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Cuisine de la mer
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7 juillet 2013

Salade de méduse au jarret de porc braisé

On ne le répètera jamais assez, diversifier sa consommation de produits de la mer est un geste qui sauve la biodiversité, y compris Willy. Le cabillaud, la sole, le thon rouge, évidemment c’est délicieux, mais à se focaliser uniquement sur ces quelques poissons, on participe largement à la raréfaction de ces espèces.

Il est pourtant sur nos côtes des ressources abondantes, voire envahissantes comme la crépidule et le crabe vert, ou totalement méconnues, comme les anémones de mer, des bestioles pourtant délicieuses, saveurs iodées garanties. Bon, je ne vous ai jamais cuisiné de crépidules, mais ça ne saurait tarder, il se trouve que je pêche à  pieds en des endroits où elles sont rares, ou alors petites et collées à d’autres coquillages, comme les coquilles saint-jacques.

 

Veux-tu méduser pour l'éternité ?

Pour les méduses, c’est plus compliqué, celles qui fréquentent nos mers ne sont pas comestibles, elles évoquent au mieux ces sandales en caoutchouc sans couleur, et au pire, un pipi sur l’endroit où on a été brûlé lors d’une baignade. Et qu’on ne se plaigne pas trop, certaines méduses sont mortelles en raison du choc qu’elles infligent, causant des noyades. Ces bestioles dangereuses n’ont pas encore été repérées sur nos côtes en métropole, mais il faut désespérer de rien, plus ça va et plus on trouve des espèces exotiques dans nos eaux.

Certains poissons de nos côtes mangent toutefois ces méduses urticantes, il parait qu'on les reconnait à leur anus rouge (ce n'est pas moi qui l'invente, c'est un constat que je n'ai toutefois pas vérifié personnellement). Vous noterez que la méduse n'en possède pas. 

On est cerné de règlements plus ou moins crétins concernant les aliments que l’on peut ramener de l’étranger dans sa valise, mais il n’est pas possible de cibler les passagers clandestins planqués dans les eaux de déballastage, et encore moins les migrations naturelles causées par les confusions climatiques. La mer fait un peu ce qu’elle veut, son immensité et sa générosité attirent à la fois les poètes et les plus sinistres cupidités.  

medd

Cela explique pourquoi il n’y a pas de tradition culinaire autour de la méduse en Europe, contrairement à l’Asie, où elles sont consommées depuis des lustres, et que donc, celles qu’on peut cuisiner ici proviennent de là-bas. Evidemment, les locavores acharnés vont râler, comme quoi prétendre sauver la planète en mangeant un produit au bilan carbone contestable, est une fausse bonne idée.  Sauf que ce billet s’inscrit pilepoil dans une cause mondiale, soutenue par l’ONU, qui certes n’a pas toujours de bonnes idées, mais qui cette fois me semble s’inscrire dans une initiative louable.

Le 30 juin dernier, cette Organisation s’est fendue d’un rapport à propos de la prolifération de ces bestioles et de la surpêche d’autres espèces, à croire qu’elle a lu mon précédent billet à propos de l’envahisseuse. En effet, la nature a horreur  du vide, et lorsqu’une niche écologique se vide, elle est rapidement occupée par des opportunistes. Surexploitation et pollution sont les deux mamelles de la méduse.

Bref, l’ONU encourage à valoriser les méduses, pour l’alimentation humaine (mais même si c’est délicieux, on ne va pas tout finir), pour l’alimentation animale (franchement, je préfère largement manger du poisson d’élevage nourri à la méduse plutôt qu’aux farines animales de sinistre mémoire), ou comme produit de soin. Les instituts de beauté les plus chics utilisent déjà une crème anti-vieillissement de la peau, à base du collagène d'une méduse. 

J’évacue tout de suite cette dernière utilisation, ce n’est pas un blog-mode ici, le sujet est toutefois fascinant : il existe une méduse quasiment immortelle, qui répond au petit nom de « turritopsis nutricula » (rien qu'à le lire, j'ai déjà la langue qui picote). La longévité moyenne d’une méduse est environ d’un an, mais cette bête-là possède le pouvoir de se régénérer jusqu’à présenter toutes les caractéristiques d’un sujet juvénile (polype).

