Ecrasé de sardines à l'oeuf
Je vous préviens tout de suite que cette recette ne vaut pas un pet de cormoran (on ne parle jamais de lapin sur un bateau), mais c’est juste une petite madeleine inavouée pour le concours lancé par Anaïk. Je préconise donc à ceux que seules les recettes intéressent, de passer tout de suite à un autre blog.
Par ailleurs, je suis ces jours-ci d'humeur aussi variable que le baromètre, c'est donc un billet de râleur, je recommande donc aux déprimés d'en arrêter immédiatement la lecture.
Il tombe bien néanmoins ce petit jeu, car je n’ai pas trouvé le week-end dernier ni depuis, de poissons, de crustacés ou de coquillages à prix sensé, dignes de figurer sur ce blog, ce qui m’a donné l’occasion de m’énerver contre les poissonniers, qui ne sont pas les seuls responsables, mais c'est chez eux que je fais généralement mes courses. Avant de laisser libre cours à cette mauvaise humeur, quelques petites nouvelles de la pollution…
Le procès de l’Erika
Pas de panique, je ne vais pas vous faire des comptes-rendus d’audience quotidiens, mais il y a quand même deux ou trois bricoles à dire sur les suites de ce naufrage de décembre 1999.
- Les bateaux poubelles sous pavillons de complaisance, et n’ayant pas pour certains la sécurité d’une double coque, continuent à passer au large de nos côtes. Ils sont plus surveillés, mais ils passent quand même, alors que çà fait belle lurette (bien avant l’Erika,) que les USA ne tolèrent plus dans leurs eaux les simple coques pour le transport de matières dangereuses et d’hydrocarbures
- On a fait quelques progrès quand même à Bruxelles, maintenant, on a le droit de remorquer les citernes en perdition dans un port désigné pour que la marée noire s’étale un peu moins, on se souvient de la mauvaise gestion du Prestige au large de la Galice. On peut rechercher la responsabilité de tout le monde. Du coup tout le monde s'arrange pour éviter la législation européenne.
- Total est dans le collimateur, et c’est de bonne guerre, c’est le seul solvable de la bande, et très largement : c’est quand même un drôle de télescopage que cette annonce des résultats du groupe le jour de l’ouverture de ce procès, je trouve que çà détourne bien l'attention. Je n’en veux pas aux gens de Total de gagner de l’argent, ils font leur boulot. Ce que je ne leur pardonne pas, c’est d’affréter de tels bateaux. Et aussi, je leur reproche de ne pas avoir immédiatement prévenu les bénévoles venus ramasser les dégâts et tenter de sauver quelques oiseaux, des risques pour leur santé en cas de contact direct avec le pétrole.
- L'aspect le plus intéressant de ce procès à mon sens, est que les trois régions concernées (Bretagne, Loire-Atlantique, Poitou-Charentes), ont engagé leur action au nom du "préjudice écologique", qui n’existe pas dans le droit français, à la différence du "préjudice matériel" et du "préjudice moral", qui servent habituellement de base à ces actions en responsabilité. Si le tribunal reconnaît ce nouveau préjudice, çà sera une grande victoire, et l’espoir de voir passer cette notion dans la législation française, puis européenne, dans quelques siècles si les choses vont vite…
C’est un vieux serpent de mer, le préjudice écologique, comme vous pouvez le lire sur cette courte dépêche AFP à propos du procès de l’Amoco-Cadiz.
- L’Europe peut parfois accélérer : après avoir passé des années à se plumer entre Commission et Conseil pour savoir qui était compétent ou non, la première devrait ériger rapidement (on y croit fort!) des sanctions pénales très sévères à l’encontre de ceux qui procèdent à des déversements de polluants.
Une trouille salutaire après la terrible histoire qui a eu récemment lieu en Côte d’Ivoire, cette dizaine de morts et ces nombreux intoxiqués par la cargaison du Probo-Koala. Et si ce bateau était venu s'échouer à La Baule ou déverser accidentellement en Baie de Seine? Elle devrait aussi, un peu plus tard, prendre des dispositions concernant les pollutions par hydrocarbures. Après le procès de l'Erika donc, celui-ci étant prévu pour durer quatre mois.
Un petit test pour vérifier que certains ont suivi, et s'il reste encore quelqu'un à ce stade du billet. Quel est ce bateau? (Pas le petit blanc, le gros pourri)
OK, mais c'était facile.
Je déprime dans les poissonneries
Je trouve qu'on en arrive à un degré de médiocrité rarement atteint sur les étals des poissonneries, ou alors si on veut un beau produit, il faut au préalable avoir passé son brevet élémentaire de braqueur de banques.
Je ne parle pas des étalages des grandes surfaces, qui sont souvent des scandales écologiques on ice, mais des poissonneries traditionnelles, où le poisson d'élevage continue sa percée, où la qualité et la taille des poissons présentés baissent de jours en jours cet hiver. D'ailleurs, si vous voulez un beau poisson entier, c'est presque impossible. D'abord, les plus beaux spécimen sont pris par les restaurateurs. Ensuite, un gros cabillaud par exemple, est plus rentable vendu coupé en morceaux (le dos pour les recettes chic, la queue pour le court-bouillon.
Je vous passe les petites entourloupes traditionnelles, pour prolonger l'aspect du stock, comme les écailles enlevées quand elles commencent à partir toutes seules, la mise en filets (lesquels sont parfois trempés dans des solutions chlorées pour les désinfecter, ce qui est une fraude), le passage à la farine du ventre des poissons plats pour en restaurer l'aspect (de plus en plus rare heureusement), des têtes coupées, des crabes morts-vivant passés en cuisson : comme on dit, ce sont les agissements regrettables d'une minorité. Peut-être, mais quelle belle minorité!
