Ris de veau et saint jacques à la citronnelle
Encore un questionnaire, cette fois je remercie Eliflo de me l'avoir passé, peut-être d'autres également l'ont-ils fait, mais il se trouve que j'ai très peu de temps actuellement pour faire une « revue » de blog, alors dans le doute, merci à tout le monde... car c'est en effet une liste de thèmes très conformes à beaucoup de blogs culinaires, en particulier, avec la sur-représentation des mets sucrés et l'absence de tout produit carné, et ne parlons même pas de poisson!
Enfin, puisque c'est une finistérienne qui m'invite, je ne vais pas en refusant, mettre dans l'embarras les dix générations qui m'ont précédé, pas plus que les dix qui suivront. Après cela, il sera bien assez tôt de montrer que si j'étais... un cuisinier, je n'aurais pas raté ma mousse de lait, pour des raisons qui restent encore mystérieuses.
Si j’étais… un légume, je serais bien entendu une pomme de terre, nourriture de base de nombreux pays celtes, à commencer par la Bretagne et l'Irlande. Mais attention, pas n'importe quelle patate calibrée du grand commerce, insipide car entreposée trop longtemps dans des frigos géants. Très précisément, je serais la variété "oeil de perdrix", autrefois répandue dans mon coin de Bretagne, seuls quelques nostalgiques la cultivent encore : dame, elle a un rendement irrégulier et des calibres fantasques. Cuite à la vapeur, je serais servie avec du lieu jaune au beurre blanc, ou grillée longuement au diable, avec un tourteau à l'armoricaine.
Si j’étais… un fruit, cuisine de fruits de mer oblige, j'hésiterais entre une pêche (c'est nul, mais çà me fait du bien) et une groseille à maquereau. Pour cette dernière, ce n'est pas du tout pour forcer la note marine du blog qui n'en a guère besoin, mais c'est réellement le fruit que je préfèrais picorer étant enfant dans les jardins lannilisiens de mes grand-pères. J'en ai planté également dans le mien, mais je ne suis que rarement présent à la pleine maturité, si bien que le gai rossignol et le merle moqueur ne m'en laissent quasiment aucune. Le nom de ce fruit provient d'une recette de cuisine, anglaise certes, mais une recette qui se laisse manger en dépit de ce mauvais départ, je vous la préparerai en saison.
Si j’étais… une épice, et une seule, je serais bien embarrassé, car j'en aime vraiment beaucoup. Alors je vais dire le piment, car c'est probablement la plus universelle d'entre elles, peut-être même avant le poivre, il faudrait que des gens compétents les départagent. J'en mets à peu près partout du piment, y compris dans les salades de fruits. A une époque, il a presque remplacé le sel dans mon alimentation.
Si j’étais… une herbe, je pourrais être folle, mais ce n'est pas le sujet ici. On va dire l'origan. Mais pas n'importe lequel, je serais la marjolaine qui pousse sur les talus et dunes de bord de mer près de chez moi, c'est vraiment une plante qui s'accorde à beaucoup de choses; elle apporte une touche d'élégance aux plats dans lesquels je l'emploie (plats qui par ailleurs, en ont bien besoin).
Si j’étais… un dessert, ah... voilà les ennuis qui commencent, disons que je commencerais par demander si je peux avoir du fromage à ma place, genre un Saint Marcellin de la Mère Richard que je choisis moi-même aux Halles de Lyon, (sauf la semaine dernière, où un coup du sort m'a empêché de m'y rendre, j'ai encore du mal à y croire). S'il vous faut vraiment une réponse, je vous dirais le meilleur farz du monde, mais certaines (du genre de celles qui m'empêchent d'aller aux Halles de Lyon) vont trouver que j'insiste un peu trop.
Si j’étais… un bonbon, ce serait probablement un Négus de Nevers, ou autre spécialité comme l'Anis de Flavigny. Pas question non plus de faire l'impasse sur mon irrésistible penchant pour les Bêtises, on ne se refait pas.
Si j’étais… un chocolat, là, c'est facile, mais il faut aller à Brest, à l'incontournable « Histoire de Chocolat », et demander cette merveille/tuerie/bombe (rayez les mentions superflues, je n'en vois aucune, car je cause désormais couramment le culino-blogueur), et demander le module « Littoral », une coque de chocolat en forme de cabosse, remplie d'un généreux caramel au beurre salé, très coulant. Je ferais des bassesses pour en manger... A défaut, je peux me consoler avec du très bon chocolat très noir, origine Caraïbes de préférence, mais alors, il m'en faut une tablette entière.
