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Cuisine de la mer
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1 décembre 2013

Bouillon de bœuf et coquille Saint-Jacques

Encore des coquilles Saint-Jacques, que voulez-vous, c'est la saison, il va falloir  vous forcer un peu.  Cette recette s'inscrit dans la série des associations terre-mer que j'affectionne beaucoup, tout autant que la cuisine vietnamienne dont j'ai réussi à coller une touche dans ce plat.

Vous avez tous au moins entendu parler du phò une fois dans votre vie, cette incomparable soupe de Hanoï, généralement préparée à base de bouillon de bœuf et de nouilles, mais on en trouve de plus en plus souvent au poulet. Comme le disait un copain vietnamien, il faut savoir distinguer le vrai du phò, en forçant son accent français, car en vérité, cela se prononce comme un "feu" feulé, un peu comme si vous aviez un feuveu sur la soupe et la langue réunies, ou une cuillerée de bouillon brûlant dans la bouche, genre "f'est faud".

Cette prononciation en « feu » permet à plusieurs, dont moi pendant longtemps, de soutenir que c’est encore un héritage de la présence française au Tonkin, qui entre autres turpitudes, aurait laissé la recette du pot-au-feu. J’ai lu depuis que cette étymologie n’a rien de certain, et qu’il faudrait chercher ailleurs, même si l’habitude de manger du bœuf n’était que peu répandue avant l’arrivée des français.

Il semble en effet que la soupe phò ne soit apparue qu’au début du XXème S. et que le mot désignait auparavant un plat de nouilles sans bouillon (phò kho ou phò xao), rien à voir avec le pot-au-feu. On dit aussi que c’est un dérivé du chinois "ho fen", qui désigne les nouilles de riz et la soupe du Guandong qui en comporte, ainsi que quelques ingrédients communs.

phnompenh91
Excellent phò dégusté l'an dernier à Phnom Penh

En 1902, mon arrière-grand-père trainait déjà ses avirons (comme de longues ailesau Tonkin ; je ne l’ai jamais connu et je ne sais pas s’il y est pour quelque chose dans l'introduction du pot-au-feu (son truc, c'était plus l'eau de phò j'imagine), mais son fils, mon grand-père paternel donc, réalisait un fameux bouillon pour la version bretonne et enrichie de céréales du pot-au-feu, le kig-ha-farz. Enfant, j'adorais me tenir auprès de lui dans la cuisine, le samedi lorsqu'il préparait ce plat pour toute la famille, les femmes de marin ont cette chance que le plus souvent, leurs hommes savent se débrouiller en cuisine. 

Je le revois encore, écumant le liquide tempétueux de son énorme faitout, me narrant au travers de l’odorante vapeur ses souvenirs de Madagascar, Shanghaï, Papeete, Dakar, Saïgon, Pondichéry, Lannilis, et d'autres lieux que la mer découvre à marée basse, où il traquait inlassablement la crevette rose et les ennemis de la Patrie.

Il est mort en pleine pêche à la crevette, d'un coup de bambou ou de coaltar, on n'a jamais su, et c'est ma grand-mère maternelle qui a pris la suite du kig-ha-farz du samedi. Je me dépêchais de rentrer de l'école pour la rejoindre à ses fourneaux, où si je n'y apprenais plus à manœuvrer une jonque ou à couler le rafiot d'un indésirable, j'en ai toutefois gardé la science du nœud précis pour lier le bouquet garni, et pour assurer la délicate fermeture du sac à farz, ce qui me sert encore lorsque que je dois garer mon cargo.

Ou pour faire le kig-ha-farz, car je cuisine régulièrement une synthèse élargie de ce que préparaient mes grands-parents, lesquels doivent encore se disputer quelque part dans l'éternité sur la composition idéale du farz de sarrasin ou du lipig, sur la cuisson du farz de froment, sur les légumes à inclure ou non (patate or not patate), sur les morceaux de bœuf à choisir pour obtenir un fameux bouillon, qui ne soient pas trop gras et quand même plaisants à retrouver dans l'assiette.

