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Cuisine de la mer
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26 septembre 2006

Le sel : du grain à la croûte

C’est d’ailleurs un titre qui conviendrait aussi bien pour le blé.  Pas de temps à perdre, le sujet est vaste.

Considérations historiques

Le sel a très tôt marqué l'humanité. En effet, avant même la création de l'homme, la mer recouvrait toute la terre, y compris l’Himalaya. Puis quand elle s’évapora, elle laissa les contrées nouvellement émergées recouvertes de marais salants. C'est alors que naquirent les élevages de chevaux de prés salés, les fameux chevaux de sel, descendants directs des hippocampes. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il y a une célèbre école d’équitation à Saumur.

Puis, le sel se raréfia, et devint une matière précieuse. Cette connotation est restée dans le langage courant, lorsqu'on prétend qu'une addition est salée. Cette fortune attira rapidement le fisc, sous les traits de la hideuse gabelle.  Nos aïeux la trouvaient saumâtre, cette gabelle, et ils se plurent à la surnommer "gabelle et la bête" pour se gausser, et les douaniers chargés de percevoir la taxe se virent appelés les « gobe-loup ». Tous les moyens furent tentés  pour dissimuler le sel à ces vampires.

Le sel était surtout caché dans des celliers (et non dans des selleries), où on s’aperçut alors qu’il contribuait efficacement à la conservation des aliments, principalement du cochon et de la morue (n'allez pas y voir une allusion salée, mais le simple fruit du hasard).

En Bretagne toutefois, le sel était de préférence caché dans le beurre. Les gabelous n'avaient pas idée de le chercher à cet endroit. Aujourd'hui encore, on trouve du sel dans le beurre breton. Comme quoi, la fraude fiscale peut avoir des conséquences déterminantes sur la culture d'une région.

briquettage

Considérations gastronomiques

Une chose qui me fane la salicorne, c’est ce tic de langage, consistant à ne pas pouvoir dire « fleur de sel » sans ajouter automatiquement « de Guérande ». Je n’ai sinon rien contre le sel de Guérande, au contraire, j’en ai une bonne vingtaine  de kilos à la cave et il s’entend bien avec mon vin.

Le plus simple est que je passe d’abord en revue ceux que j’utilise :

- Le sel rose de l’Himalaya, c’est un sel de mer fossile, j’ai la version en poudre fine. Je lui trouve une pointe d’acidité, du coup je l’utilise lorsque j’ai une préparation un peu sucrée (par exemple, ma terrine de foie gras de canard, c’est macéré au moins 12 heures avec liqueur de figue, poivre noir et une pointe de macis. Egoutté, bien salé avec ce sel rose, puis au bain marie pour la mi-cuisson).
- Le sel fin, la fleur de sel et le gros sel gris. Ceux de mon placard proviennent exclusivement des marais salants de Guérande donc, ou alors de Ré ou de Noirmoutier qui sont de qualité comparable. Ce sont les derniers grands sites de marais salant d’Atlantique, même s’ils retrouvent un regain d’intérêt au Portugal et au Pays Basque espagnol. A noter la renaissance récente des marais salants de la presqu’île de Rhuys.

Et puis ceux que je n’utilise pas ou peu :

- Le sel gemme, à part celui de l’Himalaya, je le trouve « sans âme ».
- Le sel de Camargue, pas tant à cause de la saveur, qu’à cause du mode d’exploitation des salines, au bulldozer et à la pelleteuse, c’est peut-être du romantisme, mais tant pis, j’assume.
- Le sel anglais Maldon, qui est excellent, mais obtenu en chauffant de l’eau de mer dans de grandes cuves pour l’évaporer jusqu’au point de précipitation du sel. C’est d’ailleurs ce traitement qui lui donne une structure intéressante en paillettes, et une consistance assez légère. Il est très blanc parce que le chauffage permet de faire monter l’écume en surface, et on la retire ; rien à voir donc avec la fleur de sel, qui d’ailleurs est rosée. Ma petite fibre écolo me pousse à préférer des produits qui ne nécessitent pas de consommer de l’énergie pour les produire, si je peux trouver ceux auxquels le soleil et le vent suffisent (plus le boulot du paludier).
- Le sel fumé gallois (Halen Mon) produit suivant la même méthode que le Maldon, du côté de l’île  d’Anglesey, (Ynis Mon en langue celtique, qui fut un haut lieu du druidisme, d’ailleurs là-bas, on dit « passe-moi le celte). Ce genre de considération comme la saveur qu’il apporte aux grillades à la plancha, me font parfois mettre de côté la fibre écolo…

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Bon, on ne peut pas passer sa vie à dire du mal du sel des autres, il faut bien de temps en temps s’arrêter pour manger…

Illustration : Bar en croûte de sel.

Procurez vous un bar entre 1,2 kg (pour 2) et 2 kg (pour 4). Vidé, