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Cuisine de la mer
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23 septembre 2011

Eclade

J'aime les moules et elles me le rendent bien.

Lorsque je me suis lancé à corps perdu (pas pour tout le monde) dans la cuisine de la mer, elles ont été une matière première abordable pour toutes sortes d'essais, j'ai même écrit un petit opuscule à leur sujet, un jour où je m'ennuyais tel un congre végétarien dans un bocal de poissons rouges (ou une souris morte dans une conserve de haricots verts de Locoal-Mendon, et même pas une souris verte, lisez l'article de Paris-Normandie : "On aurait dit du saumon"). 

Je leur ai tout fait subir à ces larmes de Morgane, les pires jeux de mots comme les accommodements les plus baroques. Il n'en subsiste sur CdM que les recettes que je cuisine régulièrement, et qui vont de plus en plus vers la simplicité, genre cuites à la plancha avec ou sans rhum, je ne vais pas vous donner tous les liens, il y a une fonction "Recherche" en haut et à droite de la page qui permet de fouiller ce blog de fond en comble.

Parmi ces recettes, celle qui rassemble tous les suffrages (y compris le mien, alors que je préfère voter "contre" en général), est celle au romarin et au citron, simple et rapide à exécuter.

Cela dit en Bretagne, j'adore cuisiner au feu ancestral, comme je vous l'ai récemment raconté, et j'ai eu l'envie de refaire une éclade, recette qui serait originaire de Charente Maritime. Pas d'autre ingrédient que les moules, c'est le mode de cuisson qui leur apporte une saveur puissante que j'aime beaucoup, mais c'est du brutal pour ceux qui ont la bouche tapissée de macarons en poudre...

Comme je viens de vous assommer avec un billet aussi long que polémique, je ne vais pas plus vous embêter aujourd'hui, et me contenter de décrire cette préparation au fil du courant. 

Quand même, je tiens à vous faire profiter d'une oeuvre rare, un poème antialcoolique écrit il y a fort longtemps, que je ressors en cette période où je renoue avec une sobre hygiène de vie, puisque déjà, j'ai acheté un déodorant sans alcool. Accrochez-vous, c'est du lourd...

Eclade voix
Eclade verre
Qui se brise par terre
Comme on casse une noix
 
Eclade miroir
Eclade rire
Tombant sur le comptoir
Telle une moule qui va s'ouvrir
 
Eclade colère
Eclade moule
Qui me met les boules
Et les tripes à l'envers
 
Eclade tonnerre
Pétard qui éclade
De quoi as-tu l'air
Noyée dans un verre ?

i_love

Eclade

Ingrédients

- moules 

Pour la cuisson

- un planche carrée
- quatre clous
- un sac d'aiguilles de pin 

Utilisez du bois massif, surtout pas du contreplaqué ou de l'aggloméré. 

Recette

Plantez quatre clous au centre de la planche. J'entends d'ici les imprécateurs d'une tradition qu'ils imaginent authentique parce que leur père ou leur voisin de bistrot l'ont ânonnée avant eux... "Ce n'est pas une vraie éclade si on met des clous, il faut faire tenir les moules sans artifice". Peut-être, mais je suis cuisinier, pas dresseur de moules.

Les clous ne sont toutefois pas obligatoires, j'ai vu des méthodes où les moules sont calées sur d'autres supports, une boule de mie de pain ou d'argile, une petite pomme etc. Certains se contentent de trois clous (sans référence chrétienne, c'est juste un effort de développement durable), faites comme vous le sentez, mais j'ai dans l'idée qu'un seul clou ne servirait à rien, sinon à vous provoquer une crise de nerfs.

A l'origine, si j'en crois l'histoire ou plutôt l'une des histoires, cette préparation était réalisée sur la vase séchée de l'estran, on pouvait alors caler les moules plus facilement que sur la surface dure d'une planche. On raconte aussi que le combustible utilisé était constitué de fanes, de fèves ou de pommes de terre.

eclade

Ensuite, vous calez les quatre premières moules sur ce support. Un petit conseil d'ami, essayez autant que possible de réaliser ce montage à l'endroit où vous allez effectuer la cuisson, rien n'est plus rageant que d'avoir disposé patiemment la ribambelle de moules et de tout voir s'écrouler sur un faux-pas ou un malentendu. 

eclade0

Faites-vous aider, c'est plus drôle, même pour une petite quantité comme ici. L'angle selon lequel on pose les coquilles a son importance : il faut qu'elles soient bien calées, donc pas trop verticales, et elles doivent pouvoir s'entrebâiller sans que la cendre tombe dedans, donc pas trop horizontales non plus. Ne préparez pas le dispositif trop en avance, sinon les moules ne contiendront plus une goutte d'eau, or il faut qu'elles cuisent dans leur jus avant de s'ouvrir. 

eclade1

Voici ce que donne un kilo de moules, très honnêtement, cela suffit au plaisir d'un apéro option mains noires pour trois ou quatre personnes, d'autant que dans le lot, y'en a toujours une qui ne va pas aimer ou craindre de se salir les mains. Quand je dis "une", je parle d'une personne, hein !

