Coquilles de poisson
Comme quelques uns l'ont remarqué, j'ai lâchement déserté le bord durant deux semaines de suite, même pas l'excuse de prétendre que tel le bar je suis en période de frai, rien n'a changé dans ma vie, juste encore plus de choses à faire que d'habitude, boulot, famille, copains...
Un répit de courte durée puisque me revoilà, en super forme! Merci à ceux qui ont pris de mes nouvelles (et à ceux auxquels j'en ai donné spontanément, il n'y a pas de raison). Je me faisais la réflexion que moins je vais lire les blogs des copains faute de temps, et moins je me sens motivé pour écrire; probablement une manifestation du comportement un peu clanique des blogueurs...
Je dis çà, mais le pire de l'histoire est que j'ai posté un billet mardi dernier, à l'occasion du Burger Day organisé comme d'habitude dans la bonne humeur sur le blog "Le confit c'est pas gras", l'un de ceux dont je ne me lasse jamais et l'un des premiers que j'ai découverts, j'en reviens toujours d'excellente humeur. Merci pour cela Anaïk, pour avoir aussi joyeusement accepté à ton bord un passager clandestin... et pour m'avoir à cette occasion redonné le plaisir d'écrire!
A propos des blogs, Framboisine de "Fatras en bleu " a eu la gentillesse de désigner CdM comme l'un des dix qu'elle aime visiter, et bien entendu a tenté de me charger du même exercice. Je ne vais pas le faire, dix blogs c'est bien trop peu tant la blogosphère est riche de talents que j'apprécie. C'est aussi un peu trop, car lorsque que je m'absente ainsi un long moment, je ne vais pas en lire autant.
L'art d'accommoder les restes
Mon précédent billet m'a valu quelques réactions (tout à fait justifiées par les raccourcis de mon propos), selon lesquelles tout le monde à le droit à la mer et qu'il n'y pas de raison de réserver la Bretagne aux bretons (je synthétise, hein!).
Je reconnais bien volontiers que nous sommes facilement pénibles nous autres (il n'y a pas que nous, mais je ne parle que de ceux je connais le mieux), à nous déclarer "fiers d'être bretons", il y a même des autocollants qui le prétendent à l'arrière des voitures. C'est totalement débile d'éprouver de la fierté pour quelque chose qui dépend juste du hasard de la naissance!
Droit du sol ou droit du sang, comme ils disent, je m'en moque bien, l'humain et le ressenti seuls m'importent. Je connais des indigènes pur beurre qui se contrefichent de la Bretagne (sauf en foot), et d'autres qui deviennent d'irréductibles bretons par le cœur, à commencer par ma provençale de femme qui avait à peine entendu parler de cet endroit (nordique et humide) avant de me connaître. Aujourd'hui, pas question de lui parler de vendre notre maison là-bas. En même temps, ce n'est pas de moi que viendrait une idée aussi bête!
Je suis simplement très heureux lorsque je suis en Bretagne (pas assez souvent à mon goût), content d'avoir grandi dans cette région que je trouve juste magnifique, content de la partager avec ceux qui y vivent ou y passent, content de l'inspiration et des songes qu'elle me provoque. Mon "identitarisme" s'arrête là, je m'identifie corps et âme à ces lieux, mais certainement pas à un peuple breton et encore moins à un prétendu peuple celte.
J'ai trouvé passablement ridicule ce défilé de bretons costumés, bagads en tête, sur les Champs-Elysées en septembre 2007. Cette manifestation a été affublée par la presse de plusieurs noms, dont justement celui de "Breizh-Pride". La facile référence à la Gay-Pride est claire, comme si le fait d'être breton nous donnait une quelconque posture sociale. L'appellation officielle de la manifestation est d'ailleurs "Breizh-Touch", le site est toujours en ligne. Au départ, l'idée de promouvoir la Bretagne n'avait rien de choquant et c'était plutôt bien organisé. Mais on n'a hélas surtout retenu dans les médias que cette "Breizh-Parade" qui n'était que le point d'orgue de plusieurs évènements, effet raté selon moi et retour aux clichés.
Entendons nous bien, je n'ai rien contre les bagads, les coiffes, les chapeaux plus ou moins ronds. Je déteste le folklore, mais j'aime les traditions, qui sont une façon de conserver une mémoire vivante, de transmettre la culture du vivant d'une génération à une autre. Durant longtemps, le seul vecteur ou presque de cette culture était la langue bretonne. Je l'aime bien cette langue, que je baragouine lamentablement (du breton "bara" et "gwin", soit "pain" et "vin", mais cette origine serait douteuse). J'ai bien du mal hélas à la considérer comme une langue d'avenir, son usage me semble plutôt du domaine du conservatoire (je connais quelques copains qui vont faire des bonds s'ils me lisent!), comme d'ailleurs l'usage du français le deviendra probablement à terme.
