Salade de morue grillée à la braise
Pour commencer, voici une information bouleversante : je me suis décidé à un peu fouiller l’interface de l’hébergeur de ce blog (Canalblog, qui impose de plus en plus de publicités encombrantes et qui est souvent en rade, et pas de Brest… dès que j’ai le temps de m’en occuper, je migre), pour découvrir que je puis désormais répondre à une demande fréquente des lecteurs de CdM, « s’inscrire à la newsletter » afin d'être prévenu des nouvelles parutions.
Jusqu’à présent, je recommandais d’aller coller l’adresse du blog dans un lecteur de flux du genre Google Reader, Netvibes ou autre, ou d’aller voir à fond de cale la page Facebook qui lui est dédiée. Désormais en haut et à gauche de votre écran, vous pouvez (de façon anonyme si vous le souhaitez) entrer votre adresse de courriel à la case « Newsletter ». Lorsque vous arrivez dans l’interface, cochez "Etre prévenu à chaque nouveau message publié sur ce blog", et non pas l’abonnement à la Newsletter, car je n’ai déjà pas assez le temps pour publier autant que je cuisine, ce n’est pas pour en plus m’astreindre à une lettre d’information.
Pour ma part, je préfère nettement la solution du lecteur de flux, qui me permet de regrouper tous les blogs que je suis de près ou de loin, plutôt que d’avoir ma boîte mail encombrée à chaque fois qu’un nouveau billet est de sortie. J’ai des confrères et sœurs qui publient plusieurs fois par jour, à se demander combien ils font de repas. De la part d’un blog de pinard ou de boules, je comprendrais mieux, mais leurs auteurs sont bien plus sobres qu’on ne le présume souvent.
Fin de la séquence matelotage.
Avançons en terrain glissant
Une véritable patinoire même, avec la crainte que j’ai de jeter un froid tout en provoquant une véritable débâcle au sein de mon lectorat, sein qui risque de se transformer en sein de glace si je ne prends pas quelques précautions dans le dessein de rompre la banquise qui pourrait figer nos relations. Comme on dit chez Mickey, les seins de glace ne sont pas des seins animés, la fermeté ne compense pas tout.
Ce n’est pas vraiment la morue qui m’inquiète, quel que soit le sens qu’on donne à ce mot, aussi bien le poisson salé et/ou séché du Grand-Nord en voie de raréfaction dramatique, ou celle qu’on pêche sans hameçon dans les bas-fonds, et qui semble n'avoir jamais autant proliféré. Pour éviter de les confondre, il suffit de se souvenir qui dessale qui. Savoir également qu’il faut affronter les mers gelées voire surgelées pour pêcher ce poisson, tandis que c’est plutôt dans les endroits chauds qu’on capture la créature.
"Gardons notre sang froid", disait une couleuvre refusant de se laisser avaler par un gros lézard appliqué, "vous avez dit Blizzard et Luc ?"
Comme me le confiait récemment Jobic, un fils naturel de Monsieur Tipiak et de Madame Loïck, "Mieux vaut se coltiner un pisse-froid qu’une chaude-pisse", un matin où nous cassions la glace sur le gaillard, avant de nous remettre en pêche sur notre petit doris, (qu’il avait baptisé Doris Vian, « vian » pour « petit », en breton). Alors nous partions pêcher dans un froid de veau marin, des stalactites gelés au nez et les mains aussi glaciales que la voix du commandant lorsqu'il nous disait au retour : "Vous n'avez ramené que ça ?". A nouveau, cela jetait un froid polaire sur l'équipage, ce qui à choisir, vaut mieux que de recevoir des pièces ou des pierres, de celles que vous ne manquerez pas de me lancer lorsque vous découvrirez vers quoi ma glissade m'a fait patiner...
Un philosophe ce Jobic ; un jour où dans un brouillard aussi épais que l’humour d'un pêcheur de surimi, nous écartions à grands coups de gaffe des glaçons aussi grands que des paquebots, il m’affirma que "Si le Titanic n’avait pas coulé, on aurait à peine parlé de l'accident, et personne ne serait allé à la recherche de l’épave de l’iceberg".
Certes, il ne suce pas que de la glace le Jobic, mais attention, personne ne l’a jamais vu sucer un esquimau, on ne peut pas dire ça de toutes les morues de notre connaissance… Contrairement à ce que beaucoup pensent, ce mec n’est pas complètement givré, il fait seulement un peu de rétropédalage sur le pédalo qui lui tient lieu de philosophie de vie.
Dire qu'on se caillait lorsqu'on banquait à Terre-Neuve est insuffisant, on se pelait littéralement, il y faisait si froid que certains matins, nous devions casser la glace dans nos quarts de mauvais café, et nous contenter d'ingérer du sorbet de capelan ou du granité de beurre, car le pain nous cassait les dents, aussi surement que la fois où Jobic avait oublié qu'il y avait une échelle de coupée pour descendre à quai.