On raconte chez des gens peu délicats, qu'il est inutile de nettoyer les moules, car le byssus (filaments par lesquels elles s'attachent à un support) va brûler.  Oui mais non, lorsque vous arrachez le byssus, vous le faites dans un mouvement qui l'ôte depuis son attache dans le manteau du poisson, là où il ne va pas griller (ou alors c'est que vous avez foiré la cuisson). Je confirme toutefois qu'il est inutile de les gratter, on ne craint pas que balanes et autres commensaux tombent dans la sauce. 

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Vous couvrez généreusement d'aiguilles de pin que vous disposez en dôme, par un mystère que je ne cherche pas à élucider, les moules du centre cuisent plus lentement que celles de la périphérie. En d'autres endroits, on utilise de fins sarments de vignes pour l'éclade ; de mon point de vue, il est dommage de se priver de la saveur particulière des aiguilles de pin. En quelques endroits, l'éclade est nommée "églade", ce qui a donné l'occasion à quelques étymologiste du dimanche d'y voir une déformation de "aiguillade", faut voit.

Je rappelle qu'il est interdit de ramasser feuilles et bois morts dans les forêts publiques, et qu'il faut une autorisation dans les forêts privées. Même au Moyen-âge, on nous cassait moins les pieds, à nous autres gueux et glaneurs de nature sans ambition commerciale.

J'ai l'habitude de placer une petite mèche de papier à chaque coin pour faciliter l'allumage, ce n'est pas nécessaire mais ça accélère la mise à feu.

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- "Mais papa (c'est moi), la planche en bois va prendre feu !"
- "Non ma fille, les pléonasmes ne sont pas combustibles".

En fait, l'eau des moules qui s'ouvrent va empêcher la combustion du support, il n'y a qu'en périphérie que çà noircit un peu. Inutile donc comme je le lis parfois, de faire tremper la planche auparavant pour qu'elle s'imbibe. Je me contente de la rincer, non pas pour éviter l'incendie, mais pour la nettoyer des poussières et toiles d'araignées accumulées depuis la dernière utilisation, ce n'est en effet pas une recette qu'on fait tous les jours.

Il est tout aussi inutile de recouvrir la planche de papier aluminium, d'ailleurs, moins vous utilisez d'aluminium en cuisine, et mieux ça vaut pour votre santé. 

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Il est important de laisser se consumer la totalité des aiguilles de pin, sinon les moules ne seront pas cuites sous les parties non entièrement réduites en cendres.  Je constate souvent que certains conseillent de réitérer la cuisson avec une nouvelle couche d'aiguilles de pin... Goûtez une ou deux moules du centre, et tant pis si vous en faites tomber une dizaine au passage.

Normalement, une couche bien épaisse suffit, ce fut le cas pour cette éclade réalisée avec des moules de corde au calibre supérieur à celui de celles de bouchot. Une seconde cuisson risque surtout de dessécher le poisson.

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Au lot des fantaisies lues à propos de cette recette, il faudrait éliminer la cendre avec un calendrier des Postes, sinon c'est moins bon, et plus la photo du calendrier est moche, et meilleur c'est. Je vais vous faire une confidence, avec un éventail africain en forme de feuille arrondie, ça fonctionne quand même (une fois j'ai même utilisé un sèche-cheveux, il n'y a pas mieux, mais ne le répétez pas ou je vais me faire féticher).

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La cuisson est atteinte lorsque les moules de la périphérie ont cet aspect, bien ouvertes déjà, et la coquille rendue friable par la cuisson.

eclade7

Pour la plupart des gens, le pain et le beurre sont indispensables pour "faire passer" cet amalgame de saveurs iodées, salées, fumées et un peu résineuses. Je les préfère nature, avec un verre de whisky ou un vin blanc qui va bien... Dans les poncifs de cette recette, on cite souvent l'Entre-Deux-Mers, pourquoi pas, mais on peut toutefois choisir autre chose, il faut quelque chose d'assez abrupt, genre un autre sauvignon pas trop tendre, un Muscadet ou un Gros-Plant ou encore le méconnu Picpoul-de-Pinet.

Je ne dis pas cela parce que dans "Pinet", il y a "pin", même si je constate que beaucoup de gens conseillent le Pineau des Charentes, où non seulement il y a "pin" mais aussi "Charente Maritime", or c'est souvent du pin maritime qui est utilisé pour cette recette, car il pousse à côté des mouliers. Folklore, quand tu nous tiens, tu nous donnes soif. 

 eclade8

Je l'avoue, j'ai été encore très dissert pour une préparation aussi simple : c'est pour compenser, comme je publie peu de recettes sucrées, j'évite ainsi de vous priver de dissert. Je connais de plus concis qui se contenteraient d'un condensé comme ci-contre :

"L'autre jour, mon Chéribibou est rentré moulu de la pêche aux moules, heureusement qu'il n'ait pas allé à la pêche aux coques !!! Disposer les moules en courrone sur une planche à découpé, recouvrer d'aiguilles de pain et mettez le feu (pareil que Johnny). Dégager la cendre à l'aide du calendrier des postes  _^-^loooool^-^_ : C'EST PRES A DEGUSTER. Maintenant clique ici (CLIC) pour gagné 2 échantillons de gel intime sans gluten."

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