750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Cuisine de la mer
Cuisine de la mer
Newsletter
Archives
29 juin 2014

Thon rouge à la plancha, condiment au tamarin et à l'anchois

Oui, du thon rouge vif. Et même du thon rouge du nord, celui-là pêché en Méditerranée, comme son nom ne l'indique pas, mais c'est une seule espèce (thunnus thynnus) dite aussi thon de l'Atlantique. Ce n'est que la seconde fois que cette espèce de thon figure sur CdM, parce comme tous les gens sensés, j'ai évité d'en acheter durant ces presque huit années passées à raconter des conneries pisciformes sur ce blog.  

Nouvelles thonneries

Je privilégiais le thunnus orientalis, ou thon rouge du Pacifique (sans en être plus fier pour autant, car c'est également une ressource qui a été fragilisée), ou d'autres thonidés moins menacés, comme l'albacore , le germon ou les bonites, en évitant soigneusement le thon rouge du sud (thunnus maccoyi), lequel a été copieusement massacré par les pêcheries japonaises, coréennes, australiennes, philippines, néo-zélandaises, taïwanaises, pour ne citer que les principaux joueurs. 

La plupart de ces pays adhèrent désormais à la CCSBT (Commission for the Conservation of Southern Bluefin Tuna), dont le siège est à Canberra, et qui a pour mission de sauvegarder cette espèce, avec l'arsenal habituel des périodes et quotas de pêche, et les contrôles qui vont avec.

Nous autres au nord, avons la CICTA (Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l'Atlantique), qui a imposé une série de mesures drastiques aux flottilles, ce qui a donné lieu à d'épiques moments, entre le blocage de ports par les pêcheurs comme ici à Marseille en 2008 et quelques actions spectaculaires de Greenpeace ou autres, comme ici en 2010.

Même si je ne partage pas toutes les analyses de Greenpeace, et encore moins certaines de leurs méthodes, il faut attribuer à ces organisations militantes le mérite d'avoir alerté l'opinion publique, au point que beaucoup de chaînes de grande distribution ont cessé de proposer du thon rouge sur leurs étals, et que la mer est devenue un enjeu politique enfin pris au sérieux. 

La pression sur l'espèce a donc énormément baissé depuis 2007, même si certains chiffres sont un trompe-l'oeil : Lorsqu'on dit comme dans l'article en lien ci-dessus que le nombre de thonier-senneurs en France a diminué depuis 2008, à 17 navires aujourd'hui contre 32 à l'époque, ça ne signifie pas que près de la moitié des unités a cessé de pêcher, nombre d'entre-eux travaillent aujourd'hui sous des pavillons de pays où les contrôles sont moins bien organisés, je pense par exemple à la Lybie, et à quelques autres États plutôt désorganisés depuis les graves évènements qui y sont survenus. 

le thon monte

Toujours est-il que la campagne de pêche à la senne 2014, qui dure un mois et a été clôturée ce 26 juin, s'est déroulée dans des conditions qui apportent beaucoup d'optimisme. La population de thons rouges en Méditerranée se porte bien mieux, selon les observations de l'Ifremer, qui a noté par exemple la présence de trois fois plus bancs de jeunes thons qu'en 2010.

Même Greenpeace  partage ce constat, l'un des responsables "Océans" reconnaissant que "la tendance au déclin s'est ralentie, voire inversée (on pourrait croire à un commentaire présidentiel sur la courbe du chômage en France, mais non), tout en ajoutant que cette amélioration est trop récente pour qu'on en tire des conclusions trop hâtives.

En effet, il ne faut pas baisser la garde, et continuer à encadrer cette pêche. Aujourd'hui, la plupart des pêcheurs ont bien compris l'enjeu, notamment parce que leur survie économique est moins menacée, ils pêchent leurs quotas en un temps record, et en raison de ces mêmes quotas, ils vendent leurs poissons à des niveau de prix très élevés. Ce n'est sans doute pas une très bonne affaire pour nous-autres consommateurs, mais au moins, on retrouve l'espoir que nos enfants puissent manger du thon rouge, et leurs enfants après eux. 

Du coup, j'en ai acheté, mais sans dessein de me livrer à une consommation effrénée, une bonne nouvelle ne fait pas le printhon. 

D'autres méchants 

La Méditerranée, c'est tout petit, vue de Bretagne, elle ressemble plus à un petit lac à canotage qu'à une véritable mer, d'ailleurs, il n'y a même pas de marée, c'est dire qu'on n'a vraiment pas grand chose à y faire quand on est fantassin... Tout petit, et donc relativement facile à surveiller, il n'y a pas de distance improbable empêchant le contrôle des navires. Encore que la distance ne soit pas vraiment une excuse suffisante, après tout la France parvient assez bien à contrôler ses flottilles de pêche à la légine jusqu'aux Kerguelen

Le pire, c'est la pêche illégale, un véritable braconnage, et le pillage des côtes des états les plus vulnérables, en particulier en Afrique où une importante population littorale dépend de cette activité, restée à un niveau artisanal, une économie de subsistance qui n'en peut plus de voir ses ressources écumées par des usines flottantes étrangère travaillant à quelques encablures de la côte, sans aucune contrepartie. Première bonne nouvelle, les états africains s'organisent pour dénoncer des accords de pêche déséquilibrés avec les pays tiers, renforcent leurs législations, et n'hésitent plus à frapper les contrevenants, comme ici au Sénégal

Les grandes puissances donnent aussi de la voix, et des projets d'espaces marins protégés sont en bonne voie d'aboutir. Ainsi tandis que le Parlement européen a voté en mars dernier la création d'un espace "Sanctuaire Arctique" autour du pôle nord (et ne croyez pas que ça ne serve à rien, on pêche beaucoup là-haut, en particulier des sébastes à surimi), les États-Unis envisagent d'en faire de même dans une vaste partie du Pacifique, on parle de deux millions de km², ce qui ajouté aux engagements d'autres pays, porte la surface de ce futur sanctuaire où toute pêche industrielle ou exploitation minière seront proscrites, à près de trois millions de km².

La limite de l'exercice est que les états ne peuvent légiférer que pour leurs eaux territoriales, ou leur Zone Économique Exclusive ; la haute mer reste encore une zone de non-droit. Un espace de liberté, le dernier me direz-vous, mais surtout une jungle où tous les coups sont permis. Pour la première fois, un rapport très complet vient de paraître, prônant enfin une réglementation des activités qui s'y exercent en dehors de tout cadre, et qui bien entendu sont loin d'être vertueuses pour l'environnement. 

L'article de presse du 24 juin qui en cause résume très bien les enjeux, et cite cette phrase que je trouve très bien, il est en effet grand temps de traiter les problèmes marins avec sérieux et conviction : "Ramener au cœur du débat politique la question jusqu'ici peu débattue de l'avenir de la haute mer et de la valeur de cette immense portion de la planète". 

Petite satisfaction personnelle

Rapprochons-nous de nos assiettes, avec cette enquête d'une association française qui s'est penchée sur la composition des préparations industrielles à base de produits de la mer qu'on trouve sur les rayons des supermarchés, nuggets ou croquettes, panés divers, rillettes de la mer et autres horreurs dont bien entendu l'horrible surimi. 

Cela fait des années que je vous en cause dans l'écran (ici mon premier post sur le sujet en 2006), surimi et compagnie sont de véritables tromperies, quant à la qualité et surtout quant à la quantité de poisson contenue. Sans compter ce qui ne devrait pas s'y trouver, entre autres bien plus chimiques, le gras et le sucre qui sont tellement plus à leur avantage dans un gâteau à la crème. 

Fabriquez et mangez ces arnaques industrielles si cela vous chante et ne vous effraie pas, mais évitez d'y mêler des créatures sauvages par ailleurs menacées (ou des espèces d'élevage nourries par plusieurs fois leur poids en espèces sauvages, ce qui est pire). Lisez une synthèse de cette enquête ici, ou accédez directement au site de l'association Consommation Logement et Cadre de Vie où elle est publiée. 

Fin de cette longue introduction consacrée à l'actualité, mais il y a longtemps que je ne vous avais pas fait le coup, en fait, je fais paraître ces informations au fil de l'eau sur la page Facebook de CdM, désolé de la redite pour ceux qui me font le plaisir de suivre cette page, et que je remercie de leur fidèle présence.

Oui mais, pourquoi du thon aujourd'hui ?

