Cabillaud aux girolles, pancetta et poivre vert
"Tu sais bien raconter la mer" m'a flatté Murielle, en me faisant le grand plaisir, pour ne pas dire l'honneur de m'embarquer comme passager de la huitième édition de "Mille et Une Escales" qu'avec Stanislas, elle abrite sur La Table Monde. Pour participer à cette édition, cliquez sur l'image ci-dessous et n'hésitez pas à déposer un lien vers votre recette !
J'ai mis assez longtemps à découvrir ce site/blog/forum, même après avoir croisé Murielle à plusieurs reprises j'en étais resté à son blog, lequel elle a hélas interrompu pour se consacrer à La Table Monde, en plus de son boulot, de sa famille, de ses livres de cuisine, comment fait elle pour rester aussi disponible pour les potes?
La Table Monde représente une source d'informations, de recettes, de voyages et d'échanges autour de la cuisine unique en son genre, merci pour cet énorme travail.
Raconter la mer, allez je tente
Je tente, car en fait l'idée ne m'est jamais venue à l'esprit. Je sais un peu raconter les animaux vivant dans l'eau salée, les promenades hallucinées dans la tempête ou la poisse, quelque joyeux embarquement pour citerne, la pêche et de gros péchés mensongers.
La capacité à m'arrêter devant la mer, le cul sur un rocher gris ou noir, à y rester très longtemps juste à la regarder, l'écouter et la sentir, elle m'émerveille encore. Je faisais déjà cela lorsque j'étais gamin, c'est une vieille amie. Je dis bien amie, pas amante, car je la touche rarement, sauf pour lui dérober quelques trésors vivants.
On se croit seul, mais très vite un goéland vient se poser, sur la roche proche, il vous regarde comme si vous étiez une boulette de la dernière marée noire, un truc incongru, sans plume, nageoire, pince, bec ou carapace. A peine plus comestible que ces puces de mer que vous sentez s'agiter sous vos mains nerveusement crispées sur le sable, depuis que ce poulet salé s'est posé.
Je quitte alors ces zones sèches où la faune est aussi insolente et dérangeante qu'une arête en travers de la gorge. Je m'approche des vagues, m'arrête sur un rocher tapissé d'algues, je me salis, je vais me faire engueuler par ma mère. L'odeur est plus forte, le son plus proche, et mon regard cligne au rythme du ressac. C'est le domaine des mouettes, des crabes, et de toute cette faune vibrante qui tôt ou tard vient soudain couper ma ligne d'horizon.
Chaque fois que j'embarque sur un bateau, je suis transporté de joie et de fierté, comme si tout à coup, on m'attribuait toute la liberté du monde tout en m'offrant un merveilleux engin à rêver. Je regarde vers la proue car j'ai un cap à suivre figurez vous, un équipage et des passagers qui comptent sur moi, mes amours, mes potes...
Je contemple souvent le sillage poursuivant la poupe, comme des fils entortillés me reliant à toutes les ancres de mon passé. C'est là je le sais, que se trouve mon âme, en ce louvoiement entre sillage et cap, mémoire et liberté, au grand large...
Cabillaud aux girolles, pancetta et poivre vert
C'est là qu'une partie des lecteurs de ce blog commencent à se muer en un cartoon de Tex Avery, je vois des sourcils qui se froncent, des doigts qui menacent ou grattent des têtes, et quelques uns qui font carrément des bonds. je m'attends à des commentaires inédits, du genre : "Je passe la main à travers l'écran pour t'en coller une".
Et bien oui du cabillaud, pour la première fois sur CdM, enfin du frais, il y a déjà eu deux fois de la morue, assumons pleinement. Certes, il s'agit de l'une des espèces de poisson les plus menacées au monde, elle a déjà disparu dans certains endroits où il n'y a que peu de chance qu'elle revienne, d'autres ayant occupé la niche écologique. Alors pourquoi j'en mange malgré tout, alors même que je passe mon temps à professer la protection des ressources marines.
