Lieu jaune grillé au fenouil, beurre au pastis
On a parfois de louches tentations dès le titre d'un billet, vous avez échappé (très provisoirement cependant) au "Lieu jaune beurré au jaune".
Avec quelques notions d'argot de troquet, on sait éventuellement ce que veut dire être beurré (exemple : "être beurré comme un petit lieu" ), mais on peut ignorer que le jaune désigne le pastis. "Fenouil" est également un mot utilisé en Provence pour désigner cette boisson soluble, mais je vous ai déjà parlé de cette plante, et de la Provence aussi, par contre jamais du pastis, c'est l'occasion rêvée.
Cette recette est transposable à de nombreux poissons, le grand classique du genre étant le bar au fenouil flambé au pastis. N'allez cependant pas le répéter dans les bistrots, sous peine de déclencher l'effondrement des certitudes des piliers accoudés sur l'un tandis qu'ils lèvent l'autre.
Parce que le pastis au bar, ah ouais, ils le connaissent bien cet ami de tous les jours, les bons comme les Dubonnet, mais le bar au pastis les plonge dans un abîme de perplexité. Un truc à les conduire (sans choisir) à boire du whisky comme de mauvais français. Ensuite dis-moi un peu Jojo, de quoi auront-ils l'air avec un bob "Jeannot-Marcheur" à rouler les bobs au comptoir (Bob l'Eponge Attitude)? Un coup à abattre une nation de conquérants de l'ovalie (comme ils disent ces cons) une galéjade pareille! Non, Amis de la France et du Pastis Réunis, restez debout, droit dans vos brouettes et dans votre univers sans concession : "Un Ricard sinon rien!". Ah mais ...
En Bretagne (qui est pourtant la patrie du Petit Beurre, alias Petit Lu), on dit parfois "rôti" à la place de "beurré" (exemple : "être rôti comme une queue de pelle"), comme quoi la dégustation de spiritueux ne s'embarrasse pas trop de préjugés culinaires, ce qui lui permet d'être toujours à l'heure du train de l'histoire, car qui trop s'embarrasse manque le train, je ne vous apprends rien. Attention toutefois à ne pas confondre rôti et grillé, ce dernier terme n'étant pas approprié pour désigner une bonne cuite.
Être beurré se dit aussi "être noir" (exemple : "être noir après une nuit blanche"). Une légitime méfiance s'impose derechef, car il est alors possible de confondre lieu noir et lieu jaune, un peu comme comme merle et canari, ou petit noir et citron pressé, si je me fais bien comprendre. Évidemment, si on n'a pas quelques notions d'argot de bistrot, on ne sait pas que le petit noir est un café et le citron pressé un pastis avalé cul-sec. A noter certains particularismes, ainsi le café breton est rouge et le perroquet est un pastis additionné de menthe. De même que les bretons rencontrent des poissons jaunes tandis que les gens ordinaires croisent des pachydermes roses . Toujours bon à savoir... pas vrai Jojo?
Dans le domaine du bon à savoir, et pour le cas où un cataclysme priverait les athlètes de comptoirs de leur jaune (avec les risques d'hypopasticémie et de lieujaunellose qu'une telle pénurie comporte), je vous communique la recette de pastis que je l'ai trouvée sur ce site. Merci qui encore une fois?
Alors, il vous faudra dans l'idéal et dans l'absolu être pote avec un pharmacien pour vous procurer de l'alcool à 90°à diluer; disons deux litres et demie, sinon vous devrez vous contenter de cinq litres d'alcool de fruits du commerce à 45° de longitude est, souvent de qualité douteuse, à moins qu'en longitude ouest, vous ne trouviez de l'alcool de fruits de mer.
Ensuite vous réunirez les aromates : 100g de badiane, 50g d'anis vert, 25g de fenouil (ne confondez pas fenouille et pastaga), 25g de coriandre, 50g de réglisse en poudre. Vous mettez le tout à macérer dans l'alcool pendant un mois, en remuant chaque jour. Vous filtrez ensuite.
Pour la dégustation, c'est à diluer dans pas mal d'eau très fraîche, les écolos mettent l'eau dans le verre avant le pastis, car sinon elle trouble la couche d'eau jaune. Le glaçon est discuté car d'un côté il occasionne un dépôt huileux en surface, mais de l'autre, il produit un bruit agréable contre les parois du verre. Pas de sucre en ce qui me concerne, mais vous pouvez en ajouter.
Bon, vous voilà avertis tous les deux (mais non, je ne vois pas double, c'est juste qu'un homme averti en vaut deux) pour affronter la suite de ce billet. Quand je pense que j'avais commencé ces quelques lignes pour vous raconter mon enfance mes soirées de ces derniers jours mes vacances, et que me voici à supputer le taux de sang qui reste dans mon alcool... D'ailleurs, tous les nuisibles s'en sont donnés le mot, il y a de la biture de moustique dans l'air de cette mine à poivre mal tenue. N'importe comment, je ne reviendrai plus jamais dans ce rade, un type sans gêne m'a marché sur les mains alors que je revenais du grand téléphone blanc! Tu m'entends bien Jaujaune? JAMAIS...
