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Cuisine de la mer
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16 novembre 2007

Sole grillée

A force d'écrire des billets sur les fantômes, vous pourriez croire que j'en suis devenu  un, tant je suis absent des blogs ces temps-ci, ne répondant que rarement aux commentaires que vous me laissez, dont il est inutile de préciser que je les apprécie toujours autant! Le fait est que je maîtrise pas totalement mon temps depuis quelques semaines, et qu'en plus une véritable boulimie de lecture hors écran m'a repris, je vais d'ailleurs vous parler d'un excellent livre au cours de ces quelques lignes. Enfin, dites-vous qu'un fantôme est avant tout un revenant, et que je n'ai pas envie que se distendent les liens très sympathiques nés au travers de CdM.

Du rififi à Trégasoil

Je vous ai annoncé que je vous dirai quelques mots sur le récent conflit des marins pêcheurs, le temps me manque pour faire un  papier un peu complet, juste en quelques mots, dire que le carburant est de plus en plus cher, et qu'ils en ont de plus en plus en plus besoin. En effet, à force de pêche à outrance, il faut aller plus loin et déployer des moyens plus lourds pour espérer ramener la même quantité de poissons.

Cela les pêcheurs le savent bien et beaucoup sont prêts à entrer dans un processus de rationalisation de la ressource, ou alors ils n'ont pas le choix, comme par exemple pour la coquille saint jacques, où les dates et les horaires de pêche sont imposés et strictement surveillés.

Ce qu'ils admettent moins, c'est  de se retrouver à la même enseigne quant aux contraintes, que les pêcheurs industriels, lesquels se comportent parfois en véritables pillards braconniers. Par ailleurs, et c'est une constante pour les produits alimentaires, ils ne peuvent accepter (et moi non plus), que l'augmentation vertigineuse des poissons et fruits de mer (y compris d'ailleurs les poissons d'élevage!) ne leur profite que si peu. Je n'ai pas le temps de développer, je vais me contenter de deux anecdotes entendues en Bretagne il y a une quinzaine de jours, en plein conflit, c'est un peu "Café du commerce", mais je connais de pires endroits.

La première, j'étais au Halles Saint-Louis à Brest pour acheter les lisettes que je vous ai présentées la semaine dernière, quand attendant sagement mon tour, j'entends l'un des officiants de la poissonnerie parler à un client de ce mouvement des pêcheurs; genre, on ne voit pas de quoi ils se plaignent : "Vous conaissez l'histoire qu'on raconte au Guilvinec? Je la tiens d'un fils et petit fils de pêcheur (mais bien sur...) : Vous savez comment on reconnaît la maison d'un marin pêcheur? Et bien, les poignées de porte sont en or, même celle des toilettes!" Textuellement. Autant vous dire que j'ai quitté l'endroit (où les prix sont astronomiques et grimpent tous les jours, çà va encore quand on achète des maquereaux, mais pour le reste, il faut être motivé, ou marin-pêcheur de la grande époque).  C'est vrai qu'il fut un temps où la pêche était abondante et lucrative, ce n'est vraiment plus le cas pour les petits armements.

La seconde, c'était à la Coopérative des Marins  du port de l'Aber-Wrach, elle est plus instructive : sur le ton  "on n'en peut plus avec tous ces contrôles, c'est d'ailleurs ce qui a mis le feu aux poudres au Guilvinec" (ce qui est exact, le mouvement qui couvait depuis un bon moment a pris corps après un énième contrôle du maillage des filets).

" Ils nous emmerdent vraiment, c'est normal qu'il y ait des contrôles, mais se faire inspecter cinquante fois pour la même chose, c'est n'importe quoi, et c'est fait sans aucune coordination. Figurez que sur le port où sur le plan d'eau, il y a parfois en même temps les Douanes, la Gendarmerie Maritime, et jusqu'aux gendarmes de la brigade de Lannilis (le chef-lieu de canton) qui font du zèle. Et toujours pour les mêmes conneries, le matériel de sécurité, la façon dont le nom des bateaux est inscrite  (il y a un pêcheur qui s'est pris une amende parce que le nom n'était pas marqué au tableau arrière!). Et le plus beau de tout çà, c'est qu'il n'y a jamais personne au débarquement de la pêche, quand il faudrait surveiller ceux qui ramènent des poissons en dessous de la taille réglementaire."

