Filets de maquereau grillés, épinards au curry
Mes billets vont se faire plus courts après celui-ci, fini les macrostiches pour un moment, c'est la trêve estivale sur les blogs! Faute de disposer de balise ou de phare wifi en bord de mer, et encore moins à la maison (où c'est déjà beau qu'on ait le courant en dépit des éoliennes qui se propagent comme le mouron rouge dans le canton), je ne vais que peu me connecter à partir de demain où je pars pour un long moment dans mes abers, mais je tâcherai de poster à l'occasion.
Drôle de temps
Ceux qui seraient tentés par le Nord Finistère cet été, je préfère les prévenir tout de suite pour ne pas endurer de quolibets météorologiques à la rentrée, il risque de ne pas y faire beau au moins jusqu'à la fin août, date de la prochaine grande marée (Coefficient 106 les 30 et 31 août, cette année Danann est sage, elle n'ouvre pas trop ses champs marins aux ravageurs de passage).
J'avoue que pour y avoir fait un tour rapide dimanche dernier, le spectacle est assez déprimant, le pays est gorgé d'eau comme au sortir de l'hiver, les chemin sont des bourbiers et la mousse pousse même sur le bitume. La température en plein après-midi n'excédait pas 17°, il se murmure que le feux d'artifice lors de l'inauguration du nouveau port de l'Aber-Wrach a été remplacé par des tir de fusées de détresse. Allez voir l'apparence du ciel sur ce blog, et admirer la bonne mine de ma voisine Jane!
Les cultures sont dans un sale état, les blés sont noircis et couchés sur des terres en bourbier, toutes les céréales commencent à nieller, si vous passez par un champs de seigle, attention à l'ergot (remarquez, ce serait peut-être le seul moyen de voir le soleil). Le maïs ne dépasse pas la hauteur des cuisses, pour qu'il pousse bien, il lui faut une température au dessus des 17°... Les graines ne germent pas et pourrissent, il va être difficile de trouver des petits pois en août! Attention aux légumes racines et aux tubercules de culture non biologique, ils subissent de massifs traitements anti-pourrissement, et d'ailleurs, les traitements anti-mildiou sont presque nécessaires sur toutes les cultures, sympa non? Compensation esthétique, les hortensias et les fuchsias sont opulents!
Si vous êtes plongeurs et pensez sous l'eau échapper à la pluie, oubliez, non seulement la mer s'est à peine réchauffée depuis le printemps, mais depuis quelque temps une houle gênante et une agitation étonnante l'ont rendue très trouble, remontez, il n'y a rien à voir... Enfin, peut-être ainsi passerai-je des vacances tranquilles, car on est envahis depuis l'époque des canicules réelles ou démagogiques, pour ma part la pluie ne me dérange pas beaucoup, au contraire!
Quand une tendance est si bien installée (et le moins qu'on puisse dire est que le temps est surtout pourri depuis quelques semaines), seule une grande marée peut la faire évoluer, çà marche presque à tous les coups. On se demande pourquoi se ruiner à envoyer des satellites et des sondes, pour obtenir des prévisions moins fiables. Cela dit, je ne prends pas de pari, on en recausera en septembre!
Enfin, je dis çà pour les tendances générales, sur les prévisions à très court terme la technologie reste très utile; cet été encore, ne partez pas en mer sans passer un coup de fil à la météo marine, c'est très facile, il suffit de composer un numéro dont les deux derniers chiffres sont ceux du département où vous vous trouvez, par exemple 08 92 68 08 29 si vous êtes dans le Finistère (nord ou sud, çà reste donc imprécis), ou 08 92 68 08 15 si vous êtes dans le Cantal. Les vrais marins en ont un peu marre d'aller récupérer des inconscients sur leurs promène-couillons, l'insoutenable étant que c'est quasiment toujours à l'heure de l'apéro que les proches s'aperçoivent que leur amiral de Bassin des Tuileries n'est pas rentré!
