Filets de hareng pomme à l'huile
Pas trop le temps, pas forcément l’envie non plus, mais j’ai la recette idéale pour ce jour, le poisson rimant avec le Premier, et l’huile avec l'Avril.
La tradition c’est la tradition, comme celle qui consiste à publier sur CdM chaque vendredi (également jour du poisson), beaucoup finissent par se perdre : ainsi on trouve facilement des clafoutis sans cerise, des tatins sans pomme, du farz avec de la levure ou de la pissaladière avec des tomates, l’insécurité guette à chaque ligne des menus… Par contre elle perdure salement, cette tradition qui consiste à choisir un jour fixe dans l'année pour galéjer, je la trouve décourageante, au même point je pense que les femmes n'apprécient pas vraiment la journée de la femme. Enfin, beaucoup de celles que je fréquente n'aiment pas l'idée... Bref, le Premier Avril, je ne raconte jamais de connerie. Exprès...
Par ailleurs, est-ce bien raisonnable de manger tant de poisson, une fois par semaine ça va bien, à condition d’éviter au maximum les espèces menacées. Deux fois par semaine, on participe à un carnage sous couvert de diététique… Il en va de même avec le poisson d’élevage, nourri avec du poisson sauvage en farine.
Je ne publie plus aussi régulièrement justement parce que je consomme de moins en moins de poisson, réservant plutôt ce bonheur aux débarquements de la petite pêche en Bretagne. Une pêche durable alors que malheureusement, la logique économique fait que ces pêcheurs là semblent non durables face à la grande pêche prédatrice.
Une fois par semaine, c’est bien assez, en diversifiant les espèces pour ne pas s’acharner toujours sur les mêmes. Vous pouvez par exemple commencer à vous en prendre aux maquereaux ou aux congres, ils sont parfaits actuellement, et cela durera jusqu’à la fin de l’été.
Le maquereau et le hareng sont des poissons gras, donc comme je l’ai plusieurs fois expliqué, plus aptes à stocker les toxines et toxiques que les poissons maigres. Cela dit, ils sont petits et de ce fait ils ne sont pas en haut de la chaîne alimentaire, comme le sont par exemple les thons, les espadons et les requins, où se concentre tout ce qui a été ingurgité par les proies successives.
Pour la première fois je crois depuis que ce blog a commencé, j’ai une nouvelle prometteuse à vous communiquer. On a enfin trouvé un "poisson", dont l’élevage en milieu naturel est possible sans prédation, car il est herbivore, il se nourrit d’algues essentiellement. Il s’agit d’une variété d’hippocampes vivant sur la côte sud de l’Australie, dit "hippocampe feuille" ou "dragon des mers", en latin "phycodurus eques", dont l’élevage a démarré là-bas de façon assez confidentielle il y plus de deux ans.
C’est Anika, une amie de mon pote éleveur d’ormeaux (qui a expérimenté cet élevage en Australie avant de l’appliquer en Bretagne) qui m’en a parlé, de passage à Paris puis Bruxelles pour traiter des autorisations d'importation, l’hippocampe étant une espèce protégée au même titre que l’éléphant, la chose est moins simple qu’il y parait!
Je n’ai bien entendu pas pu goûter puisque c’est en théorie interdit, mais croyez moi sur parole, c’est délicieux, même juste poêlé à la va-vite après décongélation, dans la cuisinette antichambre d’un bureau. La chair est étonnamment souple, un peu comme celle des jeunes calamars, et (pour une fois que je le dis sans m'en moquer) une saveur de noisette, assez fortement iodée toutefois, le régime alimentaire de la bestiole l’expliquant facilement. Je ne sais pas pourquoi, je craignais un peu une consistance un peu gélatineuse de méduse, lesquelles sont plutôt insipides.
