Calamar retour d'Aurillac
Après tout, Roellinger fait bien du "Saint-pierre retour des Indes", je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas me permettre du "Calamar retour d'Aurillac", mais d'abord, il faut que je vous raconte deux ou trois trucs...
Mais que vas tu f...aire à Aurillac?
C'est la question que j'entends et me pose depuis le mois de mai, lorsque je me suis décidé pour de bon à me rendre aux Européennes du Goût, après en avoir un peu discuté avec Ségolène qui m'a bien expliqué le pourquoi du comment.
Alors oui, c'est loin de la mer et ce n'est pas la date la plus commode pour moi, mais vaille que vaille, je déborde des quais de Seine le vendredi à six heures, parce que pour avoir regardé les possibilités d'y aller de Paris par le train (je n'ose pas cauchemarder un départ de Brest), le plus rapide semblait un trajet avec changement de Micheline à Vladivostok. Je n'ai même pas eu envie de vérifier si c'était desservi par les airs, me doutant que si çà l'était, ce devait l'être par des coucous à hélices comme dans Tintin, et ceux-là je les ai suffisamment pris au risque de devenir sourd et cagneux.
Bref, me voici en route, conscience écologique en paix car j'ai prévu un covoiturage à partir de Bourges, où Mamina m'attend de pied ferme, avec du café et une époisses comme j'aime, sentant un peu les pattes de cormoran (la plupart des gens ignorent cette caractéristique de l'époisses, faute de familiarité suffisante avec les pattes de cormoran, surtout dans le Berry), j'apprécie cette délicatesse de se souvenir que je n'aime pas trop le sucré, en particulier au petit déjeuner.
Je n'aurais pas dû écrire qu'elle m'attendait de pied ferme, car en sortant elle rate un double salto sur le perron et parvient dans le même mouvement à coincer son porte-clés dans le chambranle, sans doute l'émotion de découvrir mon chalutier à roulettes. Quinze grosses minutes (hors taxes) à jouer à Mc Gyver pour réparer, et vogue la croisière, je découvre (sans grande surprise) que ma passagère transforme le plus sophistiqué des autoradios en gadget aphone, mais ce qu'elle raconte est intéressant et souvent drôle.
Bercé par cette cascade et à un moment par la voix de ma fille au téléphone (enfin sa voix sur son répondeur, pardon d'interrompre le fil de ce billet pour un nouveau message à son intention: "Chère Mathilde, si tu me lis du haut de tes onze ans, soit gentille de nous rappeler à l'occasion, souviens-toi que tu es en vacances très loin de tes parents attentifs"), je roule peinard jusqu'au moment où un grand panneau coloré annonce inopinément : "Bienvenue en Languedoc-Roussillon". Coup de frein brutal et virement de bord en panique. Depuis un moment, je m'inquiétais de ne plus voir la direction "Aurillac", mais comme Mamina m'assurait que c'était dû à l'incurie des cantonniers, j'ai continué. Tout çà ne nous a pas mis en avance… çà m'apprendra à téléphoner en conduisant, car c'est juste à ce moment que j'ai raté la sortie…
Tant bien que mal on arrive, et tout de suite on fonce vers le cœur de notre évènement, à savoir la tente où se tiennent les ateliers de cuisine, avec chefs, bloggeurs et autres sympathiques participants, musiciens y compris. Et là, la chanson de gestes commence, quelques retrouvailles, des rencontres espérées ou inattendues, et d'autres qu'hélas on n'a pas le temps de poursuivre autant qu'on l'aimerait, avec par-dessus tout cette satisfaction de croiser des êtres vivants plus que des bloggeurs, si je me fais bien comprendre.
Ils ont tous été très prévenant à mon égard, se demandant si j'allais rester pimpant loin de la mer, prêts à m'allonger sur un lit de glace au moindre signe de cercle rouge autour d'un œil troublé, le symptôme du poisson gras en bout de course ou du breton imbibé…. Merci à tous, j'ai passé d'excellents moments à parler de cuisine et à bien rigoler grâce à vous! Je ne vais pas citer tout le monde, parce que j'en suis bien incapable, juste ceux avec lesquels outre Mamina, j'ai passé plus ou moins de temps.
