Coquilles saint-jacques à la vapeur, façon chinoise
La coquille Saint-Jacques en automne, c'est comme les asperges au printemps, celui qui n'y goûte pas a perdu une année de vie gastronomique... Je parle des coquilles de Normandie, de la Baie de Seine précisément, qui sont au top à cette période de l'année. Après le mois de janvier, je considère que le corail occupe trop de place dans la coquille, au détriment de la noix. Je recherche alors celles du gisement de la Baie de Saint-Brieuc, peu ou pas coraillées au même moment. Evidemment, lorsque je suis dans mon Finistère-Nord, je privilégie celles de la Rade de Brest ou de la Baie de Morlaix.
Aussi, lorsque j'ai aperçu que c'était la Fête de la Coquille Saint-Jacques à Port-en-Bessin, un port du Calvados, autour du 10 novembre, j'ai impulsivement décidé d'y aller faire un tour. C'est un endroit que j'aime beaucoup, et il se trouve que j'y ai un copain pêcheur de Saint-Jacques, entre-autres, que j'étais certain de croiser lors de cet évènement.
Le programme parlait aussi d'un Salon du Livre de la Gastronomie, ce qui forcément a augmenté ma motivation, j'adore lire les livres de cuisine, même si je ne les utilise pratiquement jamais pour leurs recettes, ou alors je les adapte tellement à ma façon que leur mère ou père aurait du mal à les reconnaître.
Les trois derniers que j'ai achetés sont d'abord le "A peine cru" de Stéphane Jégo et Sophie Brissaud, une petite merveille d'intelligence culinaire ; "La cuisine du Japon" de Hanaé Kadae, Chihiro Masui et Annabelle Schachmes, à mon avis la meilleure synthèse à la fois culturelle et pratique du genre depuis longtemps, et "Champignons" de Régis Marcon, Philippe Barret et Nathalie Nannini, une belle somme aussi documentaire que gourmande.
Grosse déception, le prétendu salon du livre se résumait à une triste guitoune avec une douzaine d'ouvrages présentés et pas tous de cuisine...
Par contre sous la criée où les pêcheurs proposaient en direct leurs prises, je ne savais pas où poser les yeux. Certes, il y avait une forte domination de coquilles Saint-Jacques , mais toutes les richesses de la mer étaient représentées ci et là, fraîches à l'extrême, parfois vivantes comme des poissons plats encore en plein salto ou des crevettes roses et grises...
Du côté de l'étal de l'Armement Sauvage, Dimitri Rogoff présentait entre autres de très grosses coquilles, m'interpellant comme d'habitude sur le mode cumulant à la fois celui du provincial envers le parisien, et du normand envers le breton. C'est le problème de ma double appartenance, j'ai double ration de quolibets, je vous résume : "Tiens, ça c'est du haut de gamme pour restaurant parisien, ce n'est pas en Bretagne que tu trouveras des coquilles comme celles-là".
Certes, en Bretagne les coquilles sont plus petites, mais tout aussi certain, il n'y a pas que la taille qui compte... Cela-dit, je n'ai pas résisté, je décidai illico d'en prendre neuf, vu que nous serions trois à les manger. Deux kilos, alors qu'habituellement, on compte environ six ou sept coquilles par kilo. J'achetais huit kilos de plus du calibre "normal", histoire de faire un compte rond. J'ai aussi ramené deux turbots dont un offert par Dimitri, je vous en reparlerai, des crevettes, des bulots (un truc assez exotique pour les bretons, mais une fois de temps en temps, j'aime assez, surtout qu'ils étaient très petits).
Les grosses coquilles ont été mangées dans mon ancienne recette qui fait toujours l'unanimité à la maison, j'ai quand même fait une photo à la va-vite des deux calibres, à la va-vite, on distingue mon ombre dessus, mais bon...
