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Cuisine de la mer
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19 août 2011

Maquereau à la groseille à maquereau

Un nom de poisson accolé à un nom de fruit, un arbuste épineux très peu décoratif, parfois des poils, une peau épaisse que plusieurs ne parviennent pas à avaler, un stigmate de fleur coriace, une acidité marquée, un peu trop de graines dans la pulpe, la groseille à maquereau a tout pour ne pas plaire.

Outre son autre nom qui ne fait pas rêver non plus (raisin crépu), dans le nord de la France, on va jusqu’à la désigner par les charmants gratte-pou ou encore croque-pou, là on frôle carrément le remède à l’amour.

A ce point que ce fruit a presque disparu des circuits de distribution, je croise régulièrement des gens qui me disent qu'ils n'en ont jamais entendu parler…

cber


Retour en enfance

J'ai commencé à cuisiner très tôt, mais j'ai été encore plus précoce pour les petits fruits et pour la  pêche. J'imaginais que cette groseille à maquereau était ainsi nommée parce que les maquereaux en étaient  friands, et qu'elle constituait une esche de première pour ce poisson. Or, quand je partais pour cette pêche avec les adultes, ils pêchaient non pas à la groseille, mais à la mitraillette, des plumes donc, qui augmentaient encore ma perplexité.

Je connaissais toutefois la groseille à maquereau par cœur. Mes deux grand-pères en faisaient pousser dans leur jardin. Mes deux aïeux, qui m'ont tout appris de la nature en Bretagne, tous deux anciens officiers de la royale qui rivalisaient de gentillesse pour m'attirer chez l'un ou l'autre, et qui me laissaient picorer tout ce que je voulais, fraises, mures, framboises, fèves, jeunes artichauts crus, petits pois, pommes, poires… Dans l'un des vergers, il y avait même deux figuiers, mais ils étaient improductifs.

Des animaux aussi, des poules bien sûr, largement nourries aux restes de produits de la mer (c'était l'émeute dans le poulailler quand on arrivait avec une bassine pleine de têtes et carapaces de crevettes, et pendant une semaine, le jaune des œufs prenait une teinte orangée, pareil avec les langoustines et les étrilles), des lapins dont la mise à mort était le cauchemar de mon grand-père paternel (lui qui pourtant avait été un pionnier des sous-marins et avait envoyé quelques torpilles en 25 ans, et qui descendait d'une famille de naufrageurs – ce qu'il a toujours nié, même en tant qu'activité accessoire - ), et même deux moutons, il en avait élevé un troupeau sur quelques hectares donnés par son beau-père étalonnier, des tout blanc de race Texel, dont il était tombé littéralement amoureux lors de ses virées de jeunesse avec les goémoniers dans les parages d'Ouessant.

Des poules idiotes lâchées tous les jours dans le verger, qui m'agressaient sauvagement et dont je me vengeais à coups de sagaie masaï, de lance apache ou de lance-pierre breton. J'étais en concurrence avec elles pour les groseilles à maquereaux qui étaient à leur hauteur. Si encore ça avait été des canards, qui eux sont délicieux avec une sauce aux groseilles à maquereau...

crazy_chicken

Mon autre grand-père lui ne voulait pas s'encombrer d'animaux dont il faut s'occuper tous les jours, alors qu'il aimait tant partir en pêche sur quelques jours, à la crevette dont il était passionné. L'étonnant est qu'il ne les aimait pas tant que ça… Il les cuisait à l'eau de mer sur le lieu de pêche où il plantait une tente, puis nous les livrait à domicile.

J'ai le souvenir d'énormes morceaux de pain beurré croulant sous un monceau de bouquets décortiqués avec soin et patience, et donc de la livraison des chutes aux poules de l'autre grand-père. Aujourd'hui cette belle harmonie familiale serait rompue, car je retiendrais les carcasses des crevettes pour en faire un fumet, et nous n'aurions pas d'aussi beaux œufs.

bouquets

Bref chez le pêcheur, le potager était entouré de murs dégoulinants de groseilles, avec beaucoup de poiriers en espalier, et un tas de groseilles de toutes variétés et de couleurs. Je peux vous affirmer que les groseilles à maquereaux, dégustées tièdes de soleil, sont du miel en bouche, j'en mangeais des kilos je crois, mais il en restait toujours assez pour faire quelques pots de confiture.

Evidemment, elles ne m'intéressaient que cueillies sur l'arbuste et je n'aimais pas cette confiture, à l'inverses des groseilles rouges en grappe, dont je n'ai pas vraiment compris l'intérêt de les manger nature, tandis que je trouve que leur gelée est idéale pour donner un peu de rondeur et de peps à certains plats de viande en sauce.

J'aurais bien voulu que ma fille connaisse ces émerveillements comme moi, bien entendu, sur la partie pêche et fruits de mer, j'ai bien assuré, en revanche plus de potager dans la famille, j'en aurais fait un petit si j'avais habité à l'année en Bretagne. Là je me contente d'herhes aromatiques, et de quelques fruits, des pommes, des framboises, des fraises quatre-saisons… et des groseilles à maquereau, pas beaucoup car je suis rarement présent à la période où elles murissent, et la concurrence des merles est sans pitié… d'autant moins que je n'ose plus leur lancer des pierres ou des sagaies.