- Adèle qui m'a si efficacement coaché dans cet univers insolite pour un loup de mer solitaire, merci beaucoup!
- Véro et son mari, j'étais impatient de faire la connaissance de Véro, ce qu'il font plaisir à voir tous les deux!
- Marion, Ninie et Lilo, à peine égouttées de la voie d'eau du camping à la ferme, vraies fleurs sauvages, le sourire indéfectible et l'énergie intacte, grand plaisir de vous voir ou revoir, vous êtes trop vite parties!
- Béatrice et son mari, pas mal de temps passé avec eux aux ateliers et à boire quelques verres dans Aurillac.
- Dorian et son épouse, beaucoup d'humour et de repartie tous les deux, ravi de vous connaître enfin!
- Tit lui aussi avec son indispensable et pétulante conjointe, j'ai l'impression d'avoir retrouvé un copain d'école de Bretagne!
- Ségolène qui était partout, s'ocupant des initiations pour les enfants, animant les ateliers de chefs, présente dès l'ouverture du marché d'Aurillac pour faire la promotion des Européennes, tout en prenant du temps pour chacun, j'ai été ravi de te revoir!
- Patrick, que je croisais enfin après de réguliers échanges par mail et croyez-le ou non, nous avons fait du trafic de vin et du troc de cigares, quel connaisseur et poête en caudalies!
- Deux journalistes, Egmont et Didier, avec lesquels nous avons eu de très intéressants échanges, de vrais pros très sympas!
- Last but not least, Mathilde, qui (outre son beau prénom) nous a tous fait craquer par sa gentillesse et son talent à animer les ateliers au milieu de fortes personnalités!
J'ajoute deux absentes qui m'ont manqué (et pas qu'à moi), car elles ont dû renoncer à se joindre à la fête pour des contraintes pratiques ou de boulot, Requia et Alhya.
J'aurais aimé passer plus de temps avec d'autres avec lesquels je n'ai échangé que quelques mots (Cécile, Nathalie, Dominique, Irisa et ceux pour lesquels ma mémoire défaille, désolé!), voire pas du tout, le temps est passé si vite! Il faut en effet reconnaître que les Européennes du Goût ne sont pas un parc de loisir, il y aurait toujours quelque chose d'intéressant à faire, sans un terrible effort de volonté pour glander et rigoler de temps en temps, que ce soit pour se détendre au soleil en bord de rivière, visiter la ville ou boire un verre et ses frangins jusqu'assez tard, les nuits y sont courtes, c'est de saison…
Beaucoup d'exposants présentaient de très beaux produits, mais c'est mal connaître les gourmands impénitents que penser qu'ils s'en contenteraient, nous sommes allés faire un tour au marché d'Aurillac, ce qui m'a permis d'expertiser les poissonneries. Je crois que je pourrai y survivre une semaine ou deux, j'ai vu quelques jolis poissons, mais peu de diversité et quand même quelques uns qui sentaient le fond de culotte de terre-neuvas (la plupart des gens ignorent cette caractéristique des poissons pas frais, faute de familiarité suffisante avec les fonds de culotte de terre-neuvas, surtout en Auvergne).
J'ai découvert qu'il y avait de bons vins en Auvergne, jusqu'à présent, je n'avais eu (sans doute par méconnaissance) que des confrontations mitigées avec le Saint Pourçain, j'ignorais que quelques lascars passionnés s'étaient mis en tête de restaurer les anciennes terrasses à vignes du Cantal, et commençaient depuis deux ou trois ans à vinifier des breuvages qui tiennent bien le cap. Je ne cite que ce gamay (merci au passage Patrick, de m'avoir cédé trois cols de ta provende personnelle), "Palhàs", 2006, Vin de Pays du Cantal, planté, récolté et vinifié par Gilles Monnier à Molompize, un vigneron passionné et modeste comme j'aime en rencontrer. Palhàs, c'est le mot occitan pour "terrasse".