Je ne sais pas si je vous ai déjà parlé de Camille Oger ? Cette fille écrit et photographie comme j'aimerais savoir le faire, à la fois sérieusement et gaiement, et sur des sujets qui parviennent toujours à m'intéresser (sauf sa recette de serpent de mer d'Ishigaki, je hais les serpents, même les marins), puisque son blog est un blog d'ethno-gastronomie, on y parle donc de nourriture comme son nom l'indique : Le Manger

Lorsqu'elle n'est pas en Asie ou ailleurs pour ses missions et reportages, elle bosse du côté de Nice, d'où elle m'envoie des fleurs d'oranger et des agrumes étranges de son jardin. Bref, nous sommes devenus de vrais potes, et lorsqu'elle passe à Paris pour signer des contrats qui un jour seront mirifiques, on se débrouille pour se croiser autour d'une table,  parce qu'en plus, elle aime bien manger.

Lors de son dernier séjour à Paris, elle a réussi à m'étonner sur un nouveau terrain, en me faisant découvrir pas moins de trois restaurants, moi à qui on demande toujours les bons plans du moment. Car je vais souvent au restaurant, soit pour des raisons professionnelles, soit pour le plaisir, mais dans ce second cas, je choisis généralement des cantines où la table est ethnique et authentique, vous connaissez ma passion pour les cuisines asiatiques, entre autres. 

Je suis toujours au courant par la rumeur de l'émergence du nouveau bistronome qui va nous servir quelques bribes de cuisine colorées et fleuries dans un décor d'atelier faussement usé. Ce que font ces jeunes cuisiniers pour néo-hipsters est généralement très bon, mais pour le prix d'un repas chez eux, je peux me payer un chinois, plus un thaï, plus un vietnamien, plus un laotien et parfois un thaï en prime. 

Camille, qui n'est pas parisienne pour deux sous (c'est sans doute ça qui me repose bien chez elle), s'est débrouillée pour repérer une merveille de restaurant dont le cuisinier est philippin, une belle salle claire et nette ouverte dans le très conservateur XVIIème arrondissement de Paris, seulement depuis avril dernier. J'y suis retourné deux fois ensuite, dont une  en famille, et j'ai adoré à chaque fois, de même qu'ont aimé toutes les personnes que j'y ai "envoyées".  Il s'agit du Dix-Huit, au 18 de la rue Bayen (on sent qu'ils ont bossé pour en trouver le nom), le mieux est que vous lisiez le billet de Camille, elle a parfaitement décrypté le lieu et la cuisine du jeune chef, Aaron Isip. 

Les deux autres tables ce fut pour l'une un chinois, où je n'ai pas vraiment accroché, mais pour l'autre, ce fut un improbable comptoir tenu par un coréen qui ne sert que des raviolis (mandou) et des tartares préparés en direct live sou vos yeux, absolument brillants de simplicité. Camille a aussi écrit un joli papier sur cet endroit, le Mandoobar, c'est un endroit où on mange aussi avec son cerveau. 

Je vous raconte tout ça parce que Camille m'a implacablement ferré en me parlant d'un plat de bonite à la carte (qui change tout le temps néanmoins), avec un condiment au tamarin et à l'anchois, deux des passions de ma vie. Effectivement, quand ce plat nous fut servi, c'était un ravissement, et je me décidai à bricoler une assiette qui s'en inspire, d'où ce thon rouge. Les photos et la description de l'original sont sur Le Manger, je suis loin du compte, mais j'ai quand même cuisiné un truc simple et bon, que vous pouvez tenter les yeux fermés. En même temps, si je cuisinais comme Aaron Isip, vous seriez tout le temps fourrés chez moi, pas certain que ça m'arrange. 

Thon rouge à la plancha, sauce au tamarin et à l'anchois

Ingrédients

- pavés de thon rouge
- pâte de tamarin
- anchois au sel
- beurre
- asperges des bois
- pois gourmands
- radis roses.

La pulpe de tamarin se vend dans à peu près tous les magasins exotiques, c'est en effet devenu un condiment très universel.

