750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Cuisine de la mer
Cuisine de la mer
Newsletter
Archives
18 avril 2012

Araignée aux asperges, galanga et citron vert

L'histoire des mousses de la marine est une tragédie, je ne parle pas bien sûr des bières, mais de ces jeunots qu'on embarquait pour faire les corvées  du bord, voire pour servir de souffre-douleur et/ou de giton à l'occasion...

Le mousse (de l'espagnol mozo ou du catalan mosso désignant un jeune garçon), peut se trouver sur les bateaux de pêche ou de commerce, ce n'est que par extension et de façon, familière qu'il a ensuite désigné les jeunes engagés de la Royale, matelots de deuxième classe. A Brest, il existe encore une Ecole des Mousses, qui forme aux métiers de la Marine Nationale, on peut l'intégrer à partir de 16 ans pour ceux que ça tenterait. Les très jeunes enrôlés de la Royale étaient parfois nommés pilotins.

Dans la "Marchande", le mousse occupait le dernier degré de la hiérarchie, au dessus de lui on trouve le novice, lui-même ayant pour supérieur le matelot de troisième classe. Autant dire que lorsqu'on commençait sa carrière comme mousse, on n'avait espoir de devenir commandant d'un navire pas avant l'âge de 112 ans, pour les plus dégourdis et les survivants.

Encore qu'on puisse a contrario trouver l'exemple du mousse Duperré, qui a fini Ministre de la Marine, ou celui de l'écrivain Joseph Conrad, embarqué comme mousse à onze ans... mais beaucoup d'enfants soldats moururent bien avant de grandir...

oyec 

Le cas le plus étonnant fut celui de l'anglais James Cook, enrôlé comme apprenti vers ses 18 ans (ce qui n'est pas très jeune, mais quand même) qui acheva sa carrière dévoré aux îles Sandwiches, ce qui est une mort paradoxale et somme toute noble, à l'époque les fast-foods n'existaient pas.  Je cite ce cas, car habituellement les mousses étaient dévorés plus jeunes, lorsque les vivres vien-vien-viennent à manquer durant les longues traversées...

Notons toutefois que les auteurs de cette chanson (c'est un collectif) auraient pu choisir un autre endroit que la Méditerranée pour situer l'action, il faut vraiment être piètre navigateur pour ne pas trouver à manger sur ce grand lac ; enfin passons, ce chant de marin a quand même le mérite de proposer quelques recettes, en voici un extrait : 

Au bout de cinq à six semaines,
Les vivres vin-vin-vinrent à manquer
Ohé ! Ohé !

On tira à la courte paille,
Pour savoir qui-qui-qui serait mangé,
Ohé ! Ohé !

Le sort tomba sur le plus jeune,
Qui n'avait ja-ja-jamais navigué
Ohé ! Ohé !

On cherche alors à quelle sauce,
Le pauvre enfant-fant-fant sera mangé
Ohé ! Ohé ! 

L'un voulait qu'on le mit à frire,
L'autre voulait-lait-lait le fricasser,
Ohé ! Ohé !

Quand je pense qu'on chante cela aux enfants en guise de comptine, je me dis qu'il n'est pas étonnant que nous assistions à une inquiétante augmentation de la recrudescence (ne cliquez sur ce lien qu'avec un coeur bien accroché). Le reste de la chanson toutefois se termine bien pour le mousse, qui réfugié en haut du grand mat, implore [son dieu] (emplacement publicitaire à louer). Aussitôt, des bancs de poissons sautent à bord du navire, et plus personne ne songe alors à manger du mousse.

Celui-ci descend alors, en promettant à [son dieu] (tarif aménagé si vous louez les deux emplacements), en guise de remerciement, de consacrer son existence à la cuisine des poissons et autres créatures de la mer. C'est ainsi que fut créé le présent blog. Vous qui croyiez avoir affaire à une banale chronique de cuisine, vous lisez en fait un ex-voto. Vous pouvez toutefois rester assis.

Méfiez-vous des imitations toutefois, sur d'autres blogs, vous pourriez trouver des recettes de nouvelle cuisine, de fusion-food et autres subterfuges destinés à tromper le lecteur sur la légitimité maritime de l'auteur, j'ai rencontré de trop nombreuses atrocités sous forme de mousse aux fruits, de mousse au chocolat, j'ai même vu des mousses au brocolis, mes pauvres enfants...

Non, les seules mousses dignes de figurer sur un blog marin sont les mousses au bar, la carragheen muss, et bien entendu le crabe mousse, ou moussette ou mousseuse, selon les régions.

L'araignée mousse

Mousse2

C'est par définition le crabe du printemps, sa saison est très courte, son sommet se situe entre mi-mars et mi-mai, selon les années. Il s'agit de crabes juvéniles, agés de moins de deux ans, les meilleurs étant ceux qui ont tout récemment terminé une mue, ce qui se reconnait au dernier tronçon des pattes arrières, encore souples au toucher. La jeune araignée va en effet grandir et donc muer jusqu'à l'âge de deux ans en règle générale, âge auquel elle atteint sa taille définitive. Notons toutefois qu'entre la fin de son état larvaire et l'âge de un an, elle connait treize mues, puis ensuite deux mues pour atteindre sa taille définitive.

