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Cuisine de la mer
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21 février 2007

Œufs brouillés aux oursins

La mer est source de joie et de contemplation, comme elle est parfois colère et rugissements, c'est plutôt dans le tempo tranquille que va s'ébattre ce billet, où il est question des échinodermes (du grec "hérisson" et "peau"), des bêtes absolument fascinantes. Plusieurs espèces dans cette famille, elles ont en commun une structure organisée autour du chiffre cinq, mais je ne vais vous raconter que quatre d’entre elles.

L'hémisphère et l'étoile

L'hémisphère, c'est l'oursin, celui qui nous est le plus familier, c'est l'un des deux échinodermes qui passent par notre assiette. La bouche se trouve du côté de la partie plate, l'intérieur n'est qu'un long tube digestif qui se termine au sommet de l'animal. Des gonades aussi, pour notre plus grand bonheur, car c'est la partie que nous consommons. C'est presque toujours un herbivore, la nature l'a doté d'une redoutable machine à dévorer, aussi belle qu'efficace, la lanterne d'Aristote. La prochaine fois que vous ouvrirez un oursin, prenez le temps de la regarder.

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L'étoile de mer est aussi rudimentaire que l'oursin, sa bouche ventrale est directement reliée au cloaque dorsal par un estomac primitif. Elle n'a pas de tête, pas de cerveau, pas de dents, et pourtant, c'est un redoutable chasseur. Certes, ses proies sont peu mobiles, puisqu'il s'agit souvent de coquillages, encore que j'aie déjà vu une coquille saint jacques s'enfuir littéralement à toute vitesse dans l'eau, lorsqu'on a approché d'elle une étoile de mer.

Pas de cerveau, mais un système nerveux drôlement bien organisé, elle s'approche de sa proie, la capture entre ses branches, et est assez forte pour l'entrebâiller. Pas de dents, mais une méthode ingénieuse, elle déglutit son système digestif à l'intérieur de sa victime, carrément. Le stade extrême de la gastronomie, si on y pense… Vous avez déjà essayé d'ouvrir une moule presque aussi grande que vous, juste de vos cinq doigts? Elle le fait facilement, à quoi vous sert donc votre gros cerveau?

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(Crédit photo)

Et vous ne savez pas quoi ? Lorsqu’on lui enlève une branche, celle-ci repousse; rien d’extraordinaire au demeurant, mais sachez que la branche coupée va elle aussi pousser pour se transformer en une nouvelle étoile. C’est pas cool la mer ?

 

Je parle là de l'étoile de mer la plus commune, celle aux cinq branches bien développées, mais il en est bien d'autres, celle dont les branches sont à peine ébauchées, ou celle-ci qui en a une douzaine, on la nomme "étoile solaire" ou "crachat d'amiral", ne me demandez pas pourquoi!

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(Crédit photo)

La belle et la bête

La belle est comme une fleur, le lys de mer, ou crinoïde, un échinoderme vivant attaché à un pédoncule;  sur la photo ci-dessous, c’est une crinoïde noire des Maldives, la plus belle à mon sens, mais je ne les connais pas toutes.

DSCN2618
(Crédit photo)

Elle ne chasse pas activement, elle attend sagement qu’une proie vienne se prendre dans ses bras gluants, et lorsqu’elle n’a pas assez à manger dans un endroit, elle se détache de son pédoncule et s’en va plus loin au gré du courant. La mer en était emplie aux temps anciens, l’île de Malte est presque entièrement formée à partir de calcaire de crinoïdes (normalement, je devrais ajouter que tout çà pour aboutir à un pavillon de complaisance flottant sur l’Erika, mais j’ai décidé d’être serein aujourd’hui).

La  bête, c’est le seul échinoderme dont on peut voir un début et une fin, il ressemble vraiment à un boudin; je me souviens d'un jour de pêche à pieds dans le golfe de Tadjourah, j’étais gamin, je ne cherchais rien à manger, mais des porcelaines, des olives et des peignes de Vénus pour ma collection de coquillages. J’ai marché sur ce machin mou, ressemblant vraiment à un étron, qui a aussitôt projeté des filaments blancs, une horreur. J’avais fait la connaissance de l’holothurie, ou concombre de mer, que quelques années plus tard, j’ai rencontré dans mon assiette.

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(Crédit photo)

C’est une bête curieuse, pour se reproduire, elle expulse son appareil reproducteur dans la mer, comme le fait l’étoile de mer de son estomac pour se nourrir.

Voilà, je voulais un peu vous dévoiler ces quelques merveilles étranges de la mer, où la curiosité m’engloutit aussi sûrement qu’une lame  de fond, revenons en cuisine, peut-être à regret...

Œufs brouillés aux oursins

J’étais très content, après avoir pesté contre toute la corporation, de trouver des oursins verts de Bretagne magnifiques chez l’un de mes poissonniers préférés, car c’est un animal qui a bien failli disparaître à la suite de sur-pêches insensées, au début des années soixante, il n’en restait déjà presque plus… du coup il a été moins pêché par les professionnels, et le gisement semble revenir un peu. Je suis plus inquiet pour ceux, tout aussi délectables de Méditerranée, qui souffrent terriblement de la mode folklorique des oursinades… on a bien vu cette année qu’il y en a nettement moins…

Hélas, quand je les ai ouverts, je me suis rendu compte à la taille énorme des gonades pour la saison, qu’ils n’avaient de Bretagne que le nom de l’espèce, et qu’ils venaient je pense de bien plus au nord, Ecosse ou plus sûrement Norvège, où ils abondent… Le panneau "Pêché en Atlantique du nord-est", je suis tombé dedans comme un nain de jardin !

Pas très grave, ils étaient très bons, et je n’ai pas eu de scrupule à les mettre en cuisson, car un peu trop murs pour s'en faire une ventrée crue. La cuisson des oursins, ce n’est pas moi qui ai commencé, déjà au XIXème siècle, ils étaient vendus aux citadins par les marchands d’huîtres, les ménagères les traitaient comme des œufs à la coque.

Ingrédients

- Six œufs
- Neuf à douze oursins
- Beurre et huile d’olive
- Sel et poivre

Recette

La première étape consiste à ouvrir les oursins, on les découpe du côté de la bouche, avec des ciseaux à oursin si possible, un disque propre autour de la magnifique lanterne d’Aristote. Si vous avez peur des piquants de cette châtaigne de mer, le gant de jardin est votre ami. Ne faites pas comme moi, un jour où j’avais affaire à des gamins particulièrement acérés, je me suis dit que le gros gant bleu en silicone, acheté pour saisir les plats dans le four et tellement nul que je ne m'en étais servi qu'une fois, était l’idéal pour me protéger. Figurez-vous que les piquants se sont massivement plantés dans la silicone et l’ont traversée agressivement,  un vrai cauchemar.

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Une fois ouverts, vous prélevez les gonades, vous cassez les œufs, et vos ingrédients sont prêts.

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Oui, vous avez bien vu, j’ai séparé les jaunes des blancs, ce qui peut paraître inutile pour les brouiller ensuite, mais j’ai mes raisons. Un jour, j'ai trouvé que dans les œufs brouillés, soit le blanc est bien cuit, et alors le jaune trop cuit, soit on se la joue totalement baveux.  Du coup, je me suis dit que la solution était de cuire un peu les blancs avant les jaunes, ces derniers venant alors enrober la préparation de leur onctuosité. Depuis, je ne fais plus les brouillades que comme cela, la crème fraîche devenant totalement inutile.

Alors, vous mettez à chauffer dans une poêle ou une sauteuse, un mélange de beurre et d’huile d’olive (vous pouvez zapper le beurre si vous n’êtes pas breton). Vous y mettez les blancs à coaguler, lorsque c’est fait, vous versez alors les jaunes, et vous brouillez. Les oursins sont ajoutés presque à la fin, il ne s’agit pas de trop les cuire. C’est assez sportif, la cuisson des œufs doit être très progressive, dès que çà commence à chauffer un peu trop, j’enlève du feu, je touille, je remets, et ainsi de suite jusqu’à obtenir cette consistance, dont n'importe quel brestois bilingue vous dira que c'est une omelette de docker.  Vous avez bien sûr, salé et poivré.

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Ensuite, dans l’assiette avec un bout de pain grillé, du vrai pain, pas ce  mollasson de pain de mie qu’on voit trop souvent avec les œufs brouillés.

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J’ai débouché un Faugères (enfin, un vin blanc du coin, estampillé « Vin de pays de l’Hérault »). Celui de Didier Barral, fils de Léon, je vous souhaite vraiment de le goûter un jour, si ce n’est déjà fait.

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Commentaires
L
La réponse était sur ce blog ! Une élève m'a rapporté une étoile solaire …<br /> Pour le crachat d'amiral, l'explication est là …<br /> http://www.mer-littoral.org/30/crossaster-papposus.php<br />
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X
Tres belle recette...je reconnais ! Mais des oursins j'en ai pêché,et mangé en Grèce cet été.Crus. Comme le font les Grecs qui me l'ont appris.On prélève les gonades dans un petit bol, puis on ajoute un petit filet d'huile d'olive (grecque...)un petit filet de citron ( du jardin...)et on mange avec une bonne grosse tranche de pain de village grillé , huilé d'olive et parsemé d'ail et d'origan.Avec un petit vin blanc résiné.<br /> Comme on a mis deuxou trois heures pour les pêcher en apnée,on a faim...Salut et bon ap'
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G
Par hasard une visite sur votre site : il faudra que j'y séjourne un peu plus longuement.<br /> En tout cas en revenant du restaurant d'entreprise le choc est énorme. Mais bon il faut de tout et les CE n'ont pas toujours les moyens ou les clients faciles.<br /> Si je suis venu survotre site c'est parce que je me demande si les étoiles sont comestibles et si quelqu'un a déjà écrit une recette à leur sujet.<br /> Sauriez-vous quelque chose ?<br /> <br /> Merci
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S
Bonjour <br /> <br /> Oui ou trouver des oursins ?<br /> je suis allé sur la cote méditéranéenne et je n'en ai pas trouvé<br /> j'habite le morbihan et suis amoureux de tout ce qui est fruit de mer
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Z
Encore un excéllent moment passé à me marrer avec ta prose, cher Patrick !!<br /> Et quel final !!!<br /> J'aime les Oursins !!!!<br /> ;-)<br /> La Zaza
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