Je ne vais pas m'attarder à tout raconter, d'autres l'ont fait sur leurs blogs avec talent, juste pour vous dire que j'y retournerai, l'évènement est à la hauteur de ses ambitions tout en restant à dimension familiale (mais qu'est-ce qu'on y mange mal, un paradoxe, il vaut mieux s'organiser un pique-nique avec les produits vendus que d'aller se fourvoyer aux infâmes roulantes d'arrière esplanade). L'Auvergne et vous autres auvergnats vous m'avez bien plu, ma connaissance du coin se limitait à "Astérix et le Bouclier Arverne", et j'ai eu la confirmation que sur votre massif granitique ancien (comme la Bretagne), vous produisez de magnifiques produits. Un peu de patience : un bon coup de réchauffement climatique et çà sera parfait, vous serez aussi au bord de la mer!
Le retour plein de fatigue mais avec de belles images en tête, restauré à Bourges d'un excellent verre de sauvignon et de fromage de chèvre (je soupçonne Mamina d'être crémière clandestine), lesté de superbes cadeaux, puis confronté aux éléments déchainés, foudre, rafales, trombes d'eau et grêle, les voitures normales arrêtées, mais le chalutier à roulettes toujours vaillant en dépit de quelques épisodes de surf, et son timonier nostalgique mais encore hilare, bien content de ne pas être venu en char à voile, l'an prochain peut-être si l'anticyclone ne reste pas glander dans les mers tropicales!
Calamars poêlés au chorizo, risotto à la courgette
Oui, j'ai intitulé ce billet "calamar retour d'Aurillac", histoire d'en préciser le contenu, mais cette recette n'a rien d'auvergnate. L'imposture n'est pas totale, car elle s'inscrit parfaitement dans les Européennes du Goût, calamars et courgette sont français, le chorizo est espagnol, le risotto est italien et le cuisinier breton. Je ne l'ai pourtant pas inventée pour la circonstance, je me suis une fois de plus laissé séduire par un plat dégusté au restaurant "Chez Catherine", à Paris, il a fallu que je le retranscrive d'urgence à la maison!
Ingrédients
- 500 à 750g de petits calamars
- un tronçon de chorizo, piquant ou non
- une petite gousse d'ail (facultatif)
- riz pour risotto
- bouillon de légume
- une petite courgette
- deux ou trois petits oignons blancs frais
- huile d'olive
- beurre
- parmesan
Recette
Choisissez de petits calamars, préparez-les en vidant le manteau qui reste intact car vous en faites ensuite des anneaux et non des lamelles. Conservez aussi les tentacules que vous couperez en deux ou trois morceaux. Lavez soigneusement, mettez dans une poêle avec une cuiller d'huile d'olive et un peu de sel fin, et commencez la cuisson à froid. Dès que de l'eau s'est formée dans la poêle égouttez immédiatement et réservez.
Préparez le risotto : dans un peu de beurre et d'huile d'olive, faites revenir doucement les oignons hachés jusqu'à ce qu'ils fondent un peu sans coloration. Ajoutez la courgette épluchée, égrainée et coupée en petits cubes. Rissolez là une minute, et ajoutez le riz, remuez le un peu, puis faites cuire comme un risotto, en ajoutant progressivement du bouillon de légume. A défaut de bouillon maison, j'utilise les tablettes désydratées que vous apercevez sur la photo ci-dessus, elles sont parfaites. Une fois cuit, nourrissez le à votre convenance de beurre et de parmesan, ces deux ingrédients vont suffire à le saler.
Cinq minutes avant la fin de cuisson du risotto, mettez les calamars à colorer sans violence dans un peu de beurre, et quelques instants avant de servir, vous ajoutez une pointe d'ail éventuellement, et le chorizo (iberico si possible, là j'en avais un tronçon plus ordinaire à terminer) coupé en tranches assez fines, qui doivent chauffer sans cuire ou adieu le moelleux! Franchement, c'est très bon, sur ces photos on peut croire que les calamars sont très colorés, non, c'est surtout le chorizo qui a un peu déteint!