On pourrait en pêcher plus, mais la réglementation veut qu'on ne capture pas d'animal d'une maille inférieure à 12cm, mesure prise du sommet de la carapace jusqu'à sa base. Le crabe mousse est donc de facto une araignée qui a subi son ultime mue, à partir de l'été elle aura atteint une maille d'au moins 14 cm et sera en mesure de se reproduire. Ces tailles sont une moyenne, dans certains endroits où la mer est plus tempérée et la nourriture abondante, on trouve des sujets de taille supérieure à 14 cm.

On lit fréquemment que ce nom de "mousse" est donné à ce crabe en raison du nombre important d'algues et autres commensaux fixés sur la coquille. J'en doute fortement, c'est simplement que la dernière mue remonte à suffisamment longtemps pour ce que tout ce monde ait eu le temps de s'y installer et de croître. Mes petites araignées étaient aussi glabres que le menton d'un mousse du dernier grain, et pourtant c'étaient bien des mousses. Je pense donc plutôt, sans pouvoir l'affirmer, que c'est plutôt en raison de la juniorité de l'animal qu'il est ainsi nommé. 

La France est le premier pays pêcheur d'araignée, et la grande majorité des prises se fait entre Brest et Saint-Malo. Au delà de la réglementation, beaucoup de pêcheurs ont décidé de cesser les prélèvements sur la côte bretonne dans la seconde partie de l'été et au début de l'automne, afin de favoriser la période de production. C'est pour cette raison qu'on constate que les saisons de l'araignée sont le printemps et l'automne, sachant qu'en hiver, comme la plupart des crustacés, elle part vers des eaux plus profondes, et sa pêche côtière est plus rare.

Néanmoins, les méthodes de pêche on changé, capturée autrefois quasi exclusivement au casier dans la zone côtière, elle est désormais traquée au filet dans les eaux plus profondes. La populaton de ces crabes n'est pas considérée comme menacée, mais il faut bien s'avouer que le stock a tendance à diminuer, d'où la pertinence de l'auto-limitation des prélèvement en période estivale.

Mousse1

Dans ce contexte de ressource encore satisfaisante, je suis toujours partagé entre mon plaisir de déguster ces mousses et mon peu d'entrain à manger des animaux qui n'ont pas encore eu le loisir de se reproduire, garantissant ainsi la sauvegarde de l'espèce. Alors c'est seulement une fois dans l'année, et encore lorsque je suis en Bretagne à la bonne saison.

Il faut les cuire 11 minutes, selon la tradition orale, à l'eau salée frémissante, ou mieux à la vapeur. La chair est délicieuse, douce presque sucrée dans le coffre. Au niveau des pattes, elle s'extrait avec une facilité presque déconcertante, et elle est d'une finesse absolue... Ces araignées se dégustent nature, la mayonnaise est en trop selon moi, un peu de pain et de beurre suffisent.

Pour la recette qui suit, j'ai donc utilisé des crabes largement adultes.

Araignée aux asperges, galanga et citron vert

J'ai cuisiné pour une dizaine de personnes, les proportions ci-dessous correspondent à ce nombre.

Ingrédients

- 2 araignées de mer (environ 1,6 kg)
- 500 g de fines asperges violettes (ou blanches)
- une noisette de rhizome de galanga râpée
- un citron vert
- mayonnaise maison
- macis
- sel
- poivre blanc

Recette

Cuisez les araignées à l'eau salée ou à la vapeur. Je préfère cette seconde méthode car elle entraine moins de dilution de saveur. Laissez-les refroidir et décortiquez-les, c'est la partie la plus fastidieuse...

Pelez les asperges, et coupez les pointes sur une longueur de trois centimètress. Mettez-les tiges à cuire dans de l'eau bouillante salée, puis ajoutez les pointes cinq minutes plus tard, de façon à obtenir une cuisson homogène. Lorsque les asperges sont cuites, encore un peu fermes (testez de la pointe d'un couteau), passez-les dans de l'eau glacée pour arrêter la cuisson et fixer les couleurs. Egouttez et placez-les sur un linge qui absorbera l'excès d'humidité.

Réservez les pointes et coupez les tiges en rondelles, que vous mélangez à la chair de crabe. Râpez finement le galanga et le zeste du citron vert (bien lavé) et incorporez les au mélange avec deux pincées de macis. Tenez au frais jusqu'au service.

La mayonnaise (environ 3 cuillers à soupe) et le jus d'un demi -citron vert sont ajoutés juste avant le dressage.  Pour celui-ci, vous utilisez un cercle pour constituer un palet que vous surmontez de trois pointes d'asperge (coupez les dans la longueur si elles sont grosses et qu'il vous en manque).

arasperge1

Il vaut mieux en effet ajouter ces deux ingrédients à la fin, car la réaction de la mayonnaise au citron vert est assez rapide. Là cela avait déjà pas mal coulé dans mon assiette, mais ce n'était pas un problème, la saveur et la fraicheur du plat étaient intacts. Mais que voulez-vous, le temps de dresser et de servir une dizaine d'assiettes, on n'est pas dans le contexte idéal pour la photo culinaire. D'ailleurs, elles sont floues...

arasperge

*****

Rejoignez CdM sur Facebook (clic & like)

*****

Publicité
Commentaires
Publicité