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Cuisine de la mer
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4 février 2007

Raie au beurre noisette

Voilà typiquement un poisson avec lequel il est difficile de rigoler sans tomber dans le jeu de mot facile ou le propos douteux, je vais donc essayer de faire plaisir à tout le monde sans choquer les autres.

Je n'ai pas la concision de l'excellent mareyeur du Léman, j'ai nommé Estèbe, dont les billets sont aussi bons que les commentaires qu'ils suscitent et réciproquement. Il nous a doté d'une magistrale raie à la grenobloise que beaucoup peuvent lui envier.  Je n’ai  pas non plus les talents picturaux de Jean Claude, qui maquille les raies avant de les cuisiner,  ce qui je trouve, est le comble du raffinement, la plupart des cuisiniers se contentant d’habiller les poissons avant de les passer à la casserole, c'est étonnant.

J’étais tenté de croire que j’avais enfin trouvé le poisson exclusivement bloggué par des garçons (probablement par  fantasme inconscient, car combien savent que la raie mâle a deux organes reproducteurs?). Et bien non, voici que Nuage de Lait (ce n’est pas un nom de guerre sioux, mais un blog de fille) s’y est mise aussi, au  prétexte que c’est quasiment le seul poisson que mange un compagnon curieusement arêtophobe. Et puis, j'ai vu aussi une jolie recette de Déborah, et récemment, une préparation très originale d'Hélène; il y en a probablement quelques autres que je n'ai pas vues!

Bref, j’ai hésité à livrer ce poisson sur CdM, car à cette poignée d'experts s'est ajoutée mon épouse, qui bien que provençale a vécu longtemps à Grenoble et a donc des idées très arrêtées sur la raie aux câpres; celle que j’ai cuisinée au bas de cette page n’obtient la moyenne que par indulgence ou lassitude...

La pêche à la raie

La raie se pêche au chalut ou à la palangre, qui est une longue ligne (plusieurs kilomètres parfois) où sont accrochés un grand nombre d'hameçons. Je trouve très logique qu'on pêche la raie à la ligne, comme d'ailleurs le bar, mais je m'interroge sur le fait qu'on y prenne encore plus de plies. Les palangriers soulignent également  que la plie est plate, et même qu'elle est carrelet, mais aucunement rayée.

C'est bien entendu à l'île de Ré et surtout à Camaret que la pêche à la raie est une activité très répandue, le folklore local en est un témoignage rémanent, avec le célèbre curé de Camaret qui entre autres turpitudes, a acheté un âne républicain. En de nombreux autres ports, on préfère le merlan et on laisse la raie de côté.

La raie, parfois surnommée à tort « ange de mer », n’est pas un poisson volant, et lorsqu’on mène la raie au port, c’est toujours en bateau. Toutes ne sont pas vendues, certaines ont apprivoisées et font de doux animaux de compagnie sur les plages ou dans les piscines.

m15

Choisir une raie

Voilà un exercice périlleux, car dans cette famille des rajiformes, on trouve le poisson-scie, le poisson-torpille et une vingtaine d’autres sujets pêchés par les bateaux français.

La meilleure pour l’assiette, et la plus commercialisée chez nous est donc la raie bouclée, facile à reconnaître car, comme il est dit dans mon livre de référence (Les poissons de mer des pêches françaises) c’est « la seule raie européenne à avoir la queue colorée de zones transversales alternativement sombres et claires, ce qui donne un aspect annelé »

Raia

D'accord, mais qui donc a récemment vu une queue de raie chez un poissonnier ? On n’y trouve que les ailes détaillées : alors, il faut se référer à  l'autre spécificité de cette raie, à savoir ses boucles, de petites aspérités un peu en forme de griffe de chat, qu’on détecte en passant la main sur la peau du poisson. Ce sont en fait des tubercules osseux, portant un court aiguillon recourbé.

