en fait, puisqu'il résulte de l'assemblage d'un jus blanc (chardonnay) et d'un jus rouge (pinot noir). Cela donne un rosé très vineux, où on retrouve superbement équilibrées les qualités fruitières de ces deux cépages. Il est parfait sur ce plat, où les œufs de saumon apportent une note bien relevée à l'association laitue-CSJ qui pourrait être jugée un peu fade sinon.
Je vous souhaite un très bon Noël!