Descendre à terre où il allait retrouver d'autres espèces de morues, de celles qui ignorent le congelé, pas toujours aussi belles mais nettement moins frigides, pas besoin d'un brise-glace pour progresser vers le bassin de radoub. Elles savent réchauffer l'âme du matelot, qui est comme prise dans une banquise de sel, après une marée où la seule chaleur provient du briquet-tempête avec lequel il entretient le brasier de son brûle gueule.
Puisqu'on en cause, savez-vous pourquoi ces femmes sont affublées d'un nom de poisson, qui à l'époque n'évoquait pas une denrée rare et chère, mais plutôt l'ordinaire vulgaire des jours maigres ? Pour le maquereau, qui est le complément d'objet direct de la morue, on affirme que c'est à cause d'une mode qui a couru chez Messieurs les Hommes (sic) de s'habiller en costume rayé (les chaussures bicolores n'ont rien à y voir, les poissons n'ont pas de pieds)... Pour nos remouleuses d'âmes effilées, le sobriquet serait également d'origine vestimentaire, leurs bas-résilles évoquant un filet de pêche aux plus poètes d'entre nous.
A propos de maquereau, je vous rappelle que vous pouvez devenir l'heureux propriétaire d'un beau livre sur les coquillages et crustacés, juste en me causant de ce poisson (pas obligé de le cuisiner), pour revoir les modalités du jeu, reportez-vous à mon précédent billet.
Enfin bon, je ne suis pas là pour vous parler de la pluie et du beau sexe, pas plus que vous n'êtes ici pour attendre la prochaine glaciation en ma compagnie. Si je vous assomme de références au froid depuis quelques paragraphes, c'est que j'ai ma tête dans le Magazine Picard du mois de septembre. Oui.
L'histoire a commencé sur Facebook par un appel au peuple de Brigitte Régis, journaliste culinaire avec laquelle je suis entré en contact à la suite de menus propos sur l'utilisation de tendons de boeuf dans la cuisine, en particulier dans le pho. J'adore parler avec les auteurs ou journalistes culinaires compétents (même si il est exceptionnel que je réalise l'une de leurs recettes, vous me connaissez, têtu et autonome, et mon chapeau rond de breton est une cocotte en fonte), pour moi l'association de la table et des mots est une belle et quotidienne manifestation de la culture d'un peuple. Contrairement à une idée reçue, il est plus facile de parler la bouche pleine que le ventre vide.
Bref, Brigitte annonçait que pour le portrait mensuel de ce petit magazine (qui s'avère toutefois lu par une bonne partie de la population française, j'en suis d'ailleurs tout effaré), un blogueur culinaire mâle était wanted. Après avoir vérifié, je trouvais amusante et décalée l'idée de figurer dans cette publication, ne serait-ce que pour briser une opinion selon laquelle j'aurais l'assiette élitiste et le palais des glaces capitonné, alors j'ai levé la main en disant "Moi, moi Madame !"
Brigitte est venue à la maison accompagnée d'un photographe et d'une styliste culinaire, pour préparer et photographier la recette que j'avais proposée, une version adaptée et simplifiée du tartare de dorade publié ici-même il y a quatre ans. J'avoue avoir été épaté par le professionnalisme de cette équipe et être très reconnaissant du rendu, l'article rédigé par Brigitte est excellent, et parfaitement fidèle à ce que j'ai pu lui raconter lors de la séance et lors du déjeuner qui s'en est suivi, car vous je ne sais pas, mais moi parler de nourriture me donne faim...
Vous pouvez également consulter ce portrait sur le site de la marque, où il devrait rester apparent (et plus lisible) jusqu'à la fin de ce mois.
Puisque nous sommes en France, j'en entends déjà susurrer que, pour un type qui se moque souvent des blogueurs sponsorisés, je ne manque pas de climatiseur, et que j'ai dû palper un gros paquet de fraîche pour accepter de paraître dans le magazine d'une marque de surgelés. Oui, j'ai été défrayé par 150 euros de bons d'achats de la chaîne, pour le temps passé et la demi-journée de congé que j'ai prise pour le reportage. Bien entendu, sans cette gratification j'y serais allé quand même.
Il m'arrive d'acheter des produits surgelés (même que des fois je mange des chips en sachet), je n'ai pas une grande passion pour Jean-Pierre Coffe, mais un jour je l'ai entendu dire, avec son habituelle richesse de vocabulaire, que "Lorsqu'on congèle de la merde, ça reste de la merde". A contrario, si on surgèle correctement un produit de qualité, et qu'on le décongèle selon les règles de l'art, on obtient un très bon succédané de produit frais, et selon son utilisation, je défie bien des palais avertis de faire la différence. Bon évidemment, j'achète surtout des produits bruts et non des plats cuisinés...
Puisque je suis dans la transparence, l'article mentionne la fréquentation de ce blog, qui est loin d'égaler celle des voisins qui publient tous les jours et mettent des recettes sucrées qui ont toujours plus d'audience, mais qui me surprend quand même par son ampleur. Voici les chiffres du mois d'août, un mois moyen (je n'ai publié qu'un article), où les gens ont le temps de cuisiner et accèdent plus facilement à des produits de la mer sur leur lieu de vacances, mais loin des pics de fin d'année lors de la frénésie alimentaire des fêtes carillonnées. La ligne de chiffres en haut récapitule le nombre de visites depuis le début de l'aventure, voici six ans. Sur le graphique, en bleu vous avez le nombre de page vues, en bleu clair le nombre de visiteurs, et en rouge les récidivistes. J'en profite pour vous remercier, de vos visites, de vos commentaires et de vos messages.
Pour ceux que ça intéresse, la publication de ce portait dans le magasine Picard n'a pas eu d'influence décelable sur la fréquentation de CdM, normal en cette période de rentrée scolaire où les mamans ont bien d'autres morues à fouetter... Bon, assez parlé de moi, il y en a que ça agace, et j'ai une vraie chouette recette à vous proposer.
Salade de morue grillée à la braise
A ma connaissance, la cuisine française ne pratique pas ou peu cette méthode de cuisson, la quasi-intégralité des recettes que j'ai vues commence par le pochage de la morue. Au Portugal, j'ai eu l'occasion de goûter un excellent "bacalhau assado na brasa", qui m'a laissé un souvenir ému, bien que ce soit une recette que je ne pratique que peu, mon feu de bois étant en Bretagne, un endroit où je mange de préférence du poisson frais lorsque j'y séjourne.
Lorsque je me suis intéressé à la recette du féroce de morue des Antilles, j'ai découvert avec surprise que la morue y est également passée à la braise, mais avant son dessalage.
La recette ci-dessous est d'inspiration portugaise, même si il y manque quelques pommes de terre, mais je fais régime... Dans ce beau pays d'Atlantique, ont sert souvent le poisson grillé avec des rondelles de tomate et d'oignon, un peu de salade verte et de pomme de terre, de l'huile d'olive ou du beurre fondu.
Ingrédients
- un morceau de morue salée et séchée, avec la peau
- huile d'olive
- vinaigre de jerez
- tomates (coeur-de-boeuf ici)
- échalotes fraiches (ou oignon rosé de Roscoff hors saison)
- ail
- poivre noir
- piri-piri ou piment d'Espelette
Recette
Lavez sous l'eau courante le morceau de morue et faites le dessaler pendant 48H sans qu'il repose au fond du récipient utilisé où le sel va se déposer, et en renouvelant l'eau quatre ou cinq fois. Respectez bien un temps de dessalage suffisant, contrairement à ce qui se produit au pochage, il ne va pas se produire de dilution du sel résiduel lors de la cuisson à la braise.
Une fois le temps de dessalage écoulé, essuyez soigneusement le morceau de poisson, huilez-le assez copieusement (pas trop quand même pour ne pas enflammer la braise si l'huile coule en abondance) et faites le cuire à la braise sur les deux faces.
Une fois la morue cuite (pas trop hein !), laissez la tiédir, ôtez la peau et les arrêtes, et effeuillez-là (à charge de revanche, dirait une morue de ma connaissance). Cette opération est bien plus aisée lorsque le poisson est encore tiède, à froid c'est plus délicat. A ce stade, vous pouvez l'incorporez dans votre plat, ou la conserver un peu dans un récipient hermétique, avec une cuiller d'huile d'olive qui va le protéger d'un dessèchement et le parfumer.
Ensuite c'est tout aussi facile, vous disposez une couche de rondelles de tomates épépinées au fond du plat, vous répartissez le poisson par-dessus, puis l'échalote fraiche en rondelles également. Préparez l'assaisonnement, en émulsionnant de l'huile d'olive avec très peu de vinaigre de jerez (ou celui de votre choix), et en parfumant ce mélange avec une ou deux gousses d'ail finement hachée, du poivre noir, et du piment (utilisez du piri-piri portugais ou du piment d'Espelette). Arrosez le plat de ce mélange, et servez-le immédiatement, à température ambiante, le froid tue la tomate et le poisson.
Evidemment, c'est un plat qui a du caractère, mais tout en finesse quand même. Cette méthode de cuisson de la morue est vraiment délicieuse. Lorsque ce ne sera plus la saison des tomates, pensez à l'utilisez pour d'autre plats, avec l'aïoli par exemple, c'est une merveille, pour peu qu'on serve aussi des légumes grillés.
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