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Cuisine de la mer
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25 janvier 2011

Palourdes au saké et au wakamé

Une nouvelle fois, je risque de ne pas être pris au sérieux par les lecteurs de ce blog, en affirmant sans sourciller que j’aime le style haïku, vous savez, ces poèmes japonais qui sont aussi brefs qu’expressifs, et d’une longueur onirique qu’on ne retrouve que dans une gorgée de certains nectars.

So long babils

Je vous entends vous gausser et vous indigner bruyamment :  "Quoi, ce mec qui écrit des billets plus interminables qu’un jour sans pain (ou sans riz, n’oublions pas que CdM est lu dans le monde entier, on dirait vraiment que les gens de l’internet mondial ont tout leur temps pour lire ces romans fleuves qui du moins ont le bon goût de se jeter dans la mer), celui dont les phrases sont si longues qu’on en a déjà oublié le début lorsqu’on parvient par hasard à leur fin, quand il y a une fin, car lui-même semble souvent oublier son propos en cours de route, celui qu’à l'encan on surnomme le déconnographe à bis sans fin prétend désormais apprécier la concision et voici qu’il se met à louer la brièveté avec la même décontraction que lorsque je loue une voiture pour un court week-end, le voilà disions-nous qui tire à la ligne comme un poisson pris à l’hameçon alors qu'il bullait dans le monde du silence?"

roadhook

J’avoue que j’ai tendance à écrire des tartines (n’est-ce pas Jeanne?), et à me les beurrer copieusement, mais que voulez-vous, j’ai grandi dans l’amour du verbe et j’aime toujours sans modération et sans rationner mes mots. Pourtant, j'aimerais savoir tout exprimer en quelques mots, tout comme j'essaie de pratiquer une cuisine minimaliste et lisible, c'est à dire de limiter autant que possible le nombre des ingrédients utilisés, et que ces éléments soient tous nettement identifiables dans l'assiette : des saveurs juxtaposées plutôt que mélangées.

C'est pour cela que j'ai une prédilection pour les cuisines de produits, telle la cuisine japonaise, plus que pour les cuisines d'assemblage, comme la cuisine française traditionnelle qui s'exprime souvent dans l’esbroufe et le bain de sauce. Non que je ne l'aime pas ou ne sache pas la pratiquer, mais elle m'ennuie assez vite. La cuisine japonaise en particulier me séduit beaucoup par sa conception, qui voudrait qu'on cherche à communier avec la nature plutôt qu'à la transformer.

Je ne suis pas le seul, c'est une attitude qui se répand mondialement au point de devenir la règle, avec ses travers, le plus criant selon moi ayant été la banalisation de la nouvelle cuisine dans les années soixante-dix, qui a fini par générer ces présentations dépouillées, avec 40 grammes de nourriture dans l'assiette, dont 20 grammes de kiwi et 10 grammes de baies roses; on confondait minimalisme et foutage de gueule, et on continue en certains lieux plus ou moins moléculaires.

nouvellecuisine

Pour autant, minimalisme ne signifie pas absence d'imagination et de travail. Pour en revenir aux haïku, c'est un art de la subtilité et de l'évocation, une forme littéraire ancienne et très codée; il faut je pense de longs moments de travail et de méditation pour parvenir à la fulgurance recherchée avec la discipline imposée, aussi nécessaire à cette écriture qu'à l'art de découper le poisson pour en obtenir les meilleures saveurs, comme savent le faire les maîtres cuisiniers du Japon après une très longue formation.

Dans l'article de Wikipedia consacré au haïku, j'ai relevé ce paragraphe : "Le haïku ne se contente pas de décrire les choses, il nécessite le détachement de l'auteur. Il est comme une sorte d'instantané. Il n'exclut cependant pas l'humour, les figures de style, mais tout cela doit être utilisé avec parcimonie. Il doit pouvoir se lire en une seule respiration et de préférence à voix haute. Il incite à la réflexion. Il est préférable de le lire deux fois afin d'en saisir complètement le sens et la subtilité. C'est au lecteur qu'il revient de se créer sa propre image. Ainsi, le haïku ne doit pas décrire mais évoquer."

Ça a l'air facile dit comme ça, mais c'est un sacré challenge. Surtout pour un blogueur-cuisinier. J'imagine vos têtes si je me mettais à rédiger mes recettes sous l'angle de l'évocation et sans photo, déjà que d'aucuns me reprochent de ne pas être précis dans mes proportions et mes temps de cuisson (de moins en moins heureusement, les matheux ont compris qu'ils ne trouveraient pas pitance ici). Cela dit, on peut toujours tenter de poétiser la cuisine, même si on y trouve plus de torchons que de serviettes, on peut même prétendre que les cuisiniers font de meilleurs poètes que l'inverse.

Petit précis d'haïkuisine

Je compte naturellement sur vous pour me livrer vos propres créations dans les commentaires de ce billet, les meilleures d'entre elles seront publiées sur la page Facebook de Cuisine de la Mer, peut-être même en ferai-je un billet si j'ai assez de matière.

