750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Cuisine de la mer
Cuisine de la mer
Newsletter
Archives
17 mai 2013

Merlu aux olives, sauce vierge aux sanguins et au rosé de Provence, poêlée d'asperges au lard croustillant

Retour en Provence

Lorsque les pins-parasols se transforment en pins-parapluies, que la Provence Verte l’est encore plus que le Périgord éponyme, que le paysage et la température de l’air font penser à un subtil mélange d’Ecosse et de Sibérie (ou à l’Auvergne pour simplifier), quand les piscines charrient des glaçons et que les chiens de traineau des collines varoises sont tout excités en espérant qu'il neige, je me dis que c’est un drôle de mois de mai, et que j’aurais dû rester sagement dans mes parages d'abers, où le microclimat nous papouille de sa douceur durant toute l’année.

La Provence est aussi sinistre sous la grisaille que la Bretagne est étrange sous le soleil. Cela dit, je dois reconnaître que les naturels ont entrepris des efforts pour que je me sente dans mon élément familier, bien que chez eux, mon animal de compagnie favori semble vivre dans les arbres.  

MerluVéro6

Que faire pour s’occuper, sinon manger, se promener en respectant les feux tricolores (rouge, rosé, blanc), explorer une campagne luxuriante et détrempée pour  récolter les dernières asperges sauvages, en faire une brouillade selon ma méthode qui donne bonne mine à ce plat :

Récemment mis à jour

Puis en fin de journée, alors que nous étions réfugiés dans un restaurant plein de rondeur à Tourtour (oui, ça existe, y’a même un "Bar des Ormeaux" sur la place du village, un havre de paix), je recevais sur mon téléphone cette photo de la part de la cousine de ma femme chez laquelle nous étions attendus le lendemain pour quelques jours au milieu de ses vignes, accompagnée de cette légende : "Saurais-tu cuisiner un truc pareil ???"...

MerluVéro5

Forcément, j'ai dit oui, pas tous les jours qu'on a l'occasion de cuisiner un beau poisson dans le Haut-Var, où bien souvent les poissonneries sont décevantes, limitées à des corners de supermarché. Si tout comme je l'ai été, vous êtes surpris de découvrir un billet de cinq euros dans le plat de présentation (sans rire, j'ai toujours cuisiné gratuitement jusqu'à présent), son but n'était pas de m'appâter (la maison a d'autres atouts et atours qu'un beau poisson), mais de me renseigner sur la taille du merlu.

Car c'est un merlu. Ou un colin. Ou un lieu noir. Ou un hec. Ou un bardot. Ou un ânon. Ou un merlan. Ou un saumon blanc. Tout dépend en fait de l'endroit où il est pêché, voire par qui. 

Par exemple, si je pêche un bar en Méditerranée, personne ne me croira, à part quelques cousins toulonnais originaires de Lannilis. Pour tout le monde là-bas, c'est un loup que j'aurais hameçonné. Par contre, si un toulonnais (un authentique moko),  pêche un loup au large de Brest ou de Reykjavik, personne n'en sera étonné, mais ce ne sera pas un bar, ce sera un "Loup de l'Atlantique" (qu'on peut parfois trouver aussi en Méditerranée, mais c'est déjà assez embrouillé comme ça), celui-là même qui est vendu comme "Loup de mer" chez Picard surgelé. Voilà à quoi ressemble ce poisson, qui n'est pas mauvais, mais qui vous en conviendrez, est assez éloigné du bar :  

Anarhichas_lupus
Crédit photo : Wikipedia

Pour le merlu, c'est encore plus compliqué, la confusion d'espèces est incroyable, je vous en parlerai dans le prochain billet, celui d'aujourd'hui est déjà bien assez dense. Mais dans l'instant, ma préoccupation première n'était pas la nomenclature vernaculaire, mais de concocter une recette de merlu qui aille bien avec la Provence, et mieux encore, avec l'adorable cousine Véronique.

