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Cuisine de la mer
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13 mars 2009

Coquilles saint jacques panées à la japonaise

Vous je ne sais pas, mais moi si et même beaucoup. J'aime l'ail sous toutes ses formes (sauf en dessert, mais je n'apprécie pas les desserts en général, ce n'est pas lié à l'ail), pour ma provençale d'épouse, c'est un aliment à part entière (encore que  je n'ai jamais pu avaler la soupe de lait à l'ail qu'elle prépare certains lendemains de fête, mais c'est parce que je n'aime pas le lait).

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L'ail n'est pas une plante marine, ce serait l'un des principaux défaut à lui reprocher, ne pas me présenter d'angle pour en causer sur CdM à la ligne éditoriale intégristo-marinée. Et voici que depuis peu, j'ai fait la connaissance d'aulx maduro maturés dans l'eau de mer, alors pensez bien que je n'allais pas rater l'occasion...

Histoire d'aulx

L'ail resta très longtemps inconnu des hommes. En effet, nos ancêtres vivaient dans les arbres. Il fallut dans un premier temps qu'ils songeassent à en descendre; ensuite, bien du temps passa avant que venant de si haut, ils eurent l'idée de creuser la terre, où pourtant les attendaient des denrées aussi indispensables à la  civilisation que le gingembre, les truffes, les cacahuètes et l'ail.

Évidemment, ils ne surent pas comment utiliser ces caïeux à la saveur puissante, personne n'ayant l'idée de les ingérer pour le plaisir, et ils ne servaient qu'à de piquantes farces, fines, subtiles et cocasses. Pour distraire les collègues de caverne, il était du dernier lol d'en fourrer en douce les cuissots d'agnosaures. L'innocent, savourant à pleines babines son gigot à l'ail, croquait tout à coup la gousse. Il se levait et réclamait une bière en criant : Aïe ! Aïe ! Aïe ! ", car ça piquait dur.

C'est donc de cette époque, innocente et bénie, que date le nom de cette plante. Ce fut également lors de ces plaisanteries que l'on découvrit que l'ail avait un effet vermifuge, car il débarrassait la viande des indésirables, et qu'il apaisait les tensions, les artérielles comme les autres.

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L'ail est originaire d'Asie Mineure, comme le concerto en sol. Sa propagation vers l'ouest suivit deux routes, l'une passant au sud par Madagascar, où il croisa une espèce indigène, l'ay, lequel par un curieux hasard avait suivi un parcours inverse à celui de l'homme, passant apparemment d'une vie souterraine à une existence arboricole. C'est étonnant comme cet animal ressemble à une copine blogueuse, je ne vous dirai pas qui.

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Il parvient ainsi en Amérique Latine où l'attendait un autre cousin lointain, l'aï ou paresseux (qui lui aussi ressemble à un blogueur, lequel n'est pas de mes copains...)

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L'autre route le conduisit en Égypte, où il prit une importance considérable. Compte tenu de sa saveur forte, les égyptiens le réservèrent à un usage médical, funéraire ou fortifiant. Il faisait partie de la ration quotidienne des esclaves affectés à la construction des monuments.

Lorsque Moïse alla fredonner "Let my people go" au Pharaon Ay, dont le portrait ci-dessous orne le tombeau de Toutankhâmon (la chronologie est fausse, mais faites comme si vous étiez ignares), donc disais-je, lorsque Moïse fut sauvé des aulx, son peuple parvenu en terre promise se prit à regretter la nourriture fournie par les égyptiens, dont l'ail. La littérature morale en est d'ailleurs contisée, avec cette histoire de celui qui voit l'ail dans l'oeil du voisin alors qu'il a une loutre dans le sien, ou celle de l'ail dans la tombe qui regardait Caïeux droit dans les yeux.

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Les soldats grecs s'en servaient également comme fortifiant; certaines sources prétendent que le jet d'aulx était alors une discipline olympique, et qu'aux prochains jeux de Londres, on pourrait bien assister au retour du jet d'ail. Ce ne fut qu'à Rome que les qualités gustatives de l'ail furent pleinement appréciées, les romains en consommaient le matin, frotté sur du pain. Ces gens là mangeaient couchés, je vous le rappelle (l'ail au lit, j'ose aussi!).

Au moyen âge, l'ail fut doté de toutes les vertus de protection contre les influences mauvaises et les agressions de tous ordres, à commencer par les morsures de serpent et de vampires, les maléfices et les parasites intestinaux. On sait que le peintre de la Renaissance, Jérôme Bosch plaçait des têtes d'ail dans tous ses tableaux, plus ou moins dissimulées, mais dans la représentation de l'enfer, c'est évident, le truc rose à peine déguisé en biniou n'est pas une cornemuse.

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La dernière personne illustre de l'histoire à jeter son dévolu sur l'ail fut le gourmet Henri IV, qui en était friand depuis qu'on lui en avait frotté les petites lèvres à sa naissance.  Avec du Jurançon, quel accord singulier...

L'époque moderne a redonné à l'ail des terroirs, avec notamment dès 1966 la reconnaissance d'origine de l'ail rose de Lautrec. Lautrec le village, pas le peintre Toulouse-Lautrec (lui même souvent confondu avec un match de rugby).

C'e fut une injustice, car l'ail rose est génériquement originaire de L'Hay-les-Roses. Mais bon, le Lautrec est de loin le meilleur, même si je ne peux pas me départir d'une certaine tendresse pour l'ail de Cadours. Je consomme l'ail nouveaud'Egypte, en tout début de saison, quand ceux cultivés plus près ne sont pas encore disponibles, car je n'en peux plus de la fin de saison de l'ail sec, mou, germé et taché. Cela me parait d'ailleurs moralement moins contestable que d'acheter des fausses échalotes de Hollande.

J'aime assez l'ail d'Arleux, qui est fumé. Je viens de découvrir grace au présent billet un cru d'ail breton réputé (nul n'est prophète en son pays), dans la Baie du Mont Saint Michel à Cherrueix. Je ne vais certes pas énumérer toutes les appellations, ce serait mortel et même pis, long.

Avant de vous inviter en cuisine,  un peu d'auto-promotion, une fois n'est pas coutume : Parallèlement à la rédaction de ce billet (le 150ème rugissant de CdM, je n'y crois pas!), j'ai développé une application bien utile. Installez la  rapidement sur votre téléphone, si par mégarde vous appeliez un vampire ou une vipère, ils ne vous mordront pas l'oreille. Merci qui?

ailphone

ailphone
(depuis j'ai vu que je n'étais pas le premier à
l'avoit  faite, mais je laisse, ça me fait plaisir)

Coquilles saint jacques panées à la japonaise

Cette recette résulte de "Beignets de coquilles saint jacques,  petite salade de mâche à l'huile de sésame et sauce au wasabi", que j'ai goûtés il y a peu à l'excellent Millénaire à Reims. J'ai renforcé le biais japonisant de ce plat en réalisant des noix de saint jacques panées avec cette merveilleuse et légère chapelure japonaise qu'est le panko.

J'ai confectionné une mayonnaise au wasabi. Du pur wasabi, pas cette poudre ou ces tubes qui en contiennent très peu, et sont surtout composés de raifort et de moutarde en poudre, colorés. Le hon-wasabi est une plante cousine de ces deux là, mais elle ne pousse qu'au Japon, le long des ruisseaux de montagne, ce qui explique son prix élevé. Vous pouvez bien utiliser la poudre coupée, par ailleurs le véritable wasabi pur est difficile à trouver. Voici à quoi ressemble cette racine, traditionnellement râpée en effectuant des gestes circulaires, à l'aide d'une râpe en faïence, ou comme ci-dessous en peau de requin, ce qui nous rapproche de la mer...

Wasabi

Ce wasabi pur, conditionné en tube, je l'ai trouvé à l'Atelier-Issé à Paris, un lieu magique où je me suis rendu sur le conseil d'Esterelle, cette amie qui finira par caraméliser ma carte de crédit et écrouler mes placards de cuisine, à force de communiquer d'excellentes adresses.

En me promenant dans la boutique en compagnie de Brigitte, je suis tombé en arrêt devant des têtes d'ail noir d'Aomori, un produit que je convoitais depuis que François Simon, cet indicateur avancé qui éprouve tout autant mon budget avec des adresses de bonnes tables, s'en était fait l'écho, et à sa suite, Esterelle bien entendu...

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En quelques mots, Aomori est une préfecture du nord de Honshû, une région aussi maritime (presque un pléonasme au Japon) qu'agricole, où l'ail cultivé est très réputé. Les gousses sont de couleur ivoire à l'origine, et ce n'est qu'à la suite d'un plus ou moins long processus de maturation particulier qu'elles deviennent de ce beau noir de jais.

Elles sont placées dans de l'eau de mer (recueillie en profondeur afin qu'elle soit la plus pure possible en plancton qui la corromprait durant l'opération). Elles sont ensuite maintenues en moyenne durant un mois à une température comprise entre 60 à 70°. A ma connaissance, l'entrée de cet ail noir dans la gastronomie est relativement récente, on le considérait plutôt comme un alicament fortifiant. Les geishas auraient coutume de l'offrir à leurs prétendants, car c'est un puissant aphrodisiaque*.

Sa saveur ne renie rien de son origine, mais elle est devenue douce, presque sucrée, et sa consistance s'apparente à celle d'un fruit sec, genre abricot.