Facile à trouver, tant que la raie n’a pas été pelée à l’avance par le poissonnier (pratique dont je me méfie, car plus rien alors ne me permet d’évaluer la fraîcheur du poisson), et confortable tant qu’on n’a pas lu toujours dans le même bouquin, « Notons que chez les individus  en provenance de certains secteurs de pêche comme le golfe de Gascogne, ces boucles peuvent être totalement absentes ».

Super on est content de savoir çà....  alors la couleur? Il n’y en a pas tant que çà, des raies à la peau aussi joliment ocellée ?  Ben oui, mais le scientifique reste impitoyable : « Il faut également souligner que l’on ne doit pas tenir compte de la coloration dorsale qui peut présenter de très fortes variations d’un spécimen à l’autre ».

L’idéal serait vraiment un étiquetage précis, et même nous sommes quelques-uns à souhaiter que  le nom latin doit être indiqué, exigez la raja clavata. Cela fait bien trois semaines que j'erre dans les poissonneries parisiennes pour trouver cette raie, qui est excellente en cette saison, et c’est incroyable le nombre d’escrocs qui ont tenté de me faire passer pour de la raie bouclée une autre variété, je suis loin d’être infaillible sur le sujet, mais il y a des limites à la naïveté.

A défaut de trouver la raie bouclée de mes rêves, je me suis rabattu sur une belle raie douce (vendue juré-craché pour de la raie bouclée) de pêche de petits bateaux à Roscoff.  C’est un très bon poisson, proche de la raie bouclée en consistance et saveur. Vous auriez vu la tête de ce jeune patron-poissonnier, quand je lui ai demandé si par hasard, il avait conservée le foie. Il ne sait pas qu'il fut une époque, où on partageait soigneusement le foie de la raie, de façon à le partager équitablement entre tous les acheteurs des ailes...  car c'est un morceau de choix, comme les joues d'ailleurs.

Beaucoup d’espèces de raies sont en forte régression, pas vraiment parce qu’on en mange trop en poisson frais, mais aussi et surtout parce qu’on pêche incidemment beaucoup trop de raitons dans les chaluts, lesquels sont éliminés ou partent en surimi (et oui, encore lui !), ceux là ne se reproduiront jamais, et c'est d'autant plus dommage, car les raies n'atteignent leur maturité de reproduction qu'après onze ou douze ans d'existence.

Les critères de fraîcheur

Sur les ailes détaillées et non pelées, il doit avoir une importante quantité de mucus bien gluant. La chair doit être bien rosée. On entend parfois dire que la raie très fraîche dégage une odeur ammoniaquée, ce que je n’ai pas remarqué sur les poissons de pêche côtière, mais qui se révèlerait exact pour ceux de la pêche hauturière, je n'en connais pas la raison. Voici ci-dessous mon kilo d’aile de raie douce,  on voit bien le mucus visqueux et la chair rosée !

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Raie au beurre noisette

Ingrédients

- un morceau d'aile de raie
- beurre salé
- vinaigre de cidre ou autre
- petites câpres au vinaigre
- batons de fenouil
- laurier

Recette

Préparation de la raie

Comptez une aile de 1,2 kg pour quatre personnes. Si d'aventure vous lui trouvez un vague relent d'ammoniaque, vous le ferez disparaître en laissant tremper le poisson pendant une quinzaine de minutes dans de l'eau vinaigrée, ceci n'étant pas valable si c'est l'odeur que prend tout poisson pas frais!

Rincez soigneusement le poisson, et portionnez-le après avoir supprimé les parties les plus minces sur le pourtour. Deux options s'ouvent à vous, soit enlever la peau pour la poêler directement (demandez à votre poissonnier, ce n'est pas commode), soit la précuire avant poêlage, ce qui convient mieux à cette préparation à mon avis.