- La principale raison est égoïste, je veux faire manger à ma femme et à ma fille, au moins une ou deux fois par an l'un des meilleurs poissons sauvages, car elle n'auront peut-être plus cette chance dans quelques années ou dizaines d'années.
- Je n'ai jamais "interdit" de manger quoique ce soit, j'ai juste dit qu'il faut diversifier les espèce de produits de la mer qui entrent dans nos cuisines, respecter les rythmes biologiques de reproduction, et très sérieusement se limiter sur les espèces les plus menacées, comme le thon rouge ou le cabillaud.
- Je ne fais pas d'auto-culpabilisation, je râle lorsque les quotas sont insuffisants, ou lorsque que notre ministre Barnier affronte Bruxelles et les scientifiques sur la question du thon rouge en Méditerranée (je reviendrai à l'occasion sur cette histoire, qui sent la mauvaise foi, de même que vous m'entendrez ou me lirez râler sur la façon dont notre parlement a intégré le plus tard possible et a minima le principe du "pollueur-payeurpollueur-payeur").
Je ne suis pas naïf, mais j'ai tendance à croire que les autorités de l'Europe ainsi que d'autres pays, même le Japon (!), ont enfin compris que la protection des océans est un vrai enjeu. Alors ils fixent des règles et assurent des contrôles de plus en plus fréquents. Si déjà on parvenait ainsi à stabiliser la situation, ce serait un grand pas.
Alors un petit morceau de cabillaud de temps à autres (cela fait plus d'un an que je n'en ai pas cuisiné!), on va dire que c'est ma part d'optimisme.
Ingrédients pour trois
- un pavéou dos de cabillaud de 500g
- 500g de petites girolles
- tranches fines de pancetta
- poivre vert en saumure
- persil plat
- poivre blanc
- sel
Recette
Lavez et séchez le pavé de cabillaud, puis détaillez le en trois morceaux. Placez les tranches de pancetta au four, à 120° dans une plaque à pâtisserie ou sur du papier sulfurisé dans la lèchefrite. Laissez cuire jusqu'à ce qu'elles soient bien croustillantes.
Nettoyez les girolles. S'agissant de ces petites girolles "bouton" que je privilégie pour leur saveur et leur texture, je coupe le bout du pied et ensuite je les passe très rapidement dans de l'eau tiède. On peut me répéter qu'il ne faut pas laver mais essuyer les champignons, je vous souhaite bon courage avec des sujets de cette taille. Si le passage dans l'eau est rapide, le champignon ne va pas se gorger d'eau, que de toutes manière on lui fait perdre ensuite à la cuisson.
Une fois rincées, placez les à feu vif et à découvert dans une poêle anti-adhésive, jusqu'à ce ce qu'il n'y ait plus d'eau dans la casserole. Réservez. Une dizaine de minutes avant de servir, ajoutez un peu de beurre et d'huile d'olive, faites les sauter, et ajoutez en fin de cuisson un peu de persil plat haché au couteau, pas trop finement.
Vous pouvez cuire le poisson au four après l'avoir enduit de beurre fondu, mais j'ai préféré une cuisson au beurre à la poêle, en arrosant presque constamment. Pendant que le poisson cuit, rallumez le four pour réchauffer la pancetta et les assiettes. Répartissez le poisson dans les assiettes, déglacez la poêle avec un peu d'eau, puis ajoutez deux cuiller à café de grains de poivre vert. Tenez au chaud le temps du dressage.
Dressez puis ajoutez un peu de la sauce au poivre vert . Puisqu'il y a des champignons dans la recette, j'ai opté pour une présentation en champignon. Enfin vaguement et vu de haut, soyez indulgents, et pour le cabillaud et pour l'assiette.
Nous partons faire une balade en Provence la semaine prochaine, il n'est pas évident que je puisse poster un billet, l'écrire ne sera pas un souci, le publier sûrement!