Chou farci à l'araignée de mer
Lorsque je me suis demandé quoi raconter pour introduire cette recette, j'ai d'abord pensé à mon compagnon musical de presque chaque jour, Serge Gainsbourg, l'homme à la tête de chou.
Puis je me suis souvenu de nos quelques rastavibes fumées naguère sur Negusa Nagast, de quelques verres de hasard au bar du Ritz, quelques mois avant qu'il s'en aille montrer la beauté cachée au Fumeur de Havanes, de quelques mots sur le thème "Putain, que c'est con...", et je me suis dit que j'ai un quelque trop plein de respect pour ce mec, pour ne pas trop le mêler à mes gamelles bien moins immortelles.
Par ailleurs, si tu aimes les chansons de marins (ce qui n'est pas mon cas, je déteste le folklore et les blaireaux), ce n'est pas avec Gainsbarre (à babord) que tu vas t'éclater; ses cargos sont des avions, même s'ils s'abiment, sublimes, sur ces lumineux coraux des côtes guinéennes, il n'y a aucun bateau sous son transat, lorsqu'il est au bord de la mer, il oublie laquelle, et m'est avis que lorsqu'il a pris le ferry en 1969 avec ma jolie voisine de Bretagne, il n'a pas été tenté de regarder plus d'une fois par le hublot.
J'ai donc changé mon baudrier d'épaule et, difficile d'y échapper en cette période, je vais commencer ce billet par un récapitulatif de CdM en 2007, regard en arrière complaisant et autosatisfaction, j'espère que cela vous plaira autant qu'à moi... Ecce homo :
Janvier 2007
Je suis encore un bloggeur newbie, je publie trois articles par semaine, et je me demande d'une part si je ne vais pas dépeupler les océans à cette fréquence, et d'autre part, ce que je vais pouvoir raconter avant la recette. Heureusement, il y avait à l'époque foison de questionnaires qui gravitaient dans la blogoboule, et celui-là, "Cinq choses que vous ne savez pas de moi", je me suis éclaté en y répondant.
La recette qui suivait est l'une de mes préférées depuis que je l'ai découverte chez mon amie Fleur de Mer, je la réalise souvent. La dernière fois, c'était au début de ce mois, j'ai testé avec du jus de yuzu pour voir, mais c'était moins fin qu'avec le mélange de la recette originale. Ce sont les "Pétoncles noirs aux agrumes", c'est beau, c'est bon, et bigorneau sur le kuign, ce n'est pas très cher.
Février 2007
Mon rythme de publication commence à se ralentir, ce n'est pas plus mal. J'ai choisi pour ce mois de retenir une recette de rouget grondin, un poisson mal connu et mal aimé, par chez moi, il sert essentiellement à appâter les crevettes dans les casiers, plus rarement on en fait de la soupe. C'est l'un des buts que je me suis fixé avec ce blog, montrer qu'il n'y a pas que le thon et le cabillaud ou autre poisson noble pour se régaler. En tant que consommateurs, (je me répète, mais çà finira bien par rentrer), le meilleur geste écologique que nous puissions faire est de diversifier au maximum les espèces sauvages que nous cuisinons, sans interdit mais sans excès.
Après de classiques bêtises sur ce poisson, j'ai réalisé des "Grondins farcis à la bohémienne", une technique sympa et un vrai régal.
Mars 2007
Mars, c'est le mois où je me suis fixé un rythme hebdomadaire de publication, chaque vendredi, jour du poisson comme chacun sait, à 07H07 précises. Pas que je me prenne pour James Bond (du moins pas en cuisine), mais parce que "07", çà sonne comme "recette". On se détend comme on peut.
Une recette qui m'a beaucoup amusé et en a fait rire plus d'un, en célibataire au fond de ma Bretagne, à manger une salade aux fleurs. D'accord je buvais du whisky avec, comme je le racontais dans le billet précédent, que j'aime bien aussi, car c'est la première fois que vous parlais à coeur ouvert de ma Bretagne, il y en a eu et il y en aura d'autres. Alors, c'était une "Salade de saumon fumé aux primevères".
Avril 2007
Un billet que j'ai également pris beaucoup plaisir à écrire, même si je m'étais juré de ne plus répondre à aucun questionnaire, maintenant que me voici bloggeur confirmé et crâneur, mais bon, il est de ces invitations que je ne peux refuser : parler des livres que j'ai préférés ou moins aimés, c'était trop tentant, lire est l'une des grandes occupations de ma vie, j'y passe plus de temps qu'à dormir.
Côté recette j'étais content aussi, car il est délicieux, simple et frais, ce curieux "Carpaccio de bar aux fraises et au kiwi". Franchement, essayez en saison, vous serez étonnés!
Mai 2007
Un drôle de texte imaginé devant une mer d'huile, ma Bretagne quand elle est calme, on a parfois du mal à la prendre au sérieux, alors on s'amuse à s'ennuyer.