J'ai gambergé sur une idée recette une partie de la nuit, puis j'ai passé une partie de la journée à trouver les ingrédients auxquels j'avais pensé, tout en vérifiant auprès de notre hôtesse si en elle en détenait quelques autres dans ses placards. Bref, j'étais chaud bouillant en arrivant chez elle, mais la tentation se niche partout dans sa maison. Lorsque nous sommes arrivés, elle nous laissait le choix entre le merlu et des grives qu'il ne restait plus qu'à passer à la broche devant le feu de bois. Compte tenu du temps à l'extérieur, de notre envie de manger un met rare que nous n'avions pas dégusté depuis longtemps, et de l'extrême fraîcheur du poisson pêché à la ligne la veille, nous avons opté pour la flambée. 

grives

 Je vous entends d'ici du moins quelques-uns d'entre-vous, comme quoi : "Si ce n'est pas honteux de manger de jolis petits oiseaux qui font la joie de nos jardinets et de nos campagnes, brute, ogre, sans-coeur, léonard !". Je me marre, doucement certes, mais franchement, je ris aux éclats silencieux, des années de mise au point de cette méthode d'esclaffement discret,  pour ne pas trop vexer autour de moi ou ne pas passer pour le ravi de service dans les réunions sérieuses.

1

Pourquoi la pêche serait-elle moins dérangeante que la chasse ? Pourquoi mange-t-on des produits de la mer bien plus petits que ces grives, sans soulever la moindre protestation de sensiblerie ? Les écologistes s'interposent (à raison) lors des massacres de gros animaux marins, comme les baleines, les requins et les thons rouges. On les voit plus rarement s'interposer entre un pêcheur à pieds et ses bigorneaux, ses coques ou ses crevettes (bien qu'il soit normal de protester contre les prélèvements abusifs de certains pêcheurs, même amateurs : il y a des compulsifs du bigorneau comme il existe des viandards du lapereau).

En quoi une grive mériterait-elle plus d'être épargnée qu'un coquillage, lui-même très joli aussi ? Parce qu'elle chante joliment ? Certes, mais essayez donc d'entendre la mer dans une grive...

Ces choses-là étant posées, le lendemain il a bien fallu retourner en cuisine, ce qui n'était pas pour me déplaire après trois jours passés sans taquiner la moindre queue de poêle, voire la moindre poêle de queux. 

Faute de grives, on mange des merlus

Un peu de technique culinaire ne fait de mal à personne, et voici d'ailleurs un moment que je ne vous avais pas infligé cela. Il s'agit de la cuisson  sous film, de portions de poisson en forme de quenelle. J'ai photographié mon ami Jean-Luc L'Hourre dans cet exercice, afin de pouvoir vous livrer un "pas à pas", qui se lit de gauche à droite et de bas en haut.   

Avril2011

1) Lever les filets du poisson (ici un lieu jaune), et enlever la peau sans la déchirer. Jean-Luc utilise un couteau à filet de sole, mais il faut être habitué à sa lame flexible.
2) Couper la peau du poisson en rectangles.
3) Portionner les filets, et les aplatir entre deux épaisseurs de film plastique.
4) Les assaisonner à la fleur de sel.
5) Les rouler et les surmonter d'un morceau de peau (qui n'est en fait utile qu'à la présentation)
6) Les enrober de film plastique en serrant de façon à éliminer un maximum d'air. Utilisez un film supportant la cuisson (genre compatible micro-onde).
7)
Saisir chaque extrémité de la papillote, et les rouler vivement sur le plan de travail, de manière de finir de les serrer tout en leur donnant une forme régulière.
8) Les boudins sont noués à chaque extrémité, et conservés au frais deux ou trois heures avant de les pocher, de manière à consolider leur forme.
9) Voici un exemple, il s'agit de filet de bar, sur un lit de cèpes en fricassée, surmonté d'une mini-gaufre de pomme de terre et d'une quenelle de caviar d'Aquitaine, beurre mousseux au vin jaune (je cite de mémoire, nous avons mangé cela chez Jean-Luc le 31 décembre 2010)

Ma version ci-dessous est certes plus rustique que celle d'un MOF étoilé, mais elle tient la route sur une table familiale.

Comme vous le savez sans-doute, l'Auberge des Abers de Lannilis a fermé en novembre 2012. Jean-Luc L'Hourre n'a pas tardé à trouver preneur pour son talent. Parmi plusieurs propositions, il a choisi de devenir le chef des restaurants du somptueux Hôtel Marinca, près de Propriano en Corse, où les veinards d'insulaires et les vacanciers pourront profiter de sa cuisine. Pour nous autres bretons, ça fait un peu loin, mais j'en connais déjà beaucoup qui feront le déplacement !

plage

 

Merlu aux olives, sauce vierge aux sanguins et au rosé de Provence, poêlée d'asperges au lard croustillant

Ingrédients

- 1 merlu (ou colin) de 2 kg
- olives noires
- thym 

- trois petites tomates  "coeur de boeuf"
- sanguins conservés au vin, vinaigre, huile et aromates
- vin rosé de Provence
- huile d'olive

- asperges vertes un peu fines
- pancetta
- une ou deux cébettes

- fleur de sel
- poivre noir

Ces ingrédients sont faciles à trouver, sauf les sanguins marinés, moins peut-être en Provence où tout charcutier un peu compétent se fait un devoir d'en proposer presque en toute saison. Cela dit, c'est facile à arranger. Les sanguins sont des champignons à la texture un peu ferme. 

Vous pouvez les préparer vous-même, en utilisant éventuellement d'autres champignons, voire même des champignons de Paris, mais choisissez alors ceux au chapeau bistre, il ont plus de saveur et une texture plus ferme, lorsqu'ils sont bien frais évidemment. Voici la recette familiale de Véronique : "Faites suer vos champignons dans une poêle à découvert  jusqu'à ce qu'ils aient rendu et évaporé leur eau. Ajoutez un verre de vinaigre et autant de vin, ainsi que quelques herbes (thym, romarin, aneth). Cuisez jusqu'à ce qu'il ne reste plus de liquide dans la poêle, puis mettez en bocaux avec à nouveau les mêmes herbes, et couvrez d'huile d'olive"

Par ailleurs, si vous ne savez pas ce que sont des cébettes, il s'agit d'une sorte de jeunes oignons, vendus parfois comme "cives "sur les marchés plus nordiques. A défaut d'en trouver, bien que leur saison soit concomitante à celle des asperges, utilisez de la ciboulette thaï, ou les tiges des bottes d'oignons blancs frais disponibles sur une plus longue période chez votre maraîcher.  

MerluVéro4

Pour cette recette, j'ai utilisé le vin rosé familial, celui des vignes qu'exploitent Véronique et son frère Patrick, derniers bourgeons d'une longue lignée de viticulteurs en Côtes de Provence. Un vin délicieux et de caractère, un rosé fin et aromatique ayant une belle structure, de la typicité et beaucoup de charme.

Le vin est produit en coteaux argilo-calcaires, avec un rendement à l'hectare plutôt faible, de l'ordre de 40 hl/ha (contre une moyenne de 47 hl/ha dans cette appellation qui impose un maximum de 55 hl/ha, ce qui est encore raisonnable, en Vin de Pays, on voit jusqu'à trois fois cette norme maximum, ce qui s'appelle "Faire pisser la vigne"). La robe à la fois chaude et de belle  transparence,  comme les arômes très fruités de ce vin, sont en partie dûs au fait que la vendange est effectuée à la fraîche,  c'est  à dire de nuit. Ces qualités proviennent également de l'assemblage des cépages, 42% grenache et 42% syrah (jus de goutte), relevés par 10% de cinsault et 6% de rolle (jus de presse). 

N'hésitez pas à goûter ce rosé (ou le rouge du Domaine qui est également un petit miracle gourmand de finesse et de fruité, en dépit des chaleurs parfois harassantes du Haut-Var, c'est du moins ce qu'on prétend) si vous le croisez au restaurant ou chez votre revendeur préféré, ou à vous renseigner auprès du Domaine :

Domaine de l’Estan
Earl Bataille
174 chemin des Clos de Gérin 83570 Carcès
earlbataille@orange.fr ; tel:04.94.04.31.73.

Bien entendu, je n'ai aucun intérêt pécuniaire à vous conseiller ce vin, je n'en parlerais pas ici si je ne le trouvais pas très bon. D'ailleurs, il décroche des récompenses comme s'il en pleuvait, mais pour autant son prix reste très raisonnable. Il faudrait seulement, si je puis me permettre, que l'étiquette un peu désuète soit revue, et apporte un minimum d'informations sur le contenu de la bouteille. 