Si on ne la tue pas, elle peut en théorie vivre éternellement. Autant vous dire que cette méduse de jouvence passionne les scientifiques, ne serait-ce que pour régénérer les cellules humaines vieillissantes ou frappées d’anomalies, comme les cancéreuses, voire créer des cellules-souche, qui seront utiles à l’avenir pour éviter le recours à une greffe, ou soigner les affections dégénératives, comme la maladie d’Elsa-Mer qui touche les vieux marins (notez que ce n’est pas ce qui en tue le plus, un noyé de sexe masculin sur deux est repêché en mer avec sa braguette ouverte, devinez  pourquoi).

Cette méduse vit dans toutes les mers tempérées et tropicales de la planète, et de plus, elle est belle comme un cargo neuf. Les plus mystiques d’entre vous seront ravis d’apprendre qu’elle possède un cœur rouge en forme de croix, même si ce détail n’apparait pas clairement sur cette image, il faut la regarder d’au-dessus ; pour ceux que la méduse de bénitier intéresserait, qu'ils aillent consulter cette page que je trouve carrément rosicrucienne.

Turritopsis_nutriculaCrédit photo

 

Des qualités à faire verdir un végétarien

Internet c'est terrible, comme la presse-food en général (et que dire de certains blogs devenus plus publicitaires que culinaires), tout le monde recopie plus ou moins le même dossier de presse ou le même communiqué, qu'ils soient erronés ou non. J'ai arrêté d'acheter les magazines culinaires, tellement je trouve qu'ils ne me servent à rien. Deux exceptions notables en cette période, j'ai acheté le très bon "YAM", consacré à Bocuse, et j'achèterai le Hors-Série du journal Le Monde le 11 juillet, puisque qu'il s'agira d'un "Spécial Gastronomie". Normalement, on y causera de quelques potes blogueurs, dont mon meilleur copain.

Bref, en explorant les récents articles parlant de méduse sur internet, tout le monde s'extasie, comme quoi la méduse c'est top bien, c'est léger parce ça contient surtout de l'eau (le syndrome du concombre et de l'aga-agar associés), des protéines et des fibres de collagène (la magie du tofu et du konyaku réunis) et beaucoup de glucides et d'oligo-éléments (les vertus des nouilles et du chocolat combinées).

Après vous allez rechercher dans les tables de composition des aliments ou d'index glycémiques ce que contient vraiment la méduse, et évidemment, il n'y a rien (pas plus qu'on ne vous renseigne sur les anémones de mer, les pattes de poulet ou les langues de canard, les diététiciens sont vraiment des glandeurs...)

Après plusieurs mois de recherche, je suis quand même tombé sur cette page qui fait bien le tour de la question. Alors en dépit du fait que la bestiole ne contienne pas de fibres alimentaires, voici quelles sont ses qualités :

- Riche en protéines
- Faible teneur en matières grasses
- Faible teneur en graisses saturées
- Riche en Oméga 3
- Sans sucres
- Source de fer
- Riche en sélénium

On prétend même que sa consommation fait baisser la tension. Bref, ça ressemble à une panacée universelle, à cela près qu'il existe toujours un risque de pollution. La méduse en effet est plutôt moins incommodée que la plupart des autres espèces par des eaux dégradées, elle a donc tendance à les coloniser, et à s'y nourrir de trucs douteux. 

 Cela dit, on n'en mange pas tous les jours, du moins pour l'instant. Et d'après la dernière grosse crise de principe de précaution que vient de nous déclencher l'Agence de Sécurité Alimentaire, ce ne serait pas plus dangereux que les poissons gras de la mer, et que tous les poissons d'eau douce (pour ces derniers, je m'en doutais déjà, les pauvres). 

 

Médusé par une mention sur une carte de restau

L'impulsivité et l'envie sont à l'origine de nombre de recettes de ce blog, soit lorsque je fais le marché, soit en retour de pêche via la supérette du coin, soit l'envie de reproduire immédiatement et à ma façon un plat goûté  dans un restaurant. Vous vous souvenez peut-être de la genèse de cette salade de crevette laotienne

Cette fois j'ai fait encore plus fort, je suis allé au Tricotin déjeuner de dim-sums; dans cette institution de l'avenue de Choisy à Paris, l'un des meilleurs endroits à prix abordable pour déguster ces délices à la vapeur. Un endroit totalement dépaysant par ailleurs, comme une grande salle de cantine aux fins fonds de Canton, où on fait la queue pour s'attabler si on se pointe à l'heure du coup de feu.