Et le maquereau dans tout ça ?

Tout cela ne me disait pas pour quoi ces groseilles portent le nom d'un poisson, et il a fallu l'arrivée d'internet dans ma vie au début des années 90 et ma participation active aux forums de cuisine d'Usenet. Là, un cuisinier anglais m'apprenait qu'on en faisait une sauce spécialement pour ce poisson (mais il parait que les hollandais en font une comparable pour le hareng), que lui-même qualifiait d'assez médiocre, en gros des groseilles à maquereau éclatées dans un peu d'eau (la fameuse "chaude eau qui donne un goût exquis à tout"), passées au chinois et enrichies de crème et d'autres bricoles.

J'ai lu aussi que la groseille à maquereau aurait le même effet que celui attribué à l'oseille, à savoir dissoudre ou au moins assouplir les arêtes des poissons. Certes, dans groseille, il y a oseille, mais je n'y crois pas du tout. D'une part, dans les recettes que j'ai vues de mackrell with gooseberry sauce, la sauce est préparée à part et n'entre au contact du poisson que dans l'assiette. D'autre part, l'oseille ne dissout pas les arêtes, encore une légende d'arrière-cuisine, Hervé This a fait l'expérience…

Maquereau à la groseille à maquereau

Ingrédients

- 12 petits maquereaux (ou lisettes)
- 150 grammes de groseilles à maquereau
- quelques groseilles rouges en grappe
- vinaigre de framboise
- miel de châtaigner
- gros sel de mel
- poivre noir

Si vous n'avez pas de miel de châtaigner, vous pouvez en utiliser un autre, un peu corsé, comme du miel de bruyère ou de trèfle par exemple. Pareil pour le vinaigre de framboise, vous pouvez prendre du vinaigre de cidre.

Recette

Levez les filets de maquereau et mettez-les à macérez entre deux couches de gros sel de mer pendant au moins trois heures. C'est un minimum. Plus vous les laisserez et plus ils auront une texture "cuite", mais plus ils seront salés. Un bon compromis consiste à couper chaque filet en deux dans sa longueur, puis à les rincer abondamment. Moi qui aime le poisson cru, je les ai laissés entiers, ce qui n'a pas plu à tout le monde…

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Prélevez le jus des groseilles à maquereau en en conservant quelques unes pour la décoration. Si vous possédez une centrifugeuse avec la fonction "nectar" qui produit un jus assez riche en pulpe, utilisez-la.

Mélangez le jus obtenu avec un quart de son volume en vinaigre, ajoutez une cuillère à café de miel de châtaigner et du poivre noir. Une fois les maquereaux rincés et séchés, placez-les à mariner dans ce mélange, pendant au moins six heures. L'idéal est donc de les préparer la veille pour le lendemain.

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Dressez en assiette, en décorant avec les groseilles à maquereaux conservées et coupées en deux, ainsi qu'avec quelques groseilles en grappe rouges, qui n'ont pas qu'un intérêt décoratif, elle apportent une note de fraîcheur acidulée bien venue sur cette recette fruitée-salée. Arrosez avec la marinade.

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Commentaires
Y
Au lieu de marinade au sel, je fais mariner les maquereaux dans du vinaigre de riz+sucre pendant une heure, ce qui permet de retirer facilement la fine peau transparente coriace qui recouvre la jolie peau zébrée.
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G
Ces groseilles font décidément beaucoup parler ! c'est normal puisqu'elles font partie intégrante des saveurs de notre enfance dans les brumes du Nord ( c'est à dire au-dessus de la Loire) !<br /> <br /> Expatriés dans le Tarn, nous avons reconstitué notre potager et ces douceurs acidulées .. et des poules bien entendu ! bref une vraie chance que je souhaite à tout le monde ! bonne journée à tous et merci pour ce long discours sur les saveurs régressives ça fait un bien fou !
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V
Mais... par ma barbe... Tes groseilles, là, c'est mes gooseberries !!! Et tu pouvais pas le dire hier ? :-) (le gars qui se fait enguirlander, le pauvre) Sauf que celles que j'ai mangées là-bas ont beaucoup plus de pépins, on dirait... Une espèce cousine, à moins que tu ne les aies épépinées ? <br /> Bises monsieur
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G
Voilà une recette me dis-je à ma portée ! reste à avoir des groseilles à maquereaux, ici c'est aussi difficile à trouver que des noix de coco au<br /> fond de l'aber Wracht. Donc j'ai improvisé et pris des groseilles blanches et qq rouges, tous les autres ingrédients scrupuleusement utilisés...<br /> Résultat : fruité, acidulé, marinade un peu<br /> épaisse mais on a aimé.
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G
Tu sais, tous les ans a la saison de la cueillette (tout au plus deux bols dans le jardin de mes parents) j'y pense a cette recette anglaise - mais les versions que j'en avais lues ne m'avaient jamais vraiment tentee. Ta recette, par contre, est beaucoup plus jolie et fraiche.
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