Sobas aux gambas et à l'orange
Avis de tempête
Cela ne vous a pas échappé, si vous écoutez les radios de Manche et de Mer du Nord, il souffle depuis quelques jours une tempête qui cogne dur, avec du vent jusqu'à 130 km/h sur les côtes. Un bon remède si vous sentez le moisi ou souhaitez déboucher vos sinus obstrués, arrêtez les fumigations et venez avec moi.
J'adore me balader en bord de mer quand il fait ce temps, avec prudence : chaque année quelques inconscients se font cueillir par une lame plus grosse que les autres… restons à distance ou dans les coins abrités, comme ci-dessous. Evitez des risques inutiles à nos admirables sauveteurs.
Ce n'est pas la fête pour les oiseaux cette tempête!
Ainsi qu'en témoigne cet appel relayé mercredi par l'Agence Bretagne Presse :
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Ouessant: le 16/01/07
Appel de: obs29
Le porte parole: andreas Guyot
Urgent : Oiseaux mazoutés; Besoin de convoyeur.
Suite à des dégazages, arrivée depuis deux jours de nombreux guillemots de Troïl sur Ouessant, (50 depuis deux jours). On veut bien les envoyer sur le continent demain matin (9 sélectionnés sur un total de 16 pour aujourd'hui) par avion mais on a personne pour les réceptionner à Guipavas (Brest) et les convoyer vers l'île Grande. Y aurait-il une personne de bonne volonté, disposant de temps pour leur donner une chance de survie ?
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Je ne vous les montre pas mazoutés ces oiseaux, on vous les a copieusement exhibés lors des marées noires accidentelles, sachez juste qu'on en ramasse toute l'année, plus ou moins vivants.
Dégazage ou déballastage, ces deux termes sont employés assez souvent l'un pour l'autre. Le premier consiste à évacuer tous les résidus (hydrocarbures surtout) du fonctionnement d'un bateau quelqu'il soit, tandis que le déballastage est une pratique "propre" aux navires citernes comme les pétroliers qui, lorsqu'ils ont livré leur cargaison, emplissent leurs cuves d'eau de mer pour assurer leur stabilité, ou alors ils vont charger une cargaison de nature différente et doivent les rincer.
Normalement, ces détritus comme cette eau de mer polluée doivent être pris en charge par un port spécialement équipé pour les traiter, mais on ne va quand même pas gaspiller du temps et de l'argent!
Ne croyez-pas que ce soit anodin, selon les sources, on estime entre 4 et 6 millions de tonnes les hydrocarbures ainsi déversés dans les mers du globe, ce qui, pour fixer les idées, représente l'équivalent d'un naufrage de pétrolier tous les 3-4 jours environ, selon les calculs du WWF que je n'ai pas refaits! Il n'y a pas que les navires en cause, aussi les plateformes d'extraction, les raffineries...
Alors on surveille, on survole la mer pour repérer les éventuels voyous bien reconnaissables à leur sillage huileux. Sauf qu'au moment des tempêtes, ces rejets sont immédiatement dispersés par la mer agitée, alors ni vu ni connu, on balance impunément le potage.
(Source : Marine Nationale)
Bref, la tempête c'est une aubaine pour les pollueurs volontaires. Les oiseaux mazoutés et les rivages maculés n'en sont que les conséquences les plus visibles, tous les toxiques ainsi déversés ne sont pas apparents. Je vous cause de Bretagne, mais ce n'est rien à côté de ce qui se passe en Méditerranée …
Ce n'est pas non plus la fête pour les mangeurs de poissons
Les températures restent étonnamment clémentes alors qu'on a déjà bien entamé l'hiver, mais par contre du côté des tempêtes, rien d'anormal, çà souffle comme d'habitude, et même un peu plus souvent, "front océanique" comme dit la radio. Peu de bateaux de pêche peuvent sortir, et ceux qui y vont, c’est souvent parce qu'ils n'ont pas le choix, écrasés par les dettes et autres contraintes. Résultat, alors qu'on pouvait s'attendre à revoir des prix plus sages après les fêtes de fin d'année, ce n'est toujours pas le cas…
J'en causais au bistrot, un jour de tempête aux premiers jours de cette année, avec une vieille connaissance qui me demandait pourquoi j'étais tout mouillé…
Je lui raconte que je reviens du bord de mer, et évidemment, il se paye copieusement ma tête, du genre :
"Tu es devenu pire qu'un touriste! Déjà que tu mets une casquette pour aller sur Internet, maintenant tu vas à la grève alors qu'il y a rien à prendre d'autre qu'une saucée".
