750 grammes
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Cuisine de la mer
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21 janvier 2019

Carpaccio de poulpe, grenade, harissa, citron et coriandre

Encore du poulpe, cela fait deux fois au cours du même mois, mais j'y ai trois bonnes raisons, la première étant que j'ai acheté un gros poulpe début décembre, que j'ai nettoyé et portionné en quatre paquets pour le congeler, parce que je n'ai pas huit appétits en dépit d'une rumeur calomnieuse, et que le passage au "dur" permet d'attendrir la chair de cet animal attachant. La seconde raison est que ça fait des mois que j'ai envie de m'essayer au carpaccio de poulpe, et ce coup d'essai m'a régalé au-delà de mes espérances. Enfin, après avoir posté sur mon compte perso Facebook la photo du plat, j'ai reçu un paquet de commentaires me demandant des précisions sur la technique et la recette.

C'est toujours pour moi une grande satisfaction de voir les gens s'intéresser à de la vraie nourriture, même aussi baroque et impressionnante que le poulpe, pour ceux qui ne sont pas habitués à manipuler cette viscosité tentaculaire et cramponneuse.

Ca nous change des prosélytes du "SANS", que ce soit sans sucre, sans fodmaps, sans sel, sans OGM, sans colorant, sans gluten, sans alcool, sans viande, sans lactose, sans caséine, sans résidu, sans arachide, sans nitrite, sans sésame, sans conservateur, sans conserve, sans gibier, sans gras (surtout de palme), sans cuisson et sans gêne en plus. D'accord, les gens font bien ce qu'ils veulent, mais pour autant, qu'ils ne viennent pas troubler le repas des omnivores, ou manifester de façon agressive en s'en prenant à la devanture des bouchers et des charcutiers. Je pense aux personnes qui souffrent de véritables intolérances alimentaires, ou sont contraintes à des restrictions pour des raisons médicales, eux aimeraient bien manger "AVEC", sans oublier le petit milliard de personnes qui ne mange pas à sa faim. 

mucus
On ne plaisante pas avec le mucus !

S'il est logique de lier la santé et la nutrition, toutes ces restrictions auto-imposées me font penser que le rapport à ma nourriture n'est pas des plus faciles pour de plus en plus de personnes, probablement un signe de l'abondance de notre époque, qui offre beaucoup de choix de denrées. On va vers une recherche de perfection, voire de pureté, le tout en pleine introversion physiologique. Moi et mon caca... bio et con à la fois. 

L'industrie agro-alimentaire s'est bien entendu engouffrée dans cette pratique ; il reste toujours aussi compliqué de lire les petits caractères informant de la composition d'un produit, autant en raison de la casse que de la dénomination des ingrédients, par contre il est facile de savoir ce que le produit ne contient pas, car cela figure de façon tapageuse sur l'emballage. On est passé de l'aliment "light" à l'aliment "vide", sans déconner...

sans-gluten-lactose
Crédit photo

Profitons de notre liberté, de bonnes âmes vont bientôt nous contraindre au meilleur des mondes. L'une des millions "d'études" qui paraissent chaque jour vient de déterminer quelle serait le régime idéal pour à la fois sauver la planète et notre santé menacées. Il s'agit du "Planetary Health", dont l'idée générale est de "produire et manger deux fois moins de sucre et de viande rouge, et deux fois plus de légumes, fruits et noix".  Ces gens ne savent donc pas que les américains sont sur le point de commercialiser de la viande produite en laboratoire... toujours dans le but de préserver la planète, pourtant je me demande pourquoi sauver un monde qui abrite autant de fâcheux.

Si vous voulez aller jusqu'au bout de cette logique malthusienne, vous pouvez aussi vous nourrir de poudre. Je ne parle pas des poudres de perlimpinpin destinées à maigrir ou à renforcer sa musculation, mais de ce qui est présenté comme un repas complet, appuyé par un grand chef bi-étoilé, reconnaissable à sa perruque en peau de fesse.