J'aurais pu faire des sardines à l'huile, pour être à l'unisson avec la mer, mais non, besoin de voyage, et envie de retrouver la saveur d'une "Soupe de tamarin aux crevettes", telle que nous la mangions voici quelques années dans un très bon restaurant vietnamien. Tentative réussie, je ne modifierai jamais plus cette recette, contrairement à beaucoup d'autres!
Juin 2007
L'une des meilleures idées de l'année nous est venue du Portugal, le jour où Elvira nous a proposé de publier une recette inspirée de notre terroir, alors là, j'ai foncé : poisson, cochon, blé noir, échalotes, lait ribot, cheminée bretonne... Un billet purement culinaire, simplement les produits et la recette, je sais que çà en a reposé certains que mes petits délires agacent, c'est bien pour cela que je construit toujours mes billets de la même façon, ceux qui ne pensent qu'à manger savent que la recette est en bas de la page! Ce fut un "Rôti de lotte au lard fumé et farz noir croustillant".
Juillet 2007
Un billet qui m'a valu les quolibets de quelques bretons, car j'expliquais qu'il avait plu depuis deux mois, et qu'il pleuvrait pendant toutes les vacances d'été. C'est un sujet très sensible chez nous, le temps qu'il va faire, les microclimats sur quelques hectares, etc. Bref, il a effectivement plu longtemps, çà s'est un poil arrangé en août, mais bon, faut voir le mal qu'on cet hiver à trouver des échalotes non pourries, elles n'ont pas bien séché cet été!
La recette découle de ma conviction qu'on peut se régaler et faire une belle assiette à partir d'un poisson souvent dédaigné lui aussi, j'ai nommé le maquereau. Simple et très bon, un classique de la maison, les "Filets de maquereau grillés, épinards au curry".
Août 2007
Encore la Bretagne et la mer, plus précisément l'apprentissage de la mer à l'enfance, un billet entièrement pour ma fille, mais beaucoup s'y sont retrouvés. Celui là, je suis vraiment heureux de l'avoir écrit.
Côté cuisine, encore un poisson simple et peu onéreux, bien adapté à l'été, à savoir la sardine. En salade, d'après une recette goûtée dans mon restaurant lyonnais fétiche, où j'étais encore hier midi... "Sardines en salade au vinaigre de framboise", où ce vinaigre et cette verdure font un contrepoint parfait au gras du poisson.
Septembre 2007
L'un des billets que je me suis le plus amusé à écrire, proposant "80 commentaires à l'usage des lecteurs de blogs culinaires". Et oui, je suis un bloggeur expert maintenant, j'ai eu mon permis poids lourdingues, et j'ai l'insolence de me moquer de la blogoboule, franchement ce n'est pas méchant, mais il faut bien avouer qu'il a des jours...
La recette est à l'araignée de mer, le crabe que je préfère cuisiner dès qu'il est question de farce, comme vous allez à nouveau le constater ci-dessous. Là, c'était une chose toute bête "Samosas d'araignée aux carottes", très simple encore une fois. Évidemment, si on ne sait ni décortiquer le crabe, ni plier les samosas, c'est tout de suite moins simple...
Octobre 2007
Cela faisait déjà un bon moment que j'utilisais la criste marine en cuisine, et j'ai fait un nouveau pas dans l'exploration de cette savoureuse plante sauvage, en l'utilisant pour une huile aromatisée. Cette recette a été réalisée pour la mettre en valeur (l'accord de la criste-marine avec le rouget barbet est parfait). "Feuillet de rougets et d'aubergine, huile à la criste marine".
Novembre 2007
Nous autres bretons, nous sommes particulièrement sensibles à la mort, nos contes pullulent de revenants, je n'ai jamais manqué la période de Toussaint là bas. Dans ce billet, j'évoque la légende de la mort chez les celtes, des histoires merveilleuses.
Pris par l'ambiance, j'ai imaginé une recette dans les tons noir et rouges, avec même des trompettes des morts pour faire plus vrai. Des produits de saison, encore du maquereau qu'on appelle lisette lorsqu'il est petit. Et bien, pour un premier essai, ce n'était pas mal du tout! "Lisettes aux craterelles et aux figues". CdM a bien fini s'arrêter ce jour là d'ailleurs, parce que j'ai risqué l'explosion et/ou parce que l'accès à la cuisine a bien failli m'être interdit pour les 300 prochaines années!
Décembre 2007
Çà y est, je suis un bloggeur endurci, j'ai de petites assiettes qui se la pètent, j'utilise des produits branchouilles, je cuisine fraîche attitude (quatre fruits, presque le quota officiel). Jai même amélioré mon Index des recettes, bien triées et avec des petites images pour faire de la couleur. La prochaine étape sera d'y ajouter le thème du texte qui précède la recette, vous être nombreux à me le demander, merci, vous êtes de vrais potes. Tout ceci ne m'a pas empêché d'écrire au Père Noël.