Je me défends bêtement au lieu de me taire, comme quoi on peut aussi prendre des photos, ce qui n'a fait que le conforter dans l'idée que j'étais définitivement passé de l'autre bord. Enfin, on a parlé d'autres choses, en particulier les pêcheurs qui ne sortent pas, et comment je continuerai à photographier le poisson au prix où il est monté?
C'est là que je lui ai asséné que j'avais acheté des crevettes congelées au supermarché en revenant de la mer, il a bien fallu trois ou trente tournées pour qu'il s'en remette, et moi aussi d'ailleurs.
Sobas aux gambas et à l'orange
Non, les sobas ne sont pas des nouilles bretonnes élaborées à partir de crêpes tréfilées, mais d'excellentes pâtes japonaises fabriquées à partir de farine de sarrasin plus ou moins coupée de blé.
Quant à mes gambas surgelées, ce sont de grosses crevettes sauvages pêchées et congelées à bord, du côté de Madagascar si j'ai tout compris à l'étiquette. Un produit pas forcément écologiquement anodin, non pas que l'espèce soit vraiment en danger, mais parce que leur pêche n'est absolument pas sélective, et qu'elle occasionne des dégâts auprès des espèces annexes capturées en même temps que les crevettes.
(Tout cela est bien décourageant, mais au moins là on connait le mal et les remèdes, ils seront un jour appliqués, après tout on a bien réussi à créer des réserves naturelles bien gérées pour les espèces terrestres…)
Elles sont plutôt bonnes ces crevettes, elles ont presque la saveur de celles qu'on achetait dans un cornet de papier journal pour trois sous, sous les arcades de la place Ménélik à Djibouti, comme esches ou pour les manger nous-mêmes.
- gambas crues entières,
- nouilles japonaises au sarrasin "sobas",
- une orange non traitée,
- un trait de cognac,
- sauce de soja,
- laurier,
- échalote,
- un piment rouge
- huile d'olive,
- mélisse (facultatif voire embêtant).
Comme je l'ai écrit dans un précédent billet, je trouve que la mélisse s'accorde bien aux crustacés, mais vous pouvez très bien préférer de la citronnelle ou toute autre plante aromatique de votre choix.
Préparation des gambas
Enlevez la tête ainsi que les anneaux de la carapace à l'exception de celui de la nageoire. Ces éléments sont réservés pour faire le fumet. Incisez le dos des gambas sur la moitié de l'épaisseur de la chair. Ôtez le boyau. D'une torsion, enlevez la partie centrale de la nageoire qui est pointue et désagréable pour les gourmets qui aiment manger la carapace grillée.
Mettez les gambas ainsi parées à mariner une à deux heures dans une cuiller d'huile d'olive et la moitié du jus de l'orange. Avant de presser l'orange, vous prélevez quelques filaments de zeste, que vous faites blanchir trois minutes.
Préparation du fumet
Chauffez une poêle et y mettez-y les têtes et les carapaces des crevettes à griller doucement dans un peu d'huile d'olive. Lorsque qu'elles sont bien colorées et un peu grillées, elles dégagent un fort arôme. Flambez alors d'un bon trait de cognac, mouillez d'eau à hauteur, ajoutez un peu de laurier et d'échalotes, ainsi qu'un piment rouge.
Laissez cuire doucement une petite heure, en gros jusqu'à réduction au tiers du volume d'eau initial. Filtrez dans une petite casserole, ajoutez l'autre moitié du jus de l'orange et quelques feuilles de mélisse à infuser. Et c'est là que çà peut être embêtant, il ne faut pas faire comme moi, les y laisser trop longtemps, car elles produisent une coloration noire! Le fumet est réchauffé juste au moment du service.
Cuissons
- Les crevettes, égouttées de leur marinade et épongées, sont grillées rapidement sur une plancha ou dans une poêle antiadhésive, avec le minimum de matière grasse.
- Les sobas sont cuites très rapidement dans de l'eau avec un trait de sauce de soja, qui va un peu les saler et accentuer leur coloration. Il faut les tenir al dente, selon la méthode traditionnelle, il faudrait les tremper dans de l'eau glacée pour arrêter la cuisson. Ici vous vous contentez de les égoutter et d'y mêler les filaments de zeste d'orange blanchis, il n'en faut pas beaucoup.
- Vous placez un petit tas de nouilles au centre de l'assiette, vous disposez les crevettes autour (voire dessus), et vous arrosez du fumet bien chaud.
Vous avez vu la couleur de mon fumet noirci à la mélisse? On dirait vraiment qu'un salopard est venu dégazer dedans pendant que je prenais l'apéro!
Je précise quand même que cette recette est délicieuse, elle m'a été inspirée par une entrée mangée peu de temps avant, dans l'un de mes restaurants préférés que j'ai déjà mentionné, "Chez Catherine" (Catherine Guerraz), rue Berryer à Paris.