Le choix est alors entre la passer à la vapeur et la cuire au court-bouillon. Je préfère généralement la vapeur, mais là, j'ai choisi de rester classique pour cette recette qui ne l'est pas moins, et j'ai fait le court bouillon que j'aime bien, car épuré en saveurs : il ne contient qu'un peu de  sel, des tiges de fenouil, du laurier et du vinaigre. La raie y est pochée une dizaine de minutes, toujours à frémissement sans bouillon. Il faut alors tout de suite enlever la peau, avant qu'elle ne refroisisse. Prenez soin de conserver un verre du bouillon de pochage.

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Préparation du beurre noisette et service

Je tente de pratiquer comme Pierre Gagnaire, c'est à dire que je démarre à froid dans une poêle, et que je cuits très longtemps le beurre pour qu'il exhale bien le fameux petit goût de noisette. Dès qu'il commence à crépiter, soit le moment auquel il va se transformer en poison noirci, je stoppe la cuisson en y ajoutant un trait du bouillon de pochage du poisson. Ceci dure environ quinze minutes, durant lesquelles il faut rester attentif, et ajouter régulièrement du bouillon. Le dernier ajout de liquide ne se fait pas au bouillon, mais avec une cuiller de vinaigre, qui va apporter cette coloration sombre par réaction ; c'est aussi à ce moment qu'on y ajoute les câpres.

Les morceaux de raie sont réchauffés à la poêle, environ trois minutes de chaque côté, je n'hésite pas à colorer un peu, c'est en effet l'un des rares poissons qui supporte un peu de sur-cuisson sans trop de dommage. Pas trop quand même, hein !

Le poisson est déposé dans le plat de service, puis arrosé du beurre noisette bien chaud.

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Sur ce plat, je privilégie un vin rouge, comme par exemple un vin de Thierry Michon (Domaine Saint Nicolas, en Vendée), le Rouge de Brem, Cuvée Reflets, l'un des rares vins à dominante de pinot noir (90%) élevé en bord d'océan.

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Commentaires
L
Bravo très belle page !
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P
sur cet espace qui ne semble plus alimenté<br /> Il existe chez les raies une variété que nous appelons içi dans l'ouest "la raie pissouse" et qui sent fortement l'amoniaque, rien a voir avec une question de fraicheur<br /> d'autre part on ne trouvera jamais que des ailes de raies sur les étals es poissoniers mais quand on a la chance et le bonheur de vivre dans un port et d'avoir quelques amis pêcheurs il arrive qu'ils nous régalent avec de la queue de raie, que l'on fait cuire dans un court bouillon et que l'on prépare ensuite en coquilles gratinées au four. excellamment plus fin et plus moelleux que les ailes<br /> Et foutez moi cette raie pissouse en l'air !!!!
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N
Très souvent, je consulte ce blog captivant , enrichissant et gourmand.....<br /> Récemment, ayant la chance d'avoir un poissonnier qui ne vend que de la pêche sauvage des côtes françaises, j'ai suivi son conseil à savoir :<br /> griller à la poêle sur un filet d'huile d'olive les ailes de raies : un PUR DELICE ! jamais, je n'aurai oser essayer cette technique ! <br /> NIC, une bourguignonne....hélas loin de la mer
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M
Bonjour Patrick,<br /> <br /> Je parcours régulièrement ton blog. Les articles sont toujours très intéressants et les recettes sont très appétissantes!<br /> <br /> Petit clin d'oeil de ton blog sur le mien, j'espère que tu n'y vois pas d'inconvénients.<br /> <br /> Longue vie à ton blog!<br /> <br /> Mika
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J
21h. Youpiii !!!<br /> Excellente, mais pas aussi blonde dorée, hélas. Encore une petite peur du beurre noir qui va passer la prochaine fois.<br /> A propos de foie, tu as raison, c'est divin!<br /> Sur Popote et Papote, bientôt, mais pas ce soir. C'est le 14 juillet portugais. Flons flons, musica (plein la gueule) et feu d'artifice.
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