Cocos aux coques et crevettes grises
C'est une recette coquine, non pas parce qu'elle serait leste, aphrodisiaque ou suggestive, mais parce que son intitulé est une allitération, et j'adore ça les allitérations, depuis la célèbre de Racine "Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes" ou celle du père Hugo, à "L'heure tranquille où les lions vont boire". J'en ai commis une assez jolie avec le titre de mon premier bouquin, celui consacré à la pêche à pied "Récits et recettes du ressac". Là, les cocos scandent avec les coques, poursuivies par les crevettes.
Nous entrons en effet dans la pleine saison des cocos de Paimpol, ce haricot blanc vendu en frais à écosser (dit demi-sec), à priori par flemme des récoltants, qui préfèrent les vendre en gousse plutôt que de se casser la tête et le reste à les égrener pour les sécher. Contrairement ce qu'on pourrait penser, le coco se conserve moins bien dans sa gousse marbrée de violet, laquelle a tendance à accumuler de l'humidité, ce qui fait germer, voire pourrir les fèves.
En France, contrairement au Québec où les fèves au lard sont en fait des haricots, on distingue bien les fèves et les haricots, les premières sont des légumes indigènes, ce sont elles par exemples qui entraient dans la composition du cassoulet avant que les haricots ne nous arrivent d'Amérique Latine et Centrale, via l'Italie pour nous, puisque c'est Catherine de Médicis qui les a introduits en France. En Bretagne, même si le haricot était cultivé de longue date, le coco de Paimpol est d'accimatation plutôt récente, puis que c'est un marin qui en a ramené les semences d'Argentine en 1928, et les a plantées dans son jardin du Goëlo (entre Saint-Brieuc et Paimpol, en gros). Le succès fut immédiat, et sa culture se développa, à ce point qu'on raconte qu'il évita aux gens du coin de subir la disette provoquée par les privations de la Seconde Baston mondiale.
Ce délicieux légume, dont on se plait à dire qu'il révèle selon les palais une saveur de châtaigne, ou alors ce fameux petit goût de noisette (citez-moi un truc qui n'a pas un petit goût de noisette, suivant l'imagination anémiée des marketeux, moi je trouve que c'est un excellent petit haricot, point barre), bénéficie d'une AOP. Pour autant, ce n'est pas le seul bon haricot, vous pouvez pour cette recette lui substituer la délicate mogette de Vendée, voire l'italien borlotti.
Cocos aux coques et crevettes grises
Ingrédients
1 kg de cocos de Paimpol en gousse
2 feuilles de laurier
2 brins de sarriette
350 g de crevettes grises
1 kg de coques
2 brins de thym
2 petits oignon frais
huile d'olive
vinaigre de cidre
moutarde forte
feuilles de mélisse
poivre blanc de Muntok
Recette
Commencez par cuire les cocos une fois écossés, en les plongeant dans de l'eau bouillante, où vous aurez placé deux feuilles de laurier et deux brins de sarriette. Je n'ajoute pas d'autre élément aromatique, voulant préserver la délicate saveur des haricots, le laurier et la sarriette vont délicatement la rehausser, la seconde ayant aussi pour vertu de favoriser la digestion de ce légume. Ne salez qu'à mi-cuisson, afin d'éviter de durcir le tégument. Egouttez et laisez refroidir.
Si vous pêchez vous même les crevettes grises (mais on en trouve partout déjà cuites) faites-les cuire deux minutes à eau bouillante, avec une pincée de curry. Décortiquez-les. Bien entendu, vous pouvez utiliser des bouquets.
Lavez soigneusement les coques. Si vous les avez pêchées, ne négligez pas de les dessabler, en les baignant pendant une nuit dans de l'eau salée à 30 grammes par litre. Mettez un fond d'huile d'olive et deux branches de thym au fond d'une cocotte, chauffez et versez les coques, couvrez et faites-les ouvrir en remuant de temps en temps. Ne prolongez pas la cuisson. Une fois refroidies, recueillez les poissons, conservez une ou deux cuillers à soupe de leur jus.
Ciselez deux petits oignons frais (avec le vert des tiges), et une petite poignée de feuilles de mélisse.
Préparez une vinaigrette avec une noisette de moutarde forte, deux cuillers à soupe de vinaigre de cidre, trois cuillers à soupe d'huile d'olive, allongez d'un peu de jus de coques et poivrez. Mélangez tous les ingrédients, et laissez les saveurs s'osmoser une demi-heure avant de consommer, frais ou à température ambiante.
Cette recette comporte beaucoup de manipulation : écossage, décorticage, dé-coquillage, ciselage... mais ça vaut largement le coup. Le coco de Paimpol développe une belle affinité avec les produits de la mer, sa saveur discrète les met en valeur sans les écraser.
Alors pour ceux qui scruteraient la photo : vous constaterez que j'ai oublié d'incoporer l'oignon, mais soyez rassureés, je les ai rajoutés avant de passer à table.
Addendum : J'ai tellement apprécié cette recette que je l'ai refaite une semaine plus tard pour des potes, avec deux adaptations. D'une part et selon la très bonne idée d'Elisabeth Scotto, qui a tenté cette association à sa façon, j'ai fait réduire le jus de cuisson des coques pour l'ajouter à l'assaisonnement, ce qui a renforcé les saveurs iodées, et comme il me restait une belle grosse tomate, je l'ai incorporée en petits dés à cette salade, outre de la couleur, elle a apporté du fruité et de la fraicheur bienvenus.
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