J'aime la musique celtique, ou ce qu'il est convenu de nommer ainsi : comme "le peuple celte", c'est un assemblage de bien des influences, je frissonne littéralement au passage d'un bagad. J'aime tout autant les musiciens traditionnels ou non, qui se regroupent sous la bannière un peu racoleuse de "L'héritage des celtes", et je trouve très chouette ce grand concert qui à lieu chaque année à Paris lors de la "Nuit de la Saint Patrick", organisé, ainsi que le Festival Interceltique de Lorient, par la même équipe qui a organisé ce défilé sur les Champs-Elysées. Un beau business de passionnés, ce n'est aucunement péjoratif dans mon esprit.
Je ne considère pas ces manifestations comme des flambeaux identitaires, mais comme un fourre-tout bien utile pour regrouper ces musiciens très divers aux sources d'inspiration voisines, et qui fédère bien des amoureux de la musique et de la danse, moi le premier.
Pour me résumer, le folklore passéiste et figé, l'identitarisme revanchard et obtus, je les déteste, (on sait par ailleurs les excès nationalistes qu'ils peuvent produire). La tradition vivante, j'en redemande et pour en venir au titre de cette partie, je pense que c'est un peu comme l'art d'accommoder les restes en cuisine. Ne rien jeter de ce qui est laissé et se l'approprier pour en faire des choses nouvelles, tout aussi savoureuses.
Je pourrais vous donner comme exemple le renouveau des brasseries bretonnes. Mais puisqu'il semble que les blogs de cuisine ont bien plus de lectrices que de lecteurs, je préfère vous envoyer sur ce blog, où vous verrez comment Jean-Paul Gaultier ou Christian Lacroix se sont emparés du costume breton traditionnel : J'aimerais bien toutes mes copines soient habillés ainsi! (J'ai par ailleurs appris sur cette page que Paco Rabanne parle le breton. Étonnant non?)
Coquilles de poisson
J'achète généralement de gros poissons (je n'ai pas la malhonnêteté de prétendre que je ne pêche que des gros!), pour trois raisons. C'est un comportement responsable de privilégier des sujets ayant eu plusieurs occasions de faire leur métier de reproducteur. Cela a aussi un intérêt pécuniaire, plus le poisson est gros et moins la proportion de déchet est importante. Enfin, leur chair est meilleure, en texture comme en saveur.
Alors forcément, il en reste toujours plus ou moins. J'aime assez le poisson froid, en salade c'est excellent, mais je préfère souvent en faire des coquilles un peu épicées. Recette de placard très simple et rapide, réalisable aussi avec du crabe (même en boîte).
Ingrédients
- restes de poisson blanc
- mie de pain
- lait
- herbes (ici persil et ciboulette)
- gingembre en poudre
- macis (ou muscade)
- piment en poudre
- poivre blanc
- chapelure
- beurre
Recette
Préparez le poisson en prenant bien garde aux arêtes, puis effeuillez le sans le broyer. Mettez la mie de pain (en proportion, le quart de la quantité de poisson) à tremper dans du lait. Coupez les herbes pas trop finement. Le secret de la recette est qu'elle conserve de la mâche, et qu'on ne se retrouve pas avec une bouillie dans la coquille!
Essorez la mie de pain, mélangez la au poisson, ajoutez les herbes et les épices, salez. Je privilégie la saveur du gingembre dans cette recette, car je trouve que c'est l'épice parfaite pour ces coquilles gratinées, mais bien d'autres sont possibles, comme le curcuma qui donne de plus une jolie couleur à l'appareil.
Remplissez généreusement les coquilles de la préparation, saupoudrez de chapelure sur laquelle vous disposez un petit morceau de beurre, puis passez au four à 180°, le temps que cela dore un peu.
Vous n'êtes pas obligés d'utiliser des coquilles de saint jacques pour héberger cette recette. Un plat à œufs (plus connu désormais sous le nom de plat à crème brûlée…) convient parfaitement, évitez seulement un contenant trop profond. Notez également qu'on n'utilise que la partie creuse de la coquille saint jacques (désolé, mais on me dit souvent que mes recettes manquent de précision, alors je fais des efforts).
Que voulez vous, lorsque je suis en Bretagne, je ne résiste pas au côté kitsch de la coquille réutilisée ou recyclée en cendrier, pas plus qu'aux porte-couteaux en galets ou aux dessous de plat avec des bigorneaux dedans : ma part de folklore assumée!