Tartare de tacaud, kiwi, tonka et agrumes
"Les airelles sont des fruits très délicats
qui poussent sous les sapins, sur la mousse,
c’est très fin comme goût,
c’est d’un bleu foncé très pur et d’un goût subtil…
Vous, vous ne pouvez pas en manger à Paris
parce que ça ne supporte pas le voyage
alors c’est bon pour les cantonniers…
Heureux"
On pourrait à propos du tacaud, reprendre à notre compte cet extrait d'un des plus célèbres sketches de l'excellent Fernand Raynaud, ce poisson doit être vidé à peine sorti de l'eau, et mangé dans les heures qui suivent sa pêche, car il s'abime très vite et ne supporte pas bien le transport. Aux viviers où je me rends habituellement lorsque j'ai envie de poisson joli et pas trop cher, ils les mettent en filet une fois reçus de la pêche de la nuit, c'est la meilleure façon de les préparer, car leurs arêtes découragent un peu ceux qui ont la langue gourde.
Pour autant, on peut le consommer entier, de préférence s'il est assez gros pour être passé au four, comme ici. Lorsqu'on le sort de l'eau, il arbore une livrée rayée, qui disparait rapidement à l'air. Il ressemble alors à un merlan trapu, mais la présence d'un barbillon sous la lèvre inférieure permet de les distinguer aisément.
La ressemblance avec les merlans n'est absolument pas fortuite, les deux poisson appartiennent à la grand famille des gadidés, comme la morue, le lieu et tant d'autres rois du gad'. Il se pêche généralement aux mêmes endroits que le bar ou le lieu jaune, et en cela il énerve les pêcheurs qui ciblent ces deux espèces. C'est pourtant un poisson sympa à pêcher, idéal pour des gamins s'initiant aux captures à la ligne. Par ailleurs, nul besoin de permis pour taquiner le tacaud, contrairement à la conduite des tacots.
Dans l'aber au bord duquel j'ai grandi, il y avait un coin, nommé la "Roche à tacauds", où j'en ai pris quelques-uns, plus quelques maquereaux et dorades sucidiaires. Le caillou existe toujours, mais vous me connaissez, je me ferais couper en morceau plutôt que d'avouer où il se trouve. Par ailleurs, ça fait bien longtemps que je n'y ai pas trempé une gravette (la meilleure esche fraîche pour la pêche en aber) : si ça se trouve, on n'y attrape désormais que des désillusions...
Tartare de tacaud, kiwi, tonka et agrumes
Ingrédients
- 500 g de filets de tacaud sans la peau
- 2 ou 3 kiwis, selon leur grosseur
- mélisse
- fève tonka
- 1 citron vert
- 1 mandarine
- huile d’olive
- vinaigre à l’échalote
- poivre blanc de Muntok
- sel
Faute de tacaud, on mange non des tacos, mais un autre poisson blanc. Le merlan est le candidat idéal pour cette recette, même s'il est un peu moins fin. Vous pouvez aussi utiliser du bar, mais alors soyez très parcimonieux avec la fève tonka, ou alors remplacez-là par les grains d'une demi gousse de vanille. L'association vanille-kiwi avec le bar cru fonctionne très bien je vous l'ai déjà servie, avec des fraises en supplément, notez que leur saison approche, alors que s'estompe la saison de la mandarine. Vous pouvez remplacer cette dernière par une clémentine, mais ne me le dites pas. Pareil, il n'est pas évident que vous trouviez de la mélisse ailleurs que dans mon jardin, en ce cas le cerfeuil ferait un succédané honteux mais acceptable.
Recette
Lavez et séchez les filets de tacauds. Coupez-les en lanières puis en cubes pas trop petits, en prenant soin d'éliminer les quelques arêtes qui pourraient subsister dans la chair. Mélangez avec deux cuillers à soupe d’huile d’olive et réservez au frais.
Pelez les kiwis, conservez quatre tranches fines pour le dressage et coupez le reste en petits dés. Hachez assez finement six à huit feuilles de mélisses, débarrassées de leur nervure un peu coriace. Prélevez le zeste d’un petit citron vert, et pressez le jus d’une mandarine.
Mélangez l’ensemble de ces ingrédients au poisson quelques instants avant de servir. Râpez la moitié d’une fève tonka, ou un peu moins, ajoutez un trait de vinaigre à l’échalote (j’ai utilisé l’excellent vinaigre de pineau à l’échalote grise de la Maison Fleuriet, mais vous pouvez pratiquer votre propre macération, à partir de vinaigre de vin et d’échalote hachée, que vous filtrez). Salez et poivrez au poivre blanc de Muntok.
Dressage très printanier, au-delà des verts tendre et sombre du concombre et de la mélisse, j’ai mis du jaune avec la primevère, et bien que désespéré par l’absence inhabituelle de bourrache bleues à la saveur marine sur mes talus, je me suis consolé en constatant que mon romarin était en fleur… Soulagement de mon éditrice et du photographe de mon prochain livre (une histoire d'eaux et d'huîtres), qui, en villégiature travailleuse à la maison, m'avaient vu préparer le zinzin, et craignaient que la tonka emporte tout : en fait, il y avait un bel équilibre qui respectait la saveur du poisson, avec beaucoup de fraîcheur apportée par les agrumes et le vinaigre.
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