Enfin berf, c'est pas si trop grave, suivons la ligne du leu jiaune, c'est l'aviron qui nous mène en rond vers nos cousines Ikéya, après Nerval, Rimbaud, je vais finir maudit!
Hein, qu'est-ce tu dis Zauzaune? Me faire souffler dans le biniou et retirer tous les points de mon permis de blogger? T'as pas tort mon gars, L'ABUS D'ALCOOL est abusif certes, mais surtout il EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. Alors, CONSOMMEZ AVEC MODÉRATION (C'est ma copine à moi Modération, depuis le temps qu'on entonne des canons ensembles, on se connaît bien et elle me trouve bourré de charme).
Lieu jaune grillé au fenouil, beurre au pastis
Ingrédients
- un beau lieu jaune (au moins 1,5 kg)
- feuilles et fleurs (ou graines) de fenouil
- huile d'olive
- poivre blanc
- beurre
- crème fraîche
- pastis
Je n'ai franchement rien à ajouter sur les ingrédients, je vous ai déjà parlé du lieu jaune, du fenouil, du beurre, du pastis ci-dessus et tout le monde sait ce qu'est de la crème fraîche, à en croire le nombre impressionnant de pana cotta multicolores qui traînent sur les blogs. Du coup, pour ne pas avoir l'air de tirer au flanc (et me faire pardonner un poil de trivialité), je vais vous donner trois méthodes de réalisation de cette recette, j'en connais qui en feraient trois billets, mais ici on aime et on ne compte pas.
Recette I : Totalement décontractée
Elle se réalise au feu de bois. On vide le lieu jaune, on le coupe en tronçons, on le laisse mariner une demi heure dans un trait d'huile d'olive, avec un peu de feuilles et fleurs de fenouil et du poivre blanc. On coince ensuite les tronçons de poisson dans une grille, et on le fait cuire à la braise. C'est prêt quand c'est cuit.
Si vous voulez être totalement dégagés de toute obligation culinaire un peu élaborée, vous faites fondre du beurre dans une casserole, et vous y versez un doigt de pastis dans le sens de la hauteur ou de l'épaisseur, comme vous le sentez...
Recette II : Faussement décontractée
Elle parait en effet nécessiter encore moins de manipulations que la précédente, puisqu'on vide le lieu jaune, on le mets entier à mariner une demi heure avec l'huile d'olive, le fenouil et le poivre. Et pour que l'intérieur soit aussi bien aromatisé, on glisse quelques bûchettes et feuilles de fenouil dans la cavité ventrale, qu'on aura auparavant salée et poivrée. Cuisson à la braise également, en fin de cuisson, vous placerez des rameaux de fenouil sur les braises, pour encore plus embaumer le poisson.
Bon, elle peut au premier abord sembler encore plus dilettante que la précédente, surtout si on garde la même version du beurre au lieu de celle qui va suivre. Mais qui est-ce qui va dépiauter le poisson pour servir de beaux filets? Par ailleurs, sur ces photos, c'est un bar qui passe sur les braises, il a en plus fallu l'écailler. Je n'écaille habituellement pas les poissons à griller, la peau s'enlevant plus facilement avec, mais là, il s'agit de le parfumer de fenouil, il est donc prévu de manger la peau.
Recette III : Facile, mais un peu de boulot quand même
Préparation du poisson
Après avoir vidé et lavé le poisson, vous le levez en filets, filets que vous coupez en pavés. Puis dans une plaque à pâtisserie (je m'amuse comme un fou à écrire ces mots, car cette plaque n'a jamais reçu la moindre pâtisserie, sinon quelques hectares de kouign aman à réchauffer!), vous déposez un croisillon de tiges de fenouil. Sur ce croisillon, vous disposez les morceaux de poisson, légèrement salés, poivrés, et parsemés de feuille et de fleurs de fenouil.
La cuisson s'effectue cette fois au four, vous vous en êtes douté en voyant cette plaque. A four très chaud comme d'habitude, une dizaine de minutes tout au plus.
Préparation du beurre blanc au pastis
Inutile de me le reprocher, je sais parfaitement que le vrai beurre blanc se monte à partir d'un extrait d'échalotes au vinaigre. Mais rien ne m'empêche de le pratiquer au pastis que je sache, tant que je n'ajoute pas le qualificatif "nantais". Vous pouvez éventuellement le réaliser avec un autre spiritueux, comme l'anisette ou l'un de ses dérivés méditerranéens. J'emploie (et je bois habituellement) un très bon pastis sans sucre, qui a le mérite de ne pas sucrer le beurre blanc!
La préparation est simple : Cinq minutes avant de servir, versez une cuiller à soupe de crème fraîche dans un bol avec deux ou trois cuillers à café de pastis. Placez le bol au bain-marie et ajoutez progressivement 200g de beurre en morceaux, au fur et à mesure qu’il fond sans cesser de fouetter, le temps qu'il épaississe.
Alors évidemment, j'ai pris cette photo avant d'ajouter ce beurre dans l'assiette, je veux bien manger mon poisson tiède de temps à autres pour cause de photo, mais le beurre figé, faut pas pousser! C'était un repas de midi simple et rapide à préparer, l'accompagnement de salade vertes et de grenailles rissolées (c'est mieux à la vapeur, mais ce n'est pas la recette de poisson que j'avais prévue au départ) était plutôt rustique.
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