Barbue au piment aux crevettes croustillantes
Puisque Noël approche, une recette de barbue habillée de rouge me semble tout à fait idoine. Ceux qui ne fêtent pas Noël peuvent la réaliser avec du turbot, c'est d'ailleurs avec ce poisson que je l'ai expérimentée la première fois, mais j'avais laissé mon appareil à images de blog dans la boîte à gant de mon canot.
Le rouge, comme vous le savez ce n'est plus vraiment la saison des tomates, alors vous l'avez deviné, c'est du piment. La saison du piment bat son plein chaque jour dans ma cuisine. J'en ai du frais, du rouge et du vert, de plusieurs provenances, au vinaigre ou à l'huile et j'en ai fabriqué au whisky ; il peut être sec, en poudre, en pâte, en purée, liquide, voire en gelée, ainsi que plusieurs mélanges : avec des arachides, avec des graines de soja noires, avec de l'ail, avec du tofu, et je ne compte pas quelques chutneys, pickles ou kimchi assez relevés pour coucher au sol n'importe quel pygmée ignifugé.
Dans les restaurants indiens ou coréens en France, je demande toujours qu'on pimente fortement mes plats, ce qui généralement me vaut des sourires ironiques, et une assiette à peine plus relevée que celle de mon voisin, je me souviens aussi de la serveuse d'un restaurant thaïlandaise à qui je réclamais du piment et qui m'avait rabroué à juste titre : "Pas besoin, il y en a déjà dans le plat".
Retour de Thaïlande, une amie m'a confié que là-bas, manger pimenté était aussi naturel que de manger salé ici. Même pour les enfants, qui selon elle, s'accoutument au piment dès le ventre de leurs mères, et aussi lors de l'allaitement. Ce qui n'a pas été totalement mon cas (un peu moins d'un sein sur deux pour être précis), en effet, ce n'est pas au piment que les enfants bretons s'accoutument le plus en tétant.
Cette amie, talentueuse cuisinière et presque aussi bretonne que moi, vient de me faire passer la recette de la sauce "Sriracha", vous savez celle qui est vendue dans des biberons, si pratiques lorsqu'on fait du sport ou lorsqu'on part en randonnée, d'autant qu'il en existe de plusieurs formats. Vous l'apercevez ici en embuscade derrière le phò dac biet que j'ai préparé ce week-end.
"Comment fais-tu pour goûter quoique ce soit avec la tonne de piment que tu ajoutes partout ?" me demande souvent mon entourage. Je me perds alors en un tas d'explications, la plus commode étant que j'étais tombé dedans quand j'étais petit, entre mon enfance en Afrique et l'attrait de ma famille de bourlingueurs pour les nourritures d'ailleurs. Le coup du piment oiseau au whisky par exemple, c'est un héritage.
Une mixture corrosive qui aujourd'hui ne passerait pas les portiques de sécurité des aéroports. D'ailleurs, de lointains cousins à la tête près du bonnet, en enduisent les pieds des portiques d'écotaxe, ce qui suffit à les faire fondre. De louches émissaires m'ont proposé une fortune pour cette recette détonante, mais comme vous le savez, ce n'est pas le genre de la maison, même si le concept d'arme de destruction massive BIO me tente assez.
A propos de sollicitations, j'en profite pour signaler aux annonceurs qui apparemment me lisent, que j'annonce de façon totalement indépendante ce que j'annonce, sinon justement, je l'annoncerais clairement (répétition à vocation pédagogique).
A la suite de mon précédent billet, j'ai reçu un très gentil mail de Madame Ariaké me proposant de m'envoyer des produits de leur gamme que je ne connaitrais pas encore, puisque j'avais recommandé leurs bouillons à infuser à la volaille, et celui aux clams.
D'abord, je ne les ai pas "recommandés", j'ai seulement dit que c'était un succédané acceptable à défaut de bouillon maison, et ensuite, notez que c'est une proposition à double tranchant, car de mon point de vue, tout n'est pas bon dans leur gamme. Ainsi, leur "Jus de volaille rôtie" en sachet est ce que j'ai pour l'instant goûté de plus âcre et de plus grossier en la matière, ce n'est pourtant pas très difficile à réussir...
Bref, les marques et autres "partenaires désirant augmenter la visibilité de mon blog", passez au large. Lorsque je manque de visibilité, je grimpe en tête de mat, j'actionne les projecteurs et la corne de brume ou je tonne du canon ; en gros je klaxonne. Ou alors, proposez-moi un pont d'or, parce que les échanges du genre : "Tu me donnes ta montre et je te donne l'heure", très peu pour moi. Et puis surtout, ne vous bercez pas d'illusion, mon blog qui pourtant fête ses 37 ans aujourd'hui, ne compte que cinq lecteurs par semaine, et ce sont toujours les mêmes.
Par ailleurs, je n'aime pas le Tabasco.
Pour en revenir au piment et au fait qu'on prétende que je ne puisse pas goûter aux aliments, tant je les noie dans la lave du diable, il est temps que je clarifie les choses. Je ne ressens aucune différence de saveur, pour cette raison bien simple que je suis totalement dépourvu du sens du goût, et même de l'odorat.