Marx

Vous pouvez penser que je suis bien irrespectueux envers cette figure de Monsieur Propre médiatique, mais non seulement ce que vous pensez m'est bien égal, mais surtout, c'est lui qui a commencé. Lors d'une émission de Julie Andrieu où j'étais invité pour parler du bar (le poisson, pas le rade), j'ai offert à ce monsieur  dont le discours sur la pêche m'avait plu, mon livre sur la pêche à pied  (je vous ai mis le lien, mais ne vous enflammez pas, il est épuisé, il sera réédité lorsque vous retournerez à la plage au printemps), dûment dédicacé et accompagné de ma carte de visite. Quelques semaines plus tard, l'une des amies de mon éditrice trouvait le tout, carte de visite comprise, en vente chez un bouquiniste des bords de Seine... 

Donc, on vous vend de la poudre pour vous nourrir, en vous affirmant qu'elle est saine, équilibrée, et même bio, mais bon, elle pourrait avoir une saveur de poulpe, de langoustine ou de poutargue que je n'y plongerai pas ma cuiller, tant cela me fait penser au célèbre (et glauque) film "Soleil Vert".

Je ne nie pas pour autant les enjeux écologiques de la nourriture, et spécialement des produits de la mer, leur élevage est des plus destructeurs, puisque 20% du tonnage pêché en mer est transformé en farines et granulés pour les piscicultures d'eau douce ou salée. Cela-dit, j'en ai plus que marre des injonctions à me nourrir de telle ou telle façon, ou de faire mes courses dans tel ou tel endroit qui a l'onction de quelques Parfaits, comme on disait chez les Cathares. En ces domaines, ce qui me commande, c'est l'appétit, et donc l'envie. Mon truc, c'est de goûter au maximum de choses, et de me les approprier au point de les cuisiner, si je les apprécie.

On ne me connaît qu'une intolérance au surimi, mais il paraît qu'elle est surtout d'ordre psychologique. Le poulpe par contre, je pourrais m'en coiffer comme Pierre Desproges, mais je préfère le mettre dans mon assiette, même si je pourrais en manger sur la tête d'un pouilleux.

La ressource en poulpes est plus ou moins bien gérée. En Atlantique et en Manche, les tailles de capture sont réglementées (750 grammes minimum), et l'amélioration générale de  la qualité des eaux, voire leur réchauffement, a favorisé un repeuplement. En Méditerranée, la situation est contrastée, l'espèce est désormais considérée comme surexploitée, même si en l'absence de maille minimum, les périodes et les lieux de pêche sont réglementés, et de façon de plus en plus restrictive ; par exemple dans le Parc des Calanques, l'interdiction est désormais étendue à la pêche depuis un bateau ou du bord, alors qu'elle ne concernait que la plongée jusqu'à l'an dernier. Ce n'est qu'une illustration non seulement d'une surpêche (le poulpe est très à la mode), mais aussi et surtout d'un appauvrissement général des ressources halieutiques en Méditerranée, à commencer par le plancton, qui est le creuset de toute vie marine. 

Comme dans bien des domaines, la spéculation a frappé. Considérant la baisse en tonnage des captures, et donc logiquement la perspective d'une hausse des cours, certains ont cru malin de stocker des milliers de tonnes de poulpe congelés (y compris parfois des poulpes de braconnage), pour les vendre à meilleur prix. Après une hausse sur la première partie de l'année 2018, les cours sont revenus aux niveaux de 2017, si bien qu'aujourd'hui ces petits malins se trouvent avec des stocks qu'ils devront vendre à perte si les cours ne remontent pas. Si bien qu'ils sont devenus encore plus virulents que les écologistes pour réclamer un allongement de la durée de repos biologique, en espérant qu'une nouvelle réduction des prises favoriserait une hausse des prix. Consultez par exemple cet article de la presse marocaine pour en savoir plus.

Ces choses étant dites et déplorées, achetez comme moi du poulpe frais autant que possible, et procédez vous-même à la congélation pour en attendrir la chair.

Carpaccio de poulpe, grenade, harissa, citron et coriandre

Ingrédients

- 2 kg de tentacules de poulpe
- deux verres de vin blanc
- 2 oignons
- feuilles de laurier
- huile d'olive
- harissa
- graines de grenade fraîche
- coriandre en feuille
- poivre blanc de Muntok
- citron jaune non traité

Recette

Nettoyez le poulpe, et congelez les tentacules pendant au moins 48 heures. On n'utilise pas la tête, ou capuchon, pour cette recette. Laissez décongeler doucement au frigo.