Si j’étais… une confiture, et çà continue dans les glucides, je serais une confiture de vieux garçon, la moins sucrée de toutes, et la plus alcoolisée. A la rigueur, une gelée de mures sauvages, mais qui me plaît plus à préparer, cueillette et cuisson qui embaume la maison, qu'à déguster (quoique sur un coin du meilleur farz au monde, encore brûlant, je puisse me laisser tenter).
Si j’étais… une cuisine, probablement la cuisine au feu de bois, j'aime vraiment beaucoup çà, à pratiquer comme à manger. Elle manque un peu de précision et d'ailleurs ce n'est pas pour me déplaire, mais c'est la source de chaleur radiante la plus belle que je connaisse.
Si j’étais… un couvert, très honnêtement, je regretterais mes doigts. J'aime beaucoup manger avec des baguettes, et je cuisine assez régulièrement en utilisant de très grandes prévues à cet effet, j'obtiens une précision de geste meilleure qu'avec des pinces, par exemple pour les petites pièces à griller ou frire.
Si j’étais… une boisson alcoolisée... alors là, le drame, il faut vraiment choisir? Je serais un vin rouge, un très grand Languedoc comme celui que fait Marlène Soria au Domaine Peyre Rose. Je ne suis pas loin de penser que son Syrah Léone est l'un des dix meilleurs vins rouges du monde.
Si j’étais… une boisson non alcoolisée, je serais une stout. Non? Cà ne peut pas le faire? Répondre à ce genre de question le jour de la saint Patrick, c'est vraiment n'importe quoi, pas crédible une seconde... Enfin,jusqu'à peu, j'aurais dit l'eau froide, mais j'ai découvert récemment un jus de grenade d'origine arménienne qui est un pur délice.
Si j’étais… propriétaire d’un restaurant, je me dépêcherais de le vendre, un métier où il faut bosser le soir et le week-end, ce n'est pas mon truc! Alors si j'y étais obligé, ce serait un caboulot sur le port, où on mangerait des produits de la mer simples et frais, avec des vins naturels et du bon pain beurré. De temps à autres, un illustre cap-hornier ou une flibustière de Tortuga en pousserait la porte, et tout le monde se tairait pour écouter leurs histoires ramenées du large.
Je rajouterais bien « Si j'étais... un poisson, un crustacé ou un coquillage », mais vous me connaissez, je n'ai pas l'habitude de plaisanter avec les questionnaires, alors, on va passer en cuisine pour un semi-plantage, mais qui s'est révélé quand même très bon... une rencontre du ris de veau et des coquilles saint jacques, et je me suis passablement énervé à cause de ces dernières, il y avait longtemps, ma période fleur des champs est vite passée!
Ajoutez à cela que je me suis levé avant cinq heures ce samedi pour avoir l'ombre d'une chance de publier cet article aujourd'hui, car ce midi débarquent à la maison quatorze péronnelles pour les onze ans de Mathilde (toujours pas de garçon cette année, pourvu que çà dure...), et qu'elle m'a commandé des tapas, j'espère qu'elles aiment le poisson, les petites gisquettes...
Le corail des coquilles saint jacques
Pour faire court, vous trouvez chez vos poissonniers en saison de pêche, des coquilles coraillées et des coquilles blanches, les premières étant pêchées en très large majorité en Normandie, soit les deux tiers environ de la pêche française de pecten maximus (la seule vraie coquille saint jacques, est-il encore besoin de le rappeler?). Les secondes viennent presque toutes de la Baie de Saint Brieuc.
Le corail est l'appendice sexuel de l'animal, la partie blanche étant le mâle et l'orangée la femelle, toujours coquette et chamarrée. La partie orangée grossit au fur et à mesure de la maturité des oeufs.
Les coquilles blanches n'ont donc pas de corail, ce n'est pas à dire qu'elles ne se reproduisent pas, mais qu'elles génèrent leur corail en dehors de la saison de pêche.
- Le corail n'a à mon sens que deux avantages, le premier de produire une présentation parfois flatteuse dans l'assiette, et le second de sucrer légèrement la chair de la noix. Je m'explique, en période de reproduction, les coquillages produisent du glucose pour nourrir leurs oeufs, prenez par exemple la laitance des huîtres en été, ce n'est qu'un bain de glucose. La saveur de la noix est ainsi flatteuse, et ce sucre a aussi le mérite de mieux dorer dans la poêle ou sur la plancha.
- Les deux inconvénients du corail, c'est que premièrement il n'a pas de goût, et que deuxièmement, il se développe au détriment de la noix. J'ai eu la surprise un jour dans un lot de coquilles de Carantec (Baie de Morlaix) de trouver des coquilles avec ou sans corail, ne me demandez pas pourquoi, mais cela m'a permis de photographier deux coquilles de taille identique, on voit facilement que la noix coraillée est bien plus petite.