Seule de très fortes doses de piment ou d'alcool fort me font légèrement frémir les papilles, et lorsque les deux sont mélangés, j'atteins le nirvana des saveurs. J'imagine que cela vous produit le même effet lorsque vous mangez un caramel au beurre salé, je n'ai pas trouvé de meilleure comparaison. En résumé, je ne mange que des couleurs et des textures, du chaud et du froid, du cru et du cuit, du mort et du vivant.
Ces quelques digressions étant faites, j'en reviens à mon propos initial, et même au titre de ce billet. Figurez-vous que j'ai trouvé du piment aux crevettes croustillantes. Un piment d'inspiration marine donc, dont je ne peux plus me passer. Si on me laissait faire, j'en mettrais dans le café, dans le yaourt, dans les huîtres, dans les tubes de dentifrice, j'en tartinerais des blinis en guise de caviar et je m'en enduirais le corps pour jouer au marsouin folâtre.
Je l'ai déniché voici deux mois, sur les rayons du "Big Store" une épicerie de l'avenue d'Ivry (Paris 13), où je ne me rends que pour quelques produits spécifiques. Je n'y achète que rarement mes fruits et mes légumes, ils sont souvent de belle qualité mais en conditionnement trop copieux pour ma petite famille. Bref, parti acheter le piment à l'huile, sans lequel l'existence n'est qu'une guimauve light, je tombe sur deux pots de ce "Crispy Prawn Chilli". Exactement l'étiquette à laquelle je ne peux résister, le rouge du piment, c'est mon Louboutin à moi, ma semelle, mon équilibre.
Je goûte le soir même, et j'y retourne dès le lendemain acheter le second pot, car l'expérience m'a prouvé que les réassorts sont parfois aléatoires dans ces épiceries, impression renforcée par le fait que je voyais ce produit pour la première fois, alors que je passe autant de temps au rayon des piments que toi à celui des boîtes de sardine.
J'ai bien fait, je n'en ai jamais revu depuis, et j'ai arpenté en vain presque tous les détaillants du quartier pour en retrouver. Dès lors, il ne me restait plus qu'à le commander sur internet ou à en fabriquer moi-même. Si j'en cause ici, vous avez deviné quel choix j'ai fait, pour l'instant un mélange basique à partir justement de ma purée de piment à l'huile préférée, ci-dessous, elle est très facile à trouver, repérez-vous à la tête avenante de la dame sur l'étiquette, et prenez bien la préparation aux piments seuls, car il existe des tas de déclinaisons, toutes aussi bonnes les unes que les autres.
Une autre raison de vouloir m'en sortir tout seul est la présence de glutamate dans l'original, je n'en fais pas une fixation, mais j'aimerais que les restaurateurs asiatiques arrêtent d'en ajouter aussi mécaniquement que les cuisiniers français salent toujours trop : lorsqu'on utilise de bons produits, l'exhausteur de saveur est inutile. Bref, une façon de procéder très simple, qui m'a donné satisfaction et a éloigné le spectre du manque :
Faire frire de petites crevettes séchées jusqu'à ce qu'elles deviennent croustillantes. Les dégraisser au maximum avec du papier absorbant. Les concasser très grossièrement et mélanger avec la purée de piment à l'huile dans les proportions d'un tiers de crevettes pour deux tiers de piment. Vous pouvez faire moitié-moitié si vous aimez les crevettes frites ou si vous craignez le piment.
Voici une recette où ce mélange est particulièrement mis en valeur, je l'ai donc réalisée la première fois à mon retour de Port-en-Bessin avec du turbot ; ici c'est une barbue, c'est très bon aussi et d'autres poissons plats conviendraient tout autant, sauf peut-être la sole dont la chair est fine et délicieuse, mais de saveur peu prononcée. Comme de plus c'est un poisson très surpêché, évitez-lui ce genre de traitement et les (rares) fois où vous en mangerez, grillez-la simplement, y'a pas meilleur.
Barbue au piment aux crevettes croustillantes
Ingrédients
- une barbue
- vin de Shao Xing
- sauce de soja claire
- piment à l'huile aux crevettes croustillantes
Pour le choix du vin de Shao Xing, vous pouvez vous reporter à ce billet.
Recette
Videz et lavez la barbue, séchez-la. A l'aide d'un couteau très tranchant, entaillez la peau du dos (on ne touche pas au ventre) en croisillons, comme ci-dessous. N'entaillez pas la chair au delà de deux à trois millimètres, elle sécherait trop à la cuisson sinon. Frottez avec le piment aux crevettes croustillantes, de façon à faire pénétrer le mélange dans les entailles. Arrosez d'un peu de sauce soja claire et de vin de Shaoxing.
Préchauffez votre four à 240°. Cela peut paraître élevé, mais l'idée est de cuire vivement le poisson, pour que la peau soit agréable à manger et encore une fois, pour que la chair n'ait pas le temps de sécher. J'aime bien mettre du papier sulfurisé entre le poisson et le plat de cuisson au four, ça lui évite de coller, en particulier quand il s'agit d'une préparation sans aucune matière grasse comme celle-ci (excepté le peu d'huile présente dans le mélange pimenté).
Une fois que le poisson a pris une belle couleur bronzée, ici après huit minutes de cuisson, éteignez le four, et laissez le plat encore une ou deux minutes, la porte du four entrouverte. C'est poisson à partager en mangeant à la cuiller, ou du bout des baguettes. On déguste en deux temps, la partie "craquante" d'abord, et ensuite, la chair du ventre qui sera au contraire très moelleuse et imbibée des condiments et du jus de cuisson.
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