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Ingrédients pour deux personnes

- huit coquilles saint jacques
- farine
- deux oeufs
- panko (chapelure japonaise)
- moutarde forte
- wasabi
- huile de pépin de raisin
- cresson
- graines de sésame blanc
- huile de noisette
- vinaigre de Banyuls ou de Jerez
- une ou deux gousses d'ail noir d'Aomori

Recette

Ouvrez les coquilles saint jacques, ne gardez que les noix. Une fois séchées, conservez les au frais dans du papier absorbant, au moins une heure avant de procéder à la cuisson, ceci afin qu'elles soient bien froides et ne cuisent pas trop à coeur.

Montez une courte mayonnaise, avec un jaune d'oeuf, une pointe de moutarde, et aromatisez la au wasabi. Tenez au frais également

Préparez et lavez le cresson, en ne laissant que peu de tiges. Confectionnez une vinaigrette avec de l'huile de noisette et du vinaigre de Banyuls; je n'ai pas voulu utiliser d'huile de sésame, je trouve sa saveur très envahissante. Faites légèrement brunir à sec une cuiller à café de graines de sésame blanc. Couper les gousses d'ail noir en languettes

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La panure japonaise est un fait une panure anglaise, car c'est ce peuple qui a laissé cette recette au Japon. La version aux huîtres (ma préférée), se nomme kaki-furaï, et celle aux crevettes ebi-furaï, le mot furaï étant une transposition de l'anglais fried. Je ne connais pas le nom de la version à la coquille saint jacques, n'en ayant encore jamais vu auparavant. Celle à l'échine de porc est le tonkatsu.

Il s'agit donc de tremper successivement la noix dans de la farine, puis de l'oeuf battu, puis de l'enrober de chapelure panko. Faites frire à l'huile de pépin de raisin (de préférence) jusqu'à ce que les pièces prennent une couleur brun-roux. Égouttez l'huile superflue, et présentez avec d'une part, le cresson assaisonné de la vinaigrette, des graines de sésame et surmonté des lamelles d'ail noir, et d'autre part, la mayonnaise au wasabi.

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La mayonnaise est un peu tombée, elle ne l'était pas à l'origine, mais en la goûtant au dernier moment, je ne l'ai pas trouvée assez corsée, et j'ai rajouté du wasabi, ce qui l'a un peu liquéfiée en mélangeant.

Ainsi frite et protégée dans sa croûte panée, la coquille saint jacques est cuite à perfection, nacrée et à la saveur intacte. Par contre, j'ai subi un nouvel échec dans mes tentatives de faire un truc sympa avec le corail qui décidément, se justifie de moins en moins dans ma cuisine. Je l'avais simplement fariné, avec l'idée de le frire au dernier moment pendant que je dressais dans mes assiettes toutes neuves, histoire d'y ajouter un trait de couleur. Sachez que le corail éclate à la friture aussi bêtement qu'un oeuf au four à micro-ondes. Évidemment, je cuisinais encore sans tablier...

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* Le coup de l'aphrodisiaque, c'est juste pour déconner...

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Commentaires
V
Je passe chez Hélène parce que j'adore sa cuisine anglaise, flashe sur les mots "mayo au Wasabi", clique... et me revoilà chez toi !!!<br /> J'avais pas vu ces saint-jacques en tonkatsu !!!!!!<br /> Honte sur moi, ce plat a l'air A MOURIR...<br /> Du coup je me disais "je vais refaire sa mayo et faire un petit clin d'oeil à Hélène", pis ben voilà..<br /> Tu deviens incontournable, mon cher, même quand on voudrait bien cesser de se référer à toi dès qu'on mange un bout de poiscaille !!! :-)
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L
On ne cuit pas le corail des Saint jacques.<br /> Le nettoyer, éliminer la partie marron clair et ne garder que le coté coloré. Passer au mixer avec un jus de citron, un peu d'eau, sel poivre blanc une noisette de beurre mou. conserver tel quel. Se sert tiede réchauffé au bain marie, ne jamais monter en température. Utiliser comme sauce pour un poisson grillé, ou un pavé de cabillaud. Mieux encore avec une sole quelques champignons (ceps). Napper légerement la piece à servir. Bon appetit.
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N
Quelle super recette!!!!<br /> je ne connais pas cette chapelure japonnaise, mais vraiment cette recette est intéressante
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M
C'est comme ça que je les aime les blogs de cuisine, toujours à nous raconter un ingrédient, une recette, un plat ... d'un air drôle mais cultivé, avec une touche personnelle qui fait la différence, et tu sais laquelle ? Celle de faire aimer aux autres ce qu'on aime.<br /> <br /> Cette petite bête est en effet Ailphrodisique ... J'aime et je veux croire en ça, à moins qu'on ne parle plus de cuisine aphrodisiaque mais d'aphrodisiaque culinaire !
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M
moi aussi je cuisine sans tablier!!!<br /> encore un point commun!<br /> a quand une journée cuisine à 4 mains, heu du moins fesses!!!
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