En cette saison, et particulièrement après l'hiver tempéré que nous avons eu en France, le corail des coquilles est exagérément développé, on a donc tout intérêt à cuisiner des coquilles blanches. Il y a sept poissonniers sur le marché de Boulogne, bien entendu aucun d'entre eux n'en avait. Je me pointe donc chez celui qui vend les plus belles normandes, et je vous résume la conversation:
"- Je vais vous prendre des coquilles, mais c'est vraiment la dernière fois cette année, trop de corail!
- Je suis bien d'accord, je pense que c'est la dernière semaine où j'en vends...
- Et pourquoi ne vendez-vous jamais de coquilles blanches?
- Parce les gens n'achètent pas de coquilles sans corail, elles me restent sur les bras"
Il y a des jours où je le dis que la lecture d'un certain blog devrait être rendue obligatoire dès l'école, ou au moins, qu'il faudrait imposer un bouquin de cuisine de la mer sérieux au programme dès la primaire !
Bon, que faire du corail, puisque corail il y a? J'ai tenté le tartare à tartiner, la coloration de beurre, et des tas de trucs; le dernier en date m'a été soufflé par le plus célèbre des pêcheurs de saint-jacques. Il s'agit de le faire sécher au four très longtemps, au moins cinq heures, puis de le réduire en poudre. On en profite écologiquement pour mettre autre chose à cuire, gigot de sept heures ou tomates à confire.
Je dois avouer que c'est une bonne idée, je me suis servi de cette poudre pour saupoudrer mes assiettes, elle a donné beaucoup de caractère à la préparation. Par ailleurs, je pense qu'elle est parfaite pour les amateurs de sel aromatisé, dont je ne suis pas.
Ris de veau et saint jacques à la citronnelle
C'est déjà une vieille idée à moi de renouveler cette association qui mine de rien, est un classique, on la trouvait assez régulièrement dans certaines timbales, vol au vent et autres coquilles à la bretonne, mais baignant dans de vagues béchamels ou autres approximations.
Ingrédients
- douze coquille saint jacques
- une belle noix de ris de veau
- quelques tiges de citronnelle
- une étoile de badiane
- lait
- lécithine de soja
- poivre blanc et fleur de sel
Recette
Décoquillez les coquilles saint-jacques en conservant les barbes. Enlevez les premières couches de huit tiges de citronnelle et épointez-les en brochettes. Parez et coupez la noix de ris de veau en douze morceaux (elles sont désormais très souvent vendues prêtes à cuire dans dégorgement préalable).
Préparez votre accompagnement, ici c'était une écrasée de panais dont la saveur discrètement réglissée répondait bien à la citronnelle,détendue au beurre et relevée d'un trait de vinaigre de vin. Des salsifis glacés, voire une poignée de fèves fraîches sont également envisageables à mon avis.
Faites rissoler dans une noisette de beurre les barbes des coquilles, mouillez avec du lait, et laisser cuire à feu doux en y mettant une étoile de badiane et de la citronnelle à infuser. Passez et réservez. Embrochez trois noix de saint jacques et trois morceaux de ris de veau sur les brochettes.
Farinez les brochettes de ris de veau, et commencez par les poêler dans un beurre bien mousseux pour les obtenir croustillantes. Lorsque les ris ne sont pas loin de leur point de cuisson (encore un peu rosés!), mettez à cuire les brochettes de saint jacques dans une autre poêle, juste retournées à feu vif une ou deux minutes dans très peu de matière grasse pour obtenir une belle coloration.
Dressez, et servez à l'assiette avec l'accompagnement. Saupoudrez de poivre blanc et de fleur de sel, et si vous avez eu le temps d'en préparer, de poudre de corail de coquille saint jacques.... et surmontez de la mousse de lait que vous avez parfaitement réussie en agitant au mixeur plongeant le lait épicé, dans lequel vous avez ajouté la lécithine de soja; chez moi, elle s'est transformée en une délicieuse sauce onctueuse et diététique, faut pas trop se plaindre non plus...
Dans les verres, j'ai versé un vin blanc de Robert Plageoles, un verdanel. Un cépage qu'il a sauvé de l'oubli, et çà aurait été dommage. Il s'agit de sa première cuvée de ce cépage, de la vendange 2005, c'est très prometteur, cher, mais très bon. A cette fiche de dégustation que je trouve assez exacte, j'ajouterais une certaine tendance à l'exubérance, ce qui lui a permis de faire très bon ménage avec la citronnelle et les autres saveurs comme celle du panais, et celle plus discrète, de la badiane.
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