En sortant, je jette un coup d'oeil discret à la carte affichée à l'extérieur près de la porte, genre "qu'est-ce que je vais manger la prochaine fois". Et voilà que mon regard se fixe sur une ligne que je n'avais encore jamais vue, et pour cause, je m'arrête toujours à la page des vapeurs.

Pour de bons et authentique plats de la région cantonnaisse, je m'installe de préférence quelques numéros plus tôt dans l'avenue de Choisy, au Likafo (où mes plats préférés sont nombreux, avec deux favoris, le bouillon aux wontons, je pense qu'ils est difficile d'en trouver d'aussi bons, demandez la version sans les nouilles, et un truc nettement plus costaud, le porc haché au maquereau fermenté, dont je vous ai dit quelques mots dans ce billet). Leur salade de méduse est un monument dédié à la fois à la couleur et à la gastronomie :

Likafo
La salade de méduse du Likafo,
avec ses oeufs de cent ans et ses petites seiches marinées

Pour ceux qui hésiteraient à affronter en une seule fois la méduse, les oeufs de cent ans et ces céphalopodes fluo, ce que je pourrai admettre de la part d'indigènes apeurés des zones non littorales, (la première fois que j'ai découvert cette assiette sur un coin de trottoir de l'avenue de Choisy, j'étais comme un môme devant une vitrine de Noël), je leur conseille de s'initier avec la version des "Délices de Shandong", un autre restaurant de cuisine régionales chinoise situé Boulevard de l'Hôpital, toujours à Paris. C'est par cette assiette où la méduse est associée à du concombre (géniale harmonie des textures), avec une sauce légère parfumée à l'ail, qu'on reconnait toute la fraicheur qu'apporte en bouche la méduse, qui par ailleurs n'a pas vraiment d'autre saveur que celle de son assaisonnement. 

Shandong
La salade de méduse des Délices de Shandong

Bon, les plus affutés d'entre vous l'ont deviné, le plat qui m'a attiré l'oeil, c'était une "Salade de méduse au jarret de porc braisé". D'autant plus qu'arrivé un peu en avance à ce déjeuner avec mon amie Adèle, j'avais fait un tour de chauffe à l'épicerie aussi mitoyenne que cambodgienne, où j'avais vu un superbe plateau de jarrets braisés apporté dans la partie boucherie/traiteur du magasin, encore fumants. 

Là où la dinguerie s'est emparée de moi, c'est que je me suis aussitôt mis en tête de reproduire cette recette, telle que je me suis imaginé qu'elle est servie au Tricotin. Il faudra d'ailleurs que j'aille la goûter un jour, je vous tiendrai au courant, si je ne suis pas interné d'ici-là pour délirium culinaire et mise en danger de la vie d'autrui, l'autrui n'étant pas que du jarret. 

Bref, me voilà parti en vrille, toujours en compagnie d'Adèle (même pas étonnée), à acheter le jarret braisé (pas le temps de le cuisiner moi-même, j'étais dans l'urgence extrême), à filer au Big Store de l'avenue d'Ivry où je sais qu'il y a toujours de la méduse prête à l'emploi en sachet, et je m'y mettais le soir même. 

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Salade de méduse au jarret de porc braisé

Ingrédients

- un sachet de méduse prête à l'emploi
- un jarret braisé au soja
- vinaigre noir chinois
- vin de riz de Chaoxing
- huile de sésame
- sauce de soja claire (light)
- piment séché à l'huile
- ail
- ciboulette thaï
- gingembre vert (frais)
- sucre de palme (ou sucre de canne roux)

 Tous ces ingrédients, y compris la méduse en sachet, se trouvent facilement dans les magasins asiatiques, et il commence à il y avoir des magasins asiatiques un peu partout. 

- Vous pouvez préférer cuisiner votre jarret braisé vous-même, les rôtisseries en proposant n'étant pas légion. Ce n'est pas une recette compliquée, n'utilisez pas de jarret demi-sel (ou alors dessalez-le longtemps), car la sauce de soja est déjà bien salée. Faites le cuire à l'eau avec une ou deux cuillers de sauce soja foncée (dark soja), un peu de badiane (ou carrément de la poudre cinq-parfums) et un oignon, laissez cuire à frémissement une heure et laissez refroidir dans l'eau de cuisson. Puis préparez une marinade assez généreuse à base de sauce de soja foncée, de sucre de palme ou de miel (pas trop), un peu de vin de riz et laissez le jarret mariner trois ou quatre heures. Cuire ensuite à four moyen en arrosant fréquemment de la marinade. Vous pouvez aussi vous rabattre sur du porc char-siu, plus facile à trouver.