Dans les épiceries asiatiques, elle se présente en flacon prête à l'emploi ou sous forme de paquets plats dans lesquels le fruit est compressé : c'est la qualité que je préfère, il n'y a pas de dilution (préférez la qualité sans noyau). Je vous en ai longuement parlé dans ce billet, qui contient également une vidéo énergique illustrant la façon de procéder. Vous pouvez aussi comme dans la vidéo, utiliser du tamarin séché, mais vous obtiendrez également un résultat bien plus liquide, moins intéressant pour une sauce nappante comme celle souhaitée ici. 

Les trois légumes cités à la fin de la liste des ingrédients sont ceux que j'ai utilisé pour ma garniture, mais agissez en fonction de vos goûts et de la saison. 

Recette

Faites tremper la pâte de tamarin dans de l'eau chaude, juste à la recouvrir. Patientez une heure ou deux puis "patouillez" allègrement de vos doigts propres pour bien dissoudre la pulpe et la séparer des morceaux coriaces. Passez à travers une passoire fine. Voici la consistance que vous devez obtenir, en moins flou, désolé... 

tamarin

Rincez soigneusement les filets d'anchois au sel, et laissez-les dessaler une demie heure à l'eau fraîche, puis passez-les au mortier ou mixez-les pour les réduire en purée. Certes, il existe des purées d'anchois dans le commerce, mais je n'en ai jamais trouvé de vraiment comestible. 

Dans une petite casserole, mélangez 2/3 de pulpe de tamarin à 1/3 de purée d'anchois, et réservez. 

Préparez votre garniture. Au Dix-Huit, comme vous pouvez le voir sur la photo de Camille, la garniture était à base de pak-choï, qu'on trouve désormais assez facilement, sauf ce jour-là sur mon marché. Je me suis rabattu sur des asperges des bois, dont c'est la fin de la saison ; par ailleurs, je voulais comparer leur saveur avec celles des sauvages que m'avait fait parvenir Linda Louis de Cuisine Campagne, que je vous ai cuisiné dans le billet précédent. Evidemment, les sauvages sont incomparables, mais faute de grives...

J'ai blanchi les pois gourmands 20 secondes, à l'eau bouillante salée, au bout de 10 secondes, j'ai ajouté les asperges des bois, puis j'ai arrêté la cuisson dans de l'eau glacée. Coupez les radis en rondelles fines mais pas trop. 

Peu avant de servir, faites chauffer fortement la plancha. Huilez très légèrement les pavés de thon rouge, que vous aurez auparavant lavés et séchés. Faites cuire le poisson très rapidement sur ses deux faces.

Simultanément, faites légèrement colorer les rondelles de radis dans un peu de beurre, et ajoutez les asperges des bois et les pois gourmand juste pour les réchauffer. Mettez une noix de beurre dans la casserole contenant la pulpe de tamarin et la purée d'anchois, et réchauffez en fouettant énergiquement pour obtenir une belle émulsion. Dressez en répartissant la sauce, beaucoup sur le poisson, un peu sur la garniture.

Tamathon 

C'était très bon, même si j'aurais préféré des pavés plus épais, qui m'auraient autorisé une cuisson quasi crue à cœur comme je l'aime pour le thon. Ca n'avait évidemment qu'un vague cousinage avec ce que j'ai mangé au restaurant, même si l'accord thon-anchois-tamarin était  bien rendu. En en parlant avec Camille Oger, je me suis rendu compte que j'avais zappé les câpres dans cette recette, et probablement quelques ingrédients donnant un peu de texture à la sauce.

Je publie néanmoins cette recette telle qu'elle, d'une part parce qu'elle est ainsi bonne et facile à réaliser, et d'autre part, parce que Camille m'a mis la pression en annonçant sa publication dans son billet. Par ailleurs, je ne vais pas me mettre à  cuisiner du thon rouge à haute fréquence, même si le stock permet à nouveau d'en manger en saison, ça reste quand même un gros poisson gras, et à ce titre, sa chair est chargée en métaux lourds et autres polluants. 

Je retournerai dans ce restau un jour où ce plat sera de nouveau à la carte, et je referai cette recette en essayant d'être plus fidèle à l'original, je reviendrai vous en causer ici quand ça arrivera. Ca va comme ça ? 

Tamathon1

*****

Rejoignez CdM sur Facebook (clic & like)

*****

Publicité
Commentaires
Publicité