Sérieusement, je cuisinais déjà comme cela avant de tenir ce blog, j'aime que les tables soient jolies et colorées, je suis curieux des produits que je connais pas. Je termine ce flash back avec cette "Déclinaison de coquilles saint jacques aux fruits". On a tous bien aimé, et j'aimerais ne cuisiner qu'ainsi, trois ou quatre ingrédients tout au plus, de la couleur et de la saveur.
Et vous savez quoi? Le Père Noël est passé,
Pas dans la cheminée, directement dans la platée.
C'est la talentueuse Annie, de Dedicacessen qui l'a détourné!
Chou farci à l'araignée de mer
Cette recette s'inspire d'un plat que j'ai lu sur la carte du "Temps de Vivre", un fameux restaurant de Roscoff, l'idée m'a paru excellente, je la réalise à l'araignée de mer, tandis que Jean-Yves Crenn utilise du tourteau. Par ailleurs, je ne sais pas du tout comment il le fait, n'ayant pas goûté!
Ingrédients
Pour six petits choux, que dis-je, des choupinets!
- deux petites araignées femelles
- six choux (mini-légumes)
- deux petits oignons de Roscoff
- un oeuf
- macis
- poivre noir
- crème fraîche
- piment d'Espelette
- cognac
- 500 g de têtes de langoustine
- vin blanc
- trois échalotes
- persil
- tige de fenouil
- laurier
J'avais projeté de réaliser cette recette avec des feuilles de chou roulées, mais en passant dans lun supermarché, je tombe sur une barquette de six mini choux verts, dont je m'empare avec joie. Colère en arrivant à la maison, je m'aperçois qu'ils proviennent d'Afrique du Sud. Je ne me suis pas méfié un instant, car les mini légumes sont une spécialité des maraichers du coin, ceux du groupement de distribution 'Prince de Bretagne". Je hais la grande distribution, de plus en plus. Là, c'était au Casino de Lannilis... cela dit, ils étaient de bonne qualité.
Pour les langoustines, vu qu'en cette saison, elles ne sont pas au top et valent leur poids en caviar, j'ai acheté un kilo de surgelées, j'ai passé les queues à la braise, une recette simple et délicieuse que je vous passerai à l'occasion. Les têtes ont servi à la préparation d'un fumet. Quelques puristes vous affirmerons qu'il vaut mieux n'utiliser que les pattes pour obtenir plus de finesse, mais bon, il s'agit là de cuire des choux!
Recette
Cuisez les araignées à la vapeur, ou selon l'un des techniques que je suggère dans ce billet. Laissez refroidir, puis décortiquez les, en mettant de côté la chair brune, que les vrais poètes appellent "caca de crabe". Réservez.
Préparez le fumet : Mettez les têtes de langoustine à colorer dans un mélange de beurre et d'huile d'olive. Lorsqu'elles sont colorées, flambez au cognac, puis couvrez largement d'eau (je prépare ce fumet dans une poêle). Ajoutez les échalotes pelées, les tiges du persil, le fenouil et le laurier, puis laissez cuire doucement une à deux heures en remuant régulièrement. Un quart d'heure avant la fin, ajoutez un verre de vin blanc. Passez ce fumet à la passoire fine et réservez.
Parez les choux : Enlevez les feuilles abimées s'il y en a, c'est rare sur les mini choux. Détachez la plus grande des feuilles comestibles, elle servira de couvercle. A l'aide d'une petite cuiller, creusez les choux. Conservez la partie évidée, du moins les feuilles les plus claires. Dans de l'eau bouillante salée, faites blanchir deux minutes les choux, une minute suffit pour les feuilles "couvercles".
Préparez la farce : Ajoutez à la chair d'araignée l'oignon , le chou retiré du coeur et un peu de persil (le tout haché), un oeuf, du poivre noir et du macis. Remplissez très généreusement les choux de cette farce, couvrez avec les feuilles réservées à cet usaga, puis maintenez par de la ficelle de cuisine. Le plus pratique consiste à disposer deux brins en croix sur le plan de travail, de placer le chou au centre, puis de nouer les ficelles, comme ci-dessous . Placez les choux dans une casserole, mouillez à mi hauteur avec le fumet de langoustine (gardez-en un peu pour la sauce) et faites cuire une quinzaine de minutes.
Préparez la sauce : Mélangez la chair brune de l'araignée avec autant de crème fraîche épaisse. Allongez avec un peu de fumet et un trait de cognac. Assaisonnez de piment d'Espelette moulu et faites chauffer au dernier moment. Servez en ôtant la ficelle et en repliant la feuille couvercle, nappez de la sauce.
Je reconnais que cette recette demande pas mal de préparation, le décorticage du crabe en particulier est assez long, mais lorsqu'on a l'habitude, c'est une plaisanterie! N'oubiez pas de faire un tour à la cave, histoire d'y dénicher par exemple un gamay un peu rustique, forte sensation garantie!