Voilà, je vous laisse méditer là-dessus, j'ajoute seulement que tout rudes et parfois tricheurs qu'ils soient, je les aime bien ces marins de la petite pêche, et que lorsqu'ils ramènent du poisson même écologiquement incorrect comme la sole dont il faudrait restreindre les prélèvements (comme de presque tous les poissons dits nobles, hélas), et bien c'est à eux que je l'achète, je me fais doublement plaisir!

Calme plat chez les soles

J'avais entendu parler de ce livre dans une émission, j'ai fini par l'acheter, et je ne regrette qu'une chose, c'est de ne pas l'avoir écrit!

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Marc Giraud est naturaliste, un vrai et un passionné, qui connaît (entre autres) la vie marine dans ses détails les plus scientifiques, pas seulement les comestibles, et d'ailleurs il n'a qu'une opinion mitigée à l'égard de ceux qui donnent des recettes, sans poser la question du contenu responsable des assiettes.

Il traite aussi bien ses moeurs des oiseaux de mer et des cétacés, que des caractéristiques physique du byssus de moule ou  des mutations de tous ceux qui peuplent la mer et l'estran. Vous y retrouverez quelques unes des histoires que j'ai déjà racontées ici, mais j'en ai appris des tonnes, il va devenir un  livre de référence pour mes prochains billets. La plume est alerte et drôle, une quintessence du gai savoir comme je l'aime, parfois truculente et se laissant aller à des jeux de mots que franchement, je me demande si je les oserais, et pourtant je ne vous épargne pas!

Rien que le titre du livre que j'ai lu d'une traite en une nuit, en est un. Ce titre surgit dans le corps de l'ouvrage, en dernière partie, lorsqu'il consacre un gros chapitre à la destruction de l'espace maritime. Son approche du sujet est juste de mon point de vue, elle n'est pas culpabilisante, elle évoque des solutions globales d'ordre inter-étatiques, tout en conseillant des gestes quotidiens que nous autres consommateurs de produits de la mer ou simples promeneurs de l'estran, ferions bien de transformer en habitudes.

Ô sole mio

Oui, c'est bon la sole grillée, mais pour rester dans la gamme, elle n'est qu'à demi  facile à dorer la sole. Puisqu'il est désormais convenu (et imprimé) qu'on a le droit aux giochi di parole pour évoquer les animaux marins, j'aurais bien envie de vous interpréter un concerto en sole meunière, mais sachons limiter nos ambition, le poisson est déjà suffisamment gros à avaler.

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Une très belle pièce d'environ deux kilos, encore palpitante, vous apercevez qu'elle est encore enduite de mucus, signe le plus évident de sa fraîcheur. Il n'y a rien de très passionnant à raconter sur la sole, c'est une bête placide qui reste tapie, plus ou moins enfouie dans les fonds sableux, attendant patiemment qu'une proie passe à sa portée, et hop, elle l'aspire littéralement. En cela, il est bien pratique qu'elle devienne plate à un moment de son existence. En effet, lorsqu'il est jeune, ce poisson est comme les autres, il nage à la verticale, et à un oeil de chaque côté de la tête. Puis, lorsque lui prend l'envie de se poser, son oeil gauche passe du côté droit (chez d'autres espèces, c'est l'oeil droit qui change de côté).

Elle devient alors celle qu'on connaît, une peau sombre au dessus, et la partie qui reste tournée vers le sol bien blanche. Peu mobile comme elle l'est, il y lui a fallu comme à presque tous les poissons plats, trouver un subterfuge pour tromper les prédateurs. Alors, telle un caméléon la sole change de couleur en fonction de l'aspect du fond sur lequel elle repose. Ce que j'ai appris en plus dans le livre dont je parle ci-dessus, c'est que ce mimétisme passe par la vue. Si vous lui présentez une couleur différente à chaque oeil, sa peau va prendre une teinte intermédiaire. Et si vous lui crevez les yeux, elle ne change plus de couleur.

Crever les yeux à une sole? C'est bien une cruauté de scientifiques. Peu de poissons ont une telle parure, l'un de mes copains pêcheur la nomme "la demoiselle aux yeux verts".  Et vous savez quoi? Évoluant dans la mer, les yeux des poissons n'ont pas besoin de larmes, la sole n'est pas pleureuse.