L’animal n’est pas aussi petit que les hippocampes que les chinois croquent en les pensant aphrodisiaques. Anika a été peu prolixe sur cette vertu de son animal favori, il parait seulement qu'il se reproduit à grande vitesse lorsqu'il a de la nourriture en abondance... En revanche, elle n’a pas tari d’éloges sur ses qualités nutritives : protéines de qualité, omega-3 non toxiques, une grande partie de l'alphabet des vitamines, etc… En cuisine, il est facile à habiller, la peau est fine, il n'y a pas d'écailles et pas d'arêtes, juste une colonne vertébrale et quelques côtes d'os très blancs, un peu comme ceux d'une grenouille.
Filets de harengs pomme à huile
Nous voici bien loin des poissons d'élevage et des hippocampes exotiques, pour revenir à une recette traditionnelle que j'aime beaucoup, d'ailleurs j'adore le hareng sous toutes ses formes. Curieusement, je n'en avais jamais préparé moi-même, passant assez de temps à la table des bistrots pour satisfaire mes envies subites, il a fallu un brunch de blogueurs organisé récemment à la maison, sur le thème de la cuisine de bistrot, pour que j'expérimente.
Je me suis promené sur internet pour dénicher la bonne recette, et bien entendu j'ai tout trouvé et surtout son contraire. Laissons de côté la salade de pommes de terre aux harengs de tradition lyonnaise, à part les ingrédients, elle n'a pas grand chose avec les harengs pomme à l'huile servis en saladiers dans mes repères. De la même façon, le choix de la qualité de hareng, de l'huile, comme la durée de la macération y sont très variables.
Bref, je me suis tourné vers mon poissonnier de compétition et surtout je me suis inspiré de la table où ils sont parmi les meilleurs à mon avis (Pré-Cadet, Paris IX°) , pour en arriver à la conclusion ci-dessous...
Ingrédients
- harengs fumés
- oignons
- carottes
- huile à saveur neutre
- grains de poivre noir
- grains de coriandre
- thym
- laurier
- pommes de terre
- ciboulette
- vin blanc
Recette
Dans les recettes j'ai souvent vu utilisés des harengs "doux", lesquels sont nommés ainsi car ils sont moins salés. Le hareng traditionnel que j'achète est préparé par l'excellente maison JC David de Boulogne sur Mer. Il est bien plus savoureux et d'une texture plus moelleuse que le hareng doux. La seule différence en cuisine est qu'alors que le hareng doux se contente d'un rinçage à l'eau claire, le hareng traditionnel doit être trempé deux heures avant utilisation pour le dessaler. Je le fais dans un mélange d'eau et de lait, sans trop d'ailleurs savoir si le lait est indispensable, mais je l'ai très souvent vu faire ainsi!
Pendant que les harengs trempent, vous épluchez quelques oignons que vous coupez en rouelles. J'ai choisi de diversifier les variétés, pour la saveur autant que pour la couleur, en utilisant des oignons jaunes, rosés et rouges. Grattez et coupez en rondelles une ou deux carottes.
Lorsque les harengs sont dessalés, vous les séchez soigneusement, puis dans une jatte vous faites des couches de filets, oignons et aromates (sauf les herbes fraîches). Toujours joueur, j'ai utilisé trois poivres différents pour créer un peu de surprise (noir du Cameroun, sauvage de Madagascar, et faux poivre de Tasmanie). Vous couvrez généreusement le tout d'huile, j'utilise pour ma part un mélange d'huile de colza et de pépins de raisin. Vous laissez mariner ainsi au moins deux jours, cela se conserve une semaine.
Peu avant de servir, cuisez à la vapeur des pommes de terre (ici la variété amandine que j'aime beaucoup), et servez en parsemant les pommes de terre avec de la ciboulette fraîche. Pas de chance, mon maraîcher n'avait pas de ciboulette le matin, je me suis rabattu sur du cerfeuil, vraiment très bon.
Pour le service, vous pouvez bien entendu arroser de l'huile de marinade sans plus raffiner, mais il est meilleur et moins gras de couper cette huile pour moitié de vin blanc, ce que j'ai fait, cela se voit au fond des assiettes!
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