Le maquereau est un excellent poisson
Je classe le maquereau au rang des meilleurs poissons, je comprends mal qu'il soit si peu considéré, car il a tout pour plaire, y compris des vertus diététiques indéniables, je n'ose pas dire macrobiotiques pour ne pas provoquer les végétariens, mais je suis tenté! C'est un poisson gras (autant qu'une escalope de veau!), de la même famille que le thon ou l'espadon, et comme presque tous les représentants de cette espèce, les perciformes, ce sont de formidables nageurs musclés. C'est aussi un excellent pourvoyeur d'oméga 3 et 6, et d'un tas d'autres substances bénéfiques, tout en ne rajoutant pas de calories superflues, allez voir ici, parfois je me dis que ce blog devrait être Déclaré d'Intérêt Général et la connexion remboursée.
C'est également un poisson très peu onéreux, difficile de le trouver à plus de cinq euros le kilo, je n'ose pas dire qu'il est macro économique pour ne pas provoquer les gens avec lesquels je bosse, mais je suis tenté!
La ressource n'est pas en danger, des maquereaux, il y en a quasiment partout, même si c'est un peu moins la joie en Mer du Nord. Les canadiens les estiment encore moins que les européens, et on peut en voir de magnifiques bancs au large de la Gaspésie, où on les nomme "maquereau bleu", c'est le même poisson que notre maquereau commun, ou scomber scombrus. Il existe un autre maquereau sur nos côtes, plus fréquent dans la partie sud de l'Atlantique du nord-est (il vont finir par nous rendre dingues), le scomber japonicus, ou maquereau espagnol. Ne me demandez pas pourquoi l'espagnol est japonicus, cela fait partie des charmes de la zoologie marine.
Alors, attention une fois de plus aux étiquettes des poissonniers, le maquereau espagnol est beaucoup moins prisé que le maquereau commun. Je ne peux pas vous donner mon opinion, n'ayant jamais goûté le premier. Il est assez facile à reconnaître, car il est un peu tacheté sur les flancs, ce qui n'est jamais le cas du maquereau commun. Sur l'illustration ci-dessous, c'est évident, mais parfois les tachetures sont bien moins apparentes. Par ailleurs, il n'est jamais aussi bleu, mais désolé, je n'ai pas de meilleure illustration en stock!
Une autre façon de les distinguer est de compter les épines de leur nageoire dorsale (je vous imagine bien le faire chez votre poissonnier), ou de repérer la présence d'une tâche colorée et opaque entre les deux yeux, on la distingue bien sur cette photo en gros plan, je n'ose pas dire en mode macro pour ne pas provoquer les culino-bloggeurs qui s'évertuent à photographier la moindre parcelle de nourriture qu'ils rencontrent, mais je suis tenté!
Le cœur de la saison est en été. L'hiver en effet, le maquereau part hiberner en eaux profondes, où il cesse pratiquement de s'alimenter. Il revient se reproduire au bord du plateau continental et plus près des côtes, à la fin de l'hiver (cela varie un peu selon les zones). Ce n'est qu'ensuite qu'il refait une chair, se nourrissant de façon assez singulière, il ouvre grand la bouche, gonflant alors carrément la tête en déployant les ouïes, et se comporte alors à la manière d'un chalut dont les mailles retiennent tous les animaux dépassant 1,5mm, essentiellement des crustacés, mais aussi des alevins de sprats, anchois, maquereaux (ben oui...), etc..
Lever les filets de maquereau
On m'a souvent demandé dans les commentaires ou par mail, de montrer comment lever les filets de poissons. Voici la technique que j'emploie pour nombre de poissons ronds, elle est différente pour les poissons plats. Je ne dis pas qu'elle est la meilleure, mais elle fonctionne très bien. C'est une très bonne idée de s'exercer avec des maquereaux, car c'est plutôt facile et en cas de massacre, vous n'abimez pas un poisson de grand prix. Une fois que vous maîtriserez le maquereau, vous serez en mesure de vous attaquer aux filets de mérou ou de requin marteau.
Je commence par couper la tête juste derrière les nageoires, un peu en biais pour ne pas perdre la belle chair qui se trouve sur le dos juste derrière la tête. J'entaille le ventre sur toute la longueur, en profitant au passage pour enlever les viscères.