Le fait est que les poissonniers, contrairement aux bouchers ou aux volaillers, n'ont pas eu affaire à des crises sanitaires les obligeants à respecter un peu plus les consommateurs, traçabilité par exemple, on sait désormais presque tout du bœuf dont on achète un morceau.
Ce qui nous en amène à l'étiquetage des produits de la mer, lequel est normé par l'Europe depuis 2001, une étiquette doit comporter:
- La dénomination commerciale de l'espèce : Oui, mais elle est du domaine du folklore. Qui fait bien la différence entre le merlu, le colin et le lieu noir? Entre les différents rougets? Entre la sole et la sole tropicale (deux poissons d'espèces pourtant différentes)? Entre le calmar, le calamar, l'encornet et le supion (là par contre, il s'agit de la même bête)? Il y a plein d'autres exemples du genre, quand ce ne sont pas les noms qui changent… qui sait que l'empereur, c'est le béryx, poisson de grande profondeur (hoplostète rouge), qui ne se vendait pas bien sous ce nom là?
- Le mode de production : "Péché" ou "Elevé". Je connais encore beaucoup de poissonneries où ce n'est pas clair. Cette mention est le plus souvent inscrite sur un disque au dos de l'étiquette; comme par hasard, ce disque est très souvent dans une position intermédiaire… Pour être plus taquin, qui connait le réel avantage d'un poisson de ligne sur un poisson de chalut, y compris pour la digestion?
- La zone de production : Alors là, c'est devenu le grand bleu, on pouvait auparavant connaître jusqu'au port de débarquement du poisson qu'on achetait, maintenant, on a plus le droit de le dire, c'est "Atlantique du Nord-Est" (ou autre zone) un joli petit coin de pêche, que je vous invite à aller découvrir sur la page de l'Ofimer, des surdoués qui mettent le Golfe de Gascogne en Atlantique du Nord-Ouest, si c'est pas malheureux....
- Il n'y a que les produits d'élevage qui doivent indiquer le pays de production, ce qui n'est pas un mal, les règlements sanitaires de ces exploitations étant plus ou moins souples d'un pays à l'autre; je suppose que tout le monde connait çà sur le bout des doigts, pas vous? Je suis déçu, je croyais avoir des lecteurs informés sur les normes sanitaires des piscicultures turques ou chiliennes.
- L'élevage doit être mentionné, mais pas forcément le fait qu'il est pratiqué en eau douce, c'est en tous cas une mention que je n'ai jamais vue pour les filets de pangas (ou pangasius, élevés en rivière au Vietnam avec des granulés péruviens, puis congelés pour être vendus en occident, vive le kérosène...); de même que je n'y ai pas vu systématiquement la mention "décongelé", alors que c'est à ma connaissance toujours le cas. Cela dit, mes quelques observations n'ont pas valeur de généralité, mais quand même…
Alors sur les étiquettes, je voudrais en plus :
- Le nom scientifique de l'espèce, et pas seulement un nom commercial plus ou moins vague, au moins je saurai précisément à quoi j'ai affaire, même si j'ai l'œil assez exercé, il m'arrive souvent de douter… par exemple lorsque j'achète de la raie.
- La zone de pêche précise : afin de savoir si elle est polluée ou non, surexploitée ou non, en période de frai ou non (les poissons d'une même espèce ne se reproduisent pas tous partout au même moment, ce qui rend presque impossible à réaliser le document que vous avez été quelques-uns à me demander, soit un calendrier des espèces à éviter pour cette raison).
- La date de pêche : Je fais une grande différence entre le petit bateau qui décharge quotidiennement ses prises, et les navires hauturiers qui peuvent conserver assez longtemps (5 jours et plus), les poissons en glace.
Bon, comme d'habitude j'ai été un peu long, mais je n’oblige personne à tout lire. Pour la recette, çà va aller nettement plus vite, car comme je boudais, j'ai ouvert une boîte de sardines. J’aurais sans doute mieux fait de partir à la pêche, voire d'y rester.
Ecrasé de sardines à l'oeuf
Ingrédients
- une boîte de sardine à l'huile
- trois oeufs
- un morceau de beurre salé
- un trait de vinaigre
Recette
Cuisez des oeufs durs, écalez-les, et coupez les en deux dans le sens de la longueur. Enlever les jaunes, écrasez les avec les sardines (sans l'huile, que vous dégustez en trempant des bouts de pain dedans), et un morceau de beurre. Ajoutez un trait de vinaigre, selon votre goût.
Refarcissez les demi-blancs d'oeufs avec cette mixture, et servez à température ambiante (c'est important çà). Alors, comme ce n'est pas mon jour ni ma semaine, je me suis trouvé avec des blancs d'oeufs très friables, pas assez cuits donc, et dont une bonne partie vole encore vers l'Amérique... Bref, la mixture a fini sur des tranches de pain un peu grillées.
J'en entends d'ici des pères furax, que "Oui, c'est de la nouvelle cuisine, on ne met pas de vinaigre normalement, et pourquoi pas du thé matcha ou du gomasio, ou pourquoi pas en fourrer des macarons tant que j'y suis à jeter le blanc d'oeuf par les fenêtres!". A ceux là, je réponds qu'il peuvent bien remonter les caniveaux à la nage pour rejoindre la poissonnerie la plus proche...
C'est une assiette piquée à la Marine Nationale, j'aime bien.
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