- Le vin de  riz se trouve sans problème également, pour en savoir plus, vous pouvez lire le billet de Margot Zhang

- Quant au gingembre frais, il n'y en a pas en toute saison, mais maintenant oui, c'est un jeune rhizome en végétation, à la pulpe juteuse, et à la saveur bien moins agressive que lorsqu'il est sec. Pour ne pas en manquer hors saison, je le place une fois pelé dans du vinaigre de riz. 

- Pour le vinaigre noir chinois, je vous envoie à nouveau vers une page extérieure. Le vinaigre a une interaction spécifique avec le collagène de la méduse, ce qui rend son utilisation intéressante, même si toutes les recettes de méduse n'en comportent pas.  

Recette 

Rincez et égouttez la méduse, ne prenez pas garde au sachet d'assaisonnement placé dans le sachet, il n'a aucun intérêt. Coupez de fines tranche de jarret, en laissant la couenne sauf aux endroits où elle est yrop dure. Il faut environ une proportion de viande pour deux de méduse. Réservez au frais, tiède, c'est moins bon la méduse. 

Pelez le gingembre vert, et taillez-le en fins bâtonnets. Coupez quelques tiges de ciboulette thaï en tronçons. Epluchez deux gousses d'ail.

Préparez l'assaisonnement : Une cuiller à soupe de sauce soja claire (j'utilise aujourd'hui pour les assaisonnements des sauces coréennes ou japonaises, beaucoup plus raffinées que les chinoises qu'on trouve en France, en évitant toutefois la Kikkoman que je déteste), une cuiller à soupe de vin de Chaoxing, une cuiller à café d'huile de sésame, une pincée de sucre de palme (inutile si votre vinaigre noir est particulièrement doux), l'ail écrasé et du piment séché à l'huile (ou de la purée de piment, si vous n'avez rien d'autre). 

Mélangez la méduse, le porc et la ciboulette, versez l'assaisonnement, mélangez, puis disposez les bâtonnets de gingembre et servez bien frais environ vingt minutes plus tard.

 

3

Oui, bien sûr que c'est bon, et terriblement énergétique. Je suis capable de manger de la méduse au moins une fois par semaine, mais il faut que je me modère, c'est comme ça qu'on a commencé à décimer le cabillaud et tous les autres...

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Commentaires
D
non je suis née en France, mais mon père est du Vietnam du Nord, et ma mère du Sud. Donc ai grandi avec les "2" cuisines :) (Comme dans plein de pays, nord et sud.. = presque 2 pays/cultures différentes). En France, on connait plutôt la cuisine du Sud VN
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D
la méduse!:) ça me rappelle mon enfance, c'était vraiment un plat typique des banquets-ceux du Vietnam du Nord (héritage de la Chine surement).. et les regards incrédules à l'école genre "tu manges de la méduse"??.. bon des années plus tard, je vois qu'il y en a qui se rattrapent!:) 2 commentaires: surtout ne PAS découenner, c'est le meilleur.. et les 2 textures se complètent. Ensuite, tu peux aussi essayer avec un assaisonnement à la pate de sésame + graines de sésame (+ concombre/carottes pour raffraichir). Bon super billet, j'ai bien ri, merci :)
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G
Passionnant comme d'hab. C'est drole parce qu'en voyant les reportages habituels sur les meduses qui envahissent nos cotes chaque ete, je disais a mon homme que ca se mangeait - mais je ne savais pas que celles de nos cotes ne sont pas comestibles - et c'est fort dommage.<br /> <br /> (c'est vrai cette histoire de marins noyes?)<br /> <br /> J'ai une de ces envies d'aller faire un tour dans le 13eme maintenant!
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C
Ha ce billet là je me l'étais mis de côté pour le lire au calme je suis pas déçue ! J'adore Tricotin, ce fut une de mes toutes premières cantines du 13ème, ça fait des années que je n'y ait pas remis les pieds, je suis contente de lire que c'est toujours aussi bien. Sinon cette recette est magnifique, et je te remercie pour le truc avec le gingembre jeune, je vais faire ça tout de suite !
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P
Y'a aussi une salade tripes au piment qui déchire bien, et une terrasse bien agréable en cette saison; cela-dit, ce ne sera pas avant le 12 août maintenant...
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