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Sole grillée

Ingrédients

- une grosse sole
- beurre
- sel
- poivre blanc

Recette

Le plus coton est d'ôter la peau de la sole. Plus elle est grosse, plus elle est fraîche, et plus c'est difficile. Le poissonnier vous le fera, mais le pêcheur, vous pouvez toujours attendre! L'exercice consiste à l'entailler du côté de la queue, jusqu'à en dégager un lambeau assez grand pour le saisir dans un coin de torchon. Avec un autre torchon, vous la tenez solidement par la queue, et vous tirez, fermement mais pas trop vite pour des sujets de ce calibre, vous risqueriez sinon d'arracher des bouts de chair. Vous finissez de l'habiller en rognant aux ciseaux les nageoires de chaque côté. Normalement, je laisse la tête, mais là, elle dépassait de ma plaque de cuisson! Alors oui, c'était une maman avec ses oeufs, dommage... mais c'était la seule de cette taille.

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Dans ma pourtant très complète panoplie de Captain Seafoods, il est un outil dont je ne veux pas, c'est ce fameux couteau à filets de sole. Je trouve en effet que sans ses arêtes, la sole perd beaucoup de sa saveur. Ce n'est pas pour rien que c'est avec elles qu'on confectionne le meilleur des fumets de poisson. Alors, ne levez pas les filets, et pour vos fumets, demandez les arêtes à votre poissonnier, il en a plein, compte tenu du nombre d'ignorants qui lui demande des filets!

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La suite est d'une extrême simplicité, beaucoup de beurre, du sel et du poivre, et vous la mettez à four très chaud (mais pas au gril) jusqu'à ce qu'elle prenne un beau bronzage, à doser en fonction de l'épaisseur du poisson.

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Si vous avez bien travaillé, vous obtenez des filets bien fermes et juteux, comme ci-dessous, ce que j'appelle le juste rose à l'arête, lorsqu'un peu de chair reste collé à l'arête centrale, et que les arêtes adjacentes ont conservé leur teinte rosée.

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Pour en terminer, je vous suggère une variante intéressante, à réserver à de plus petits sujets. Vous préparez le poisson comme ci dessus, puis vous confectionnez une manière de croûte à crumble, en mélangeant une chapelure très grossière (je concasse de ces petits pains d'épeautre grillés qu'on trouve dans les magasins bios), que je malaxe avec du beurre et du sumac. Une fois cuit, on obtient ceci. Le poisson est moins bronzé, normal, vu qu'il est plus mince (ce sont des soles dites "portion"), il passe moins de temps au four!

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Commentaires
C
Absent, toi? Arrête, on dirait que t'as des antennes... La sole est une de mes madeleines de Proust, ma grand-mère les payait une fortune chez son épicier-poissonnier-primeur d'en bas...
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V
Purée, ben si même chez les soles,y en a qui sont de gauche, et d'autres de droites... non mais vraiment le monde part à vau l'eau!!<br /> Inutile de te dire que je n'ai jamais préparé de sole moi-même, ni même jamais vu de sole aussi grosse!! Y a pas, vu de près comme ça, ça a vraiment une drôle de tronche!!<br /> C'est un poisson que je ne consomme pas du tout, par ignorance car je n'en mangeais jamais chez ma mère... Je vais donc continuer ainsi (ça a l'air bien bon, pourtant, ce gros plan avec les filets qui se détachent de l'arête centrale)si tu dis qu'elle est pas écolocorrecte... mais bon sang qu'est-ce qu'on va bouffer dans dix ans!!<br /> PS: quand même, une maman et ses oeufs, peuchère...
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M
Moi quand j'étais petite nous ne mangions que très rarement de la sole, car elle était trop chère. De temps en temps, cependant, pour faire plaisir à toute la famille, maman achetait des solettes délicieues simplement passées à la poële dans un peu de beurre comme vous avez fait. <br /> La sole est un vrai produit de fête.
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A
Quand j'étais petite, mon gentil papa m'achetait tellement de soles que j'ai fini par lui dire que je ne les aimais pas. C'est snob, n'est-il pas ? Maintenant je les adore de nouveau.
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J
Il est toujours aussi passionnant de lire tes billets, où on apprends énormément de choses, c'est un régal des yeux aussi<br /> Diantre , je croyais la sole plus petite, excuses l'ignare en la matière que je suis.<br /> Un sole de deux kilos doit valoir fort cher par les temps qui courent.<br /> <br /> jupi
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