Kig_ha_farz
Dommage pour vous, c'est un blog de cuisine de mer ici

Pour en revenir à notre propos de départ, attention aux faux amis quand on recherche l’origine du phò, pas de faux pas, n’allons pas déclarer une nouvelle guerre du phò, on s’est déjà fait rosser une fois à Den Bien Phò. Pour en savoir plus, je vous invite à consulter le billet très complet de Miss Tam ici. Par contre, elle ne met pas de tendon de bœuf dans son bouillon de phò, je sais bien qu’on n’en trouve pas partout, mais pour moi, c’est presque aussi rédhibitoire que du beurre sans sel ou que la Bretagne sans Nantes.  

L'une des caractéristiques d'un bon phò au bœuf, est que des lamelles de viande crue cuisent dans le bouillon brûlant versé dans le bol. C'est sur cette idée qu'est née cette recette fin octobre en Bretagne, en cette période où les premières coquilles de la Rade de Brest sortaient de l'eau, à un prix encore décent. J'avais fait un pot au feu (pas un kig-ha-farz) pour réconforter ma petite famille subissant l'assaut du suroît dans notre vieille maison pas forcément bien étanche, et je me retrouvais à la tête d'un important patrimoine sous forme de bouillon délicieux, dont je décidais de soustraire une partie pour une recette un peu plus élaborée que le pochage de vermicelles, même si cette version reste un must. 

Bouillon de bœuf et coquille Saint-Jacques

Ingrédients 

- bouillon de bœuf
- gingembre
- anis étoilé
- cardamome noire
- clou de girofle
- cannelle
- graines de coriandre
- oignon
- filet de bœuf, rumsteck ou autre morceau tendre. 
- coquilles Saint-Jacques
- poivre noir
- coriandre fraîche

Pour quatre grands  bols, vous prévoirez un litre et demi de bouillon, huit ou douze coquilles selon leur format, et quatre cent grammes de viande.

J’ai donc utilisé un bouillon de pot-au-feu maison pour réaliser ce plat, mais vous pouvez tricher pour simplifier. Par exemple en vous procurant un bouillon de bœuf du commerce, de qualité, je n’ai pas encore goûté celui de la marque Ariaké, mais ceux au coquillage et à la volaille sont corrects, sans égaler la qualité maison.

Vous pouvez également vous procurer un mélange d’épices pour phò que vous ajouterez à votre bouillon. Le plus recommandable est à ma connaissance est concocté par le breton Didier Corlou, cuisinier et restaurateur à Hanoï, et l’un des maîtres incontestés des épices et du phò, mais il n'est pas facile à trouver en France. 

Il ne s’agit pas non plus de préparer un véritable bouillon pour phò, celui-ci serait trop relevé en épices pour la délicatesse des coquilles Saint-Jacques. Prenez en particulier garde à l'anis étoilé et à la cannelle, leur excès serait ravageur. 

Recette

Mettez le bouillon de bœuf dans une casserole, avec une gousse de cardamome noire écrasée, une cuiller à café de grains de coriandre, un anis étoilé, un centimètre de bâton de cannelle et trois clous de girofle. Ajoutez une noix de gingembre frais en tranche et un demi oignon que vous aurez d'abord fait griller au four ou sur une plaque, sans le noircir. Portez à ébullition et laisser mijoter à feu doux pendant une dizaine de minutes.

Pendant ce temps, préparez les coquilles, ne conservez que la noix que vous coupez en deux dans l’épaisseur. Dégraissez la viande bœuf si il y a lieu, et coupez la en tranches fines (pas trop, ce n’est pas un carpaccio). Filtrez le bouillon une fois tiédi. Vérifiez si il est assez salé, au besoin, ajoutez du nuoc-mam si vous voulez forcer le trait vietnamien, ou simplement du sel. Dans les bols, disposez trois lamelles de viande et quatre demi-coquilles, et donnez-y un généreux tour de moulin à poivre noir.

bouillonCSJ

Réchauffez le bouillon au moment du service. Versez-le brûlant dans les bols, et dégustez sans attendre. Vous pouvez ajouter quelques peluches de coriandre, mais plus pour l’esprit et la couleur que pour la saveur. N’en cherchez pas partout si vous n’en avez pas sous la main, ne mettez rien ou remplacez par une touche de ciboulette ou de persil.

D'accord avec vous, la photo n'est pas terrible, mais dans ma vieille maison, on s'éclaire uniquement à la lueur de nos esprits. Certes aussi, ça aurait été plus classe si j'avais clarifié le bouillon. 

phoquille

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