Je lève le premier filet en glissant vers la queue le long de l'arête centrale, le dos du poissons tourné vers moi. Travaillez la lame orientée un peu de biais, mais strictement horizontale. Je n'utilise pas de couteau à lame souple dit "à filet de sole", ce dernier étant seulement utile pour certains poissons plats (sole, limande, carrelet... et d'ailleurs je préfère ces derniers entiers).
Pour le second filet, je commence par la queue, la coupe sera un rien moins nette car on n'est plus dans le sens des fibres de la chair, mais c'est bien plus commode ainsi.
Il ne reste plus qu'à habiller les filets de façon à obtenir une forme nette. Pour le maquereau, j'enlève carrément la paroi ventrale, il n'y a quasiment pas de chair et la pellicule noire qui la tapisse est amère.
Filets de maquereau grillés, épinards au curry
Je préfère en général manger les gros poissons que les petits (le genre macrophage si vous voyez...), car la chair est mieux conformée et il y a moins de perte lors de la préparation (vous avez pu voir sur les images ci-dessus que j'en jette bien la moitié sous forme de tête, d'entrailles et d'arêtes, il faut tenir compte de cela lorsqu'on achète de poisson entier, par exemple, le bar de ligne (40% de perte) est souvent plus cher que le filet de bœuf)! Le maquereau, je le trouve nettement plus fin en petite taille, le fin du fin étant la lisette, qu'il serait toutefois dommage de ne pas préparer entière.
Ingrédients
- huit petits maquereaux
- gros sel
- un kilo de pousses d'épinard
- trois petits oignons blancs frais
- une cuiller à café rase de graines de moutarde brune
- une belle cuiller à soupe de crème fraîche épaisse
- une cuiller à café rase de poudre de curry
- poivre blanc
- sel fin
Recette
Commencez par lever et parer les filets de maquereau, lavez, égouttez et mélangez les avec une petite poignée de gros sel pendant vingt minutes au maximum. Puis lavez les soigneusement et séchez les du mieux que possible, dans du papier absorbant par exemple. Huilez les très légèrement, et réservez.
Dans une grande poêle, faites revenir doucement les oignons blancs dans un peu de beurre, dès qu'ils colorent un peu, ajoutez les graines de moutarde brune et rissolez encore une ou deux minutes.
Les deux cuissons se mènent simultanément. Sur une plancha ou un gril bien chauds, étalez une feuille de papier sulfurisé, le meilleur des antiadhésifs et des anti-salissant, et posez les filets de maquereau sur la peau. Au bout de deux à trois minutes, coupez le feu et retournez les filets, ils finiront de cuire ainsi et se maintiendront chauds jusqu'au moment du service.
Pendant qu'ils grillent, faites tomber les pousses d'épinard très rapidement dans la poêle avec les oignons et les graines de moutarde. Attention il faut juste les tomber, ce qui prend à peine une minute, en aucun cas les cuire au delà; videz l'eau excédentaire, il s'en produit toujours un peu surtout si vous les avez mal égouttés, ajoutez la poudre de curry, un peu de poivre blanc et la crème fraîche, servez dès que cette dernière est chaude.
Disposez un coussin d'épinard au fond de l'assiette, puis placez les filets de maquereau par dessus. Oui, j'aurais pu choisir des assiettes plus grandes, mais j'aime bien servir les plats simples dans celles-ci.
Vous pouvez imaginer quelques variantes. Si vous avez la chance de tomber sur des tétragones, une variété d'épinard ayant presque la forme d'une feuille de lierre, à la saveur délicieuse, précipitez-vous; pour ma part cela fait longtemps que je n'en vois plus sur les marchés. La jeune pousse d'épinard utilisée est un petit luxe, mais non seulement c'est la seule façon de les faire apprécier à ma fille (et j'avoue que moi-même...) mais leur saveur délicate ne vient pas heurter celle du maquereau qui, cuit en filets, est très fine. On peut aussi ajouter au moment de servir quelques gouttes d'huile de sésame sur le poisson, mais je préfère m'en passer!
On boit par exemple un Coteaux du Jura contenant au moins 50% de savagnin, pour moi c'est un classique dès qu'on parle de curry, mais il en est bien d'autres possibles... certains Gaillac blancs par exemple...