Poulpe grillé à la grecque
Le bonheur, c’est simple comme un céphalopode, cette famille de créatures aussi délicieuses que caoutchouteuses, si du moins on ne sait pas les cuire. Ce blog est truffé de calamars, encornets (n’allez pas me les confondre), seiches et leurs juvéniles supions, et depuis quelques mois (je devrais dire « années » vu ma fréquence prostatique de publication), de poulpes.
J’étais désespéré depuis ma tendre enfance de ne plus trouver de poulpe sur l’estran breton, ni même sur les étals de pêche locale, n’ayant pas de velléité d’aller chercher mes poissons et fruits de mer trop loin de mon clocher. L’animal autrefois fréquent, souvent abrité dans la même anfractuosité de rocher qu’un homard et/ou un congre, avait bel et bien disparu. Certains évoquaient une hécatombe causée par un hiver rigoureux (Rappelle-toi Barbara, il neigeait sans cesse sur Brest, mais si cela s’était produit aujourd’hui, les catastrophistes auraient au contraire accusé le réchauffement climatique), d’autres avançaient l’explication d’un virus qui les aurait décimé sur nos côtes, genre corona-octopus19. Bref, quand je cuisinais du poulpe, c’était lors de mes séjours parisiens, soit acheté frais au prix de la langouste chez les poissonniers (dame, la bestiole est à la mode), ou congelé chez les portugais, ou chez les asiatiques (où ils sont minuscules, mignons et insipides).
Depuis quelques années, ils sont revenus en Bretagne, encouragés par la qualité de nos eaux, à ce point que les pêcheurs de homard commencent à se plaindre d’en trouver un peu trop dans leurs casiers… on les trouve à des tarifs défiant celui du maquereau ou de la plie.
Je ne m’en plains pas pour ma part, et je me réjouis de trouver des poulpes sur les étals du marché ou des viviers où je me fournis régulièrement en poisson. La bestiole est pêchée de nuit, elle est encore rutilante, avec l’œil vif de couleur noisette, je n’ai qu’à la vider avant de la placer au congélateur pour 48 heures, afin d’attendrir la chair, procédé plus pacifique que l’ancestrale technique consistant à la battre contre un rocher. Ci-dessous l’un de ces sujets, au moment où j’hésitais entre le cuisiner ou mettre au point un numéro de ventriloquie.
J'avais envie de deux choses, d'une part de refaire un carpaccio avec les tentacules de l'animal, selon la recette que vous pourrez retrouver ici (à cela près que je n'ai pas trouvé de grenade au marché, et que j'ai utilisé de la pastèque, dont le caractère frais et juteux a bien fonctionné pour équilibrer les condiments), et aussi d'en passer quelques-uns sur la braise, selon la méthode dite à la grecque. Au final, j'ai sauvé seulement deux tentacules, bien suffisants pour cette recette.
Avant de vous la raconter, un peu de promo, vous savez que l'écriture de ce blog m'a entrainé versla rédaction d'ouvrages sur la cuisine de la mer, tous aux Editions de l'Epure, il y en a déjà trois à mon actif. Le quatrième, De rades en comptoirs, devait sortir au mois d'avril, mais il a dû être reporté pour cause de Covid, j'ai craint un instant qu'il soit reprogrammé pour l'année prochaine, mais non, il sortira le 3 juillet. Des quatre, c'est celui que j'ai pris le plus de plaisir à écrire, mélangeant récits maritimes et franche déconnade, à mon habitude. Tout cela pour introduire des recettes simples, que je qualifie de "cuisine canaille des produits de la mer", il y en a environ 150 qui nous baladent dans les ports du monde entier. Cerise sur le pompon, le premier de mes pâtés de mots, Récits et Recettes du Ressac, consacré à la pêche à pied et épuisé depuis décembre 2018, va être réédité concomitamment.
En attendant, allons nous faire voir chez les grecs...
Poulpe grillé à la grecque
Ingrédient
- tentacules de poulpe cuits
- huile d'olive
- origan
- ail
- jus de citron
- poivre blanc
- piment d'Espelette (facultatif)
Le poulpe, préalablement passé au congélateur pour l'attendrir, est cuit dans un court-bouillon aromatisé, contenant de l'eau, du sel, du vin blanc, carotte, échalote, bouquet garni contenant du fenouil en plus des quatre branchages habituels. En Grèce, cette recette est souvent réalisée à partir de poulpe tapé puis mis à sécher, ce qui était une méthode de conservation dont on a conservé la tradition à des fins folkloriques. Si vous disposez de petits gars, à peine plus grand que la main, vous pouvez pratiquer cette recette sans pré-cuisson de la bête, mais en Bretagne, il est interdit de pêcher des poulpes de moins de 750 grammes.
Recette
Préparez une marinade à base d'huile d'olive, jus de citron, ail et beaucoup d'origan. Placez-y les tentacules de poulpe précuits pendant 24 heures, en les retournant de temps en temps.
Préparez une braise et mettez le poulpe à griller, environ 10 minutes sur chaque face, assez haut au dessus du feu pour ne pas le brûler. Ci-dessous, ne croyez pas que j'ai préparé un tel foyer de l'enfer pour deux malheureux tentacules (sa mère), mais je devais aussi griller du poulet pour un yassa, selon la recette de ma fille (qui la pauvre n'a pas de cheminée dans son Québec glacial, et réalise cette recette au four).
En Grèce, on sert sauvent le poulple asaisonné d'une sauce inspirée de la marinade (huile d'olive, jus de citron, ail et origan), et en accompagnement, on sert fréquemment une purée de fèves, mais là j'avais des champignons à la grecque, ce qui tombait à pic, et j'ai complété de quelques tomates relevées d'ail, d'olives et d'anchois. Et ce fut un régal.
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