Alors que nous devisions tranquillement, Dimitri qui connait mon goût pour les cuisines asiatiques, m'explique que ses coquilles, comme on le voit ci-dessous, sont particulièrement bien adaptées à ces saveurs, pour preuve, elles portent des idéogrammes chinois. Bien que je penchasse plutôt pour un témoignage de l'écriture kmère ou laotienne, je décidai illico qu'une des recettes que j'appliquerai à mon butin serait chinoise, et c'est comme souvent chez Margot Zhang que je trouvais l'inspiration, avec sa recette de "Saint-Jacques à la vapeur à l'ail et aux vermicelles".
Allez lire son billet, vous constaterez que si j'ai ajouté quelques ingrédients comme j'aime, notamment de l'échalote et du gingembre qui sont pour moi un prolongement quasi-naturel des coquilles Saint-Jacques, l'exécution de la recette est la même. Margot a ramené cette recette de Hong-Kong, finalement pas si loin que ça de Port-en-Bessin, avec l'imaginaire du cuisinier dans les voiles.
Coquilles saint-jacques à la vapeur, façon chinoise
Ingrédients
- 12 coquilles Saint-Jacques
- vin de Shaoxing
- deux échalotes
- quatre gousses d’ail
- une noix de gingembre frais
- un piment rouge
- sauce de soja claire
- vermicelle de haricot mungo
- ciboulette thaïe
Le piment rouge utilisé ici est plutôt doux, ce sont ces produits longs et fins qu’on trouve facilement ; en France ils proviennent souvent du Maroc.
Le vermicelle de haricots mungo est souvent appelé « vermicelle transparent », on en trouve partout.
Ne choisissez pas n’importe quel vin de Shaoxing pour cuisiner, et fuyez justement ceux qui sont spécifiés « Pour la cuisine » ou « Cooking wine » sur l’étiquette, ils sont de qualité inférieure. C’est vrai pour toute recette qui utilise de l’alcool, comme tous les autres produits, il doit être de bonne qualité. Voici celui que j’utilise, de la marque "Pagoda", selon les conseils de l'experte Sophie Brissaud.
Ce vin est parfois appelé vin jaune dans les recettes, où on conseille de le remplacer par du xérès sec si on n’en dispose pas. C’est assez juste, ils ont un commun un caractère oxydatif marqué, mais ça reste un substitut.
Recette
Préparez les coquilles Saint-Jacques en ne conservant que les noix, voire le corail si vous aimez ça. Conservez la partie creuse de la coquille, que vous nettoyez tout aussi soigneusement. Mettez les noix à mariner dans le vin de Shaoxing, où elles resteront environ deux heures.
Hachez finement l’échalote, et très finement l’ail et le gingembre. Coupez le piment rouge en petites rondelles, et éliminez les graines en malaxant doucement les rondelles sous l’eau dans votre main, c’est très efficace.
Dans très peu de beurre, commencez par faire fondre les échalotes, puis ajoutez l’ail et le gingembre, et faites frire doucement sans laisser colorer. Ajoutez les rondelles de piment qui ne doivent pas cuire plus de quelques instants, juste le temps de les attendrir. Terminer cette préparation par une cuiller à café de sauce soja claire.
Placez deux poignées de vermicelle de haricot mungo dans un saladier, et couvrez avec de l’eau très chaude, mais pas bouillante. Laissez ainsi cuire et gonfler pendant 20 minutes. Egouttez et réservez. Coupez la ciboulette thaïe en petits tronçons. Prévoyez l’équivalent d’une cuiller à café par coquille.
Selon la taille du cuit-vapeur dont on dispose, il peut être nécessaire de grouper deux noix dans la même coquille pour la cuisson, afin de gagner de la place. Il est vrai que j'avais conservé les grandes coquilles de Dimitri dans mes placards depuis la veille... Ajoutez également un peu du vin de la marinade.
Mettez-les à cuire de deux à trois minutes selon leur calibre, dans un cuit-vapeur où la vapeur est déjà formée, et servez après avoir parsemé de ciboulette thaïe.
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