Préparez un court bouillon avec l'oignon, le vin blanc et le laurier. Quand il est à ébullition, trempez-y le poulpe, puis soulevez-le hors de l'eau au bout de dix secondes. Renouvelez cette opération encore deux fois, les tentacules doivent alors être bien bouclées. Ce triple choc thermique va également participer de la qualité de la chair. Laissez cuire à feu doux une vingtaine de minutes, salez au bout de 10 minutes de cuisson. A ce stade, le poulpe peut être cuit, vérifier de la pointe d'un couteau. Celle-ci doit pénétrer dans la chair, mais on doit sentir encore un peu de résistance : Il ne faut pas sur-cuire sous peine d'obtenir un carpaccio sans tenue ni mâche. 

Munissez-vous d'une bouteille d'eau minérale en PVC, au fond assez plat et aux parois droites et peu gaufrées. Coupez le haut et percez quelques trous dans le fond. Enlevez les plus grosses peaux du poulpe (utiliser un chiffon pour ne pas vous brûler), et tassez à chaud les tentacules dans la bouteille, en les enroulant de façon à ce qu'ils soient le plus horizontaux possible. Utilisez des élastiques et un ramequin (ou une soucoupe) de façon à faire une presse pour bien tasser la chair. Travaillez dans une assiette creuse, car de l'eau va s'échapper par les trous au fond de la bouteille, prévus à cet effet. Réservez vingt-quatre heures au froid, toujours posé sur une assiette.

Au bout de ce délai, démoulez le poulpe en coupant la bouteille avec des ciseaux, et débitez-le en tranches fines. J'utilise une machine à trancher le jambon, je règle l'écartement sur 0,8 mm. Vous pouvez utiliser un couteau à défaut, il faut que ce soit fin, mais pas diaphane.

Disposez votre carpaccio dans une assiette ou un plat, et arrosez-le d'huile d'olive, dans laquelle vous avez dilué un peu de harissa, la saveur de ce condiment doit rester discrète. Ajoutez des feuilles de coriandre ciselées et des grains de grenade. Assaisonnez de poivre, zeste de citron jaune, et éventuellement d'un peu de sel. 

CarpaccioPoulpe1

On peut penser qu'il y a beaucoup de coriandre, mais déjà que celle qu'on trouve en France est peu parfumée, c'est pire en hiver, un vrai désastre, on dirait de la coriandre sans coriandre... par contre la grenade est au top en cette saison, c'est l'un de mes fruits préférés, il apporte beaucoup de fraîcheur à ce plat.

CarpaccioPoulpe2

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Commentaires
J
Bonjour Sieur Cadour, heureux de vous retrouver après cette trop longue absence, à mon goût. Originaire de Paimpol je n'ai pu déguster du poulpe local pendant ma jeunesse...bien que ma mère allait en chercher sous les cailloux pendant la sienne, de jeunesse. En effet, ce céphalopode était très présent sur nos côtes jusque dans les sixties, tellement présent qu'il empêchait le plein développement de la coquille Saint Jacques, dont il était le premier prédateur. Jusqu'à cet hiver 1962, tellement glacial qu'il décimât toute la poulpulation du céphalopode, laissant place aux velléités reproductrices du coquillage jusque là victime. Les coquillers Briochains devraient organiser une procession commémorative à cet hiver 62...Cependant le poulpe revient depuis quelques années, avec peut être pour allié Le Réchauffement Climatique...?<br /> <br /> Poissonnier puis mareyeur de profession j'ai l'occasion de glaner quelques trucs de ménagères et de professionnels au fil mes expériences. Une petite chose concernant la cuisson du poulpe : on peut mettre 2 ou 3 bouchons en liège dans le bouillon pour attendrir sa chair. Le liège "contient une enzyme protéolytique qui brise les liaisons peptidiques des protéines" dirait un scientifique. J'ai essayé et je peux dire dans ma langue que ça "attendri, gast !". J'ai bien l'intention d'essayer la technique sur des bulots...par exemple. J'ai des vues sur quelques bouteilles de Chardonnay....qui ne demandent qu'à être débouchées...<br /> <br /> A bientôt !
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