Pour bien faire comprendre ce que j'attends de vous, je vais procéder comme Christophe Colomb et vous pondre quelques illustrations autour de l'oeuf. Premier exemple :

un oeuf par-terre
une vie en l'air

Pour exacte que soit l'affirmation, elle n'a rien de poétique et elle consiste tout juste en un trait d'esprit pour humoriste de chez Carambar ou romancier sur Twitter, tentons mieux.

l'oeuf roule et tombe
vie suspendue
choc mat sur le sol froid

Plus d'humour du tout cette fois mais une tragédie, beaucoup trop narrée pour que l'auteur en soit le simple contemplateur distant et l'oeuf seulement évoqué (sans compter que l'auteur s'en est collé plein les godasses, manque de distance deux fois). Continuons...

jaune éclatant et brisé
soleil et mimosa
dôme de pastis

Dans cet exemple, l'oeuf n'est pas nommé, mais habilement suggéré par le jaune, le mimosa et encore le jaune, autre nom du pastis. Malheureusement, l'auteur se laisse emporter par sa propre subjectivité, et au lieu d'évoquer un oeuf mimosa, il provoque au lecteur une envie d'apéro en Provence. Essaie encore...

le fouet claque
il neige dans la jatte
parfum de vanille

Là, nous tendons vers la perfection, je viens de vous confier l'exacte recette des oeufs à la neige, en version suggérée. Je vous invite à profiter pleinement de cet instant de douceur, car ce n'est pas demain que vous reverrez une recette de dessert sur ces pages.

Je vous en confie trois autres pour la route, et je compte donc sur votre créativité... après avoir lu mes inepties, je pense que vous serez totalement décomplexés.

lance d'argent
un poisson glisse
sous la roue du moulin

Et une sole meunière pour la quatre! Notez que la vraisemblance est nécessaire à l'évocation, par exemple avec un moulin à vent, ça le ferait moins bien.

la glace est salée
puissante et brûlante
le souffle du loup

Le très classique bar en croûte de sel. Avouez qu'ainsi énoncée, la recette a plus de classe que le trop souvent lu "Bar de ligne de tout petit bateau couché en son sarcophage immaculé des marais salants".

le brouillard s'élève
il mouille les goémons
la nacre baille

Attention, "la nacre baille" ne signifie pas qu'on est tombé à la baille ou qu'on a sommeil, nous avons ici des huîtres à la vapeur d'algues, un vrai délice dont je parlerai un jour ou l'autre. Bon allez, je reviens à mes gamelles.

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Palourdes au saké et au wakamé

Ingrédients pour trois personnes

- 700 grammes de grosses palourdes
- trois pincées de wakamé sec
- trois tiges de ciboule
- un verre de saké sec
- deux cuillers à soupe de sauce soja claire
- une cuiller à café de mirin

- miso au yuzu
- jus de yuzu
- vinaigre de riz ambré
- poivre sansho

La seconde série d'ingrédients est utilisée pour une petite sauce que je voulais verser à la fin sur mon plat, elle est facultative selon le maître Hisayuki Takeuchi, qui officie dans son restaurant laboratoire, l'un des endroits au monde où je préfère manger.

Je l'ai consulté pour cette recette, en particulier pour le choix du saké à utiliser, car je suis totalement ignare en la matière. Après m'avoir indiqué un  breuvage dont je n'ai pas réussi à faire comprendre le nom chez Kyoko (j'ai fini par opter pour un saké sec mais pas ultra-dry, plutôt aromatique selon ses conseils), il m'a dit qu'un ingrédient aussi fort que le miso ne s'imposait peut-être pas, et qu'il aurait plutôt mis un peu de zeste de yuzu dans la préparation. N'ayant pas non plus trouvé de yuzu frais chez Kyoko, je suis resté sur l'idée de ma petite sauce, mais présentée séparément.

J'ai choisi des grosses palourdes pour cette raison que contrairement à beaucoup de coquillages, leur saison est plutôt l'été et que les petites ont tendance à être un peu maigre en hiver. Du coup, je me suis retrouvé avec de très grosses palourdes, je n'ai pas vraiment eu le choix, les poissonniers parisiens sont d'une indigence étonnante en cette saison!

Quant au wakamé, c'est la seule algue que je ne récolte pas, car elle n'est pas indigène dans mon Nord-Finistère pourtant si riche en espèces, toutefois nous la cultivons pour notre marché et surtout l'exporter vers le Japon et d'autres pays. Je pense que j'aurais plutôt cueilli de la dulse pour cette recette, ne serait-ce que pour l'oeil et sa saveur un peu plus musquée.

Recette

Mettez le wakamé sec à gonfler dans un peu d'eau tiède, ne vous formalisez pas pour la petite quantité précisée, il n'en faut pas beaucoup, et les algues déshydratées gonflent beaucoup, jusqu'à retrouver leur aspect initial au sortir de la mer.

Lavez et vérifiez les palourdes, ce qui consiste à tenter de désolidariser les deux coquilles en les faisant glisser latéralement entre le pouce et les autres doigts, vous éviterez ainsi les animaux morts ou pire emplis de vase qui gacherait l'emsemble du plat en s'y répandant.

Préparez la sauce, en diluant du miso au yuzu dans un peu de jus de yuzu et de vinaigre de riz ambré. Assaisonnez d'un peu de poivre sansho. Parez les tiges de ciboule et tranchez les en petits tronçons.

Dans une cocotte avec couvercle, mettez les palourdes et le saké, et chauffez à feu vif. Lorsque le liquide est en ébulittion, ajoutez la sauce de soja, remuez et continuez la cuisson à couvert. Puis versez le mirin, et poursuivez ainsi; lorsque les palourdes sont toutes ouvertes ou entrebaillées, ajoutez le wakamé coupé en morceaux, puis une fois le feu éteint, les tronçons de ciboule.  Servez aussitôt. 

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Les palourdes mettront plus ou moins de temps à s'ouvrir en fonction de leur grosseur et de la force de votre feu, attentien à ne pas trop les cuire car elles durciront et perdront leur saveur. J'ai adoré ce plat, la sauce présentée à côté était quand même une bonne idée.

Le jus de cuisson des palourdes avec le saké le soja et le mirin est tout simplement délicieux à boire, nature ou avec la coupelle et son restant de sauce versé dedans, qui le rend plus "tonique".

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