Recette

Levez les filets du merlu, et coupez-les en portions. Avec un merlu de deux kilos, vous obtenez de belles portions pour six personnes. Je garde la toujours peau du merlu sur les filets, car la chair eput avoir tendance à se défaire à la cuisson. La chair du merlu a une franche coloration rosée lorsqu'il est frais, plus il vieillit et plus elle blanchit. Un bon indicateur lorsque votre poissonnier tente d'écouler un poisson "fatigué", en le proposant en darnes ou en filets. 

Puisque c'est un jour à conseils techniques, ne levez jamais les filets d'un poisson fraîchement pêché. Il faut attendre la rigidité cadavérique (six à douze heures), sinon les fibres musculaires se rétractent, et vous obtenez un petit truc plissé et pas beau du tout. Cette rigidité est facile à apprécier,  le poisson ne se courbe plus lorsqu'on le saisit par la queue, mais sa chair reste élastique. Il va ensuite à nouveau s'amollir en perdant de la fraicheur, et sa chair se transforme alors, lorsqu'on exerce une pression du doigt, elle reste affaissée ensuite.  

Posez le poisson sur du film plastique supportant la cuisson, posez par-dessus un rang d'olives noires coupées en deux, assaisonnez de thym, de fleur de sel et de poivre noir, le tout sans excès. Serrez ensuite les portions dans du film plastique, de façon à leur donner une forme ronde. Je n'ai pas aplati les filets comme montré dans le diaporama ci-dessus, pour cette simple raison que le filet de merlu a déjà une forme arrondie, et qu'il n'y a donc pas besoin de l'enrouler avant de le rouler, si je suis bien clair ?  

MerluVéro

Nouez les papillotes à chaque extrémité. Si malgré toute votre habileté, vous avez coincé de grosses poches d'air, n'hésitez pas à percer d'un trou dépingle. L'eau de pochage n'entrera pas dedans, le film ayant tendance à se rétracter au chauffage. Réservez au frais pendant au moins deux heures.


MerluVéro1

- Préparez les éléments de la garniture. Faites cuire les asperges dans de l'eau bouillante salée durant cinq minutes, ou un peu plus selon leur grosseur, puis rafraichissez-les immédiatement à l'eau glacée. Réservez.

- Faites griller la pancetta à sec, à feu pas trop vif, jusqu'à ce quelle devienne croustillante, réservez également.

- Préparez la sauce vierge améliorée : Coupez les tomates et les sanguins en dés, dans la proportion de 2/3 de tomates pour 1/3 de champignons. Ajoutez de l'huile d'olive et du vin rosé dans les mêmes proportions 2/3 - 1/3. Salez et poivrez. 

- Coupez les cébettes en fines rondelles.

On peut passer aux cuissons simultanées du poisson et de la garniture d'asperges :

Coupez les pointes des asperges sur environ quatre centimètres, et mettez-les de côté. Coupez le reste de la tige en tronçons plus petits, que vous faites doucement rissoler dans de l'huile d'olive, ils doivent rester un peu fermes, presque croquants. En fin de cuisson (au bout de dix minutes), ajoutez la pancetta croustillante coupée en petits morceaux. Réservez au chaud. 

Mettez de l'eau à chauffer dans une casserole, et lorsqu'elle commence à bouillir, placez-y les papillotes de merlu à pocher à frémissement durant cinq minutes. Au bout de ce temps, éteignez le feu et laissez-les papilottes, pour encore de trois à cinq minutes. Ne cuisez pas au-delà, même si le merlu fait partie des rares poissons à ne pas être complètement gâchés par un peu de sur-cuisson (accidentelle bien sûr). 

Au dernier moment, faites rouler les pointes des asperges dans une poêle avec de l'huile d'olive, pour bien les tiédir. Utilisez des ciseaux bien affutés pour débarasser le film de cuisson du poisson. 

Dressez en assiette, d'abord les asperges à la pancetta et le poisson, puis les pointes d'asperges, puis la sauce sur le poisson, et enfin quelques rondelles de cébette sur la garniture. 

MerluVéro2

Bref, vous obtenez une assiette colorée et appétissante, avec des saveurs de terre et de mer combinées, comme je les aime. Et comme tout le monde les a aimées ce soir-là, ce qui m'a bien fait plaisir, car ce sont des personnes qui savent ce que bien manger et bien boire veut dire. A votre avis, qu' a-t-on bu avec ce plat ?

MerluVéro3

*****

Rejoignez CdM sur Facebook (clic & like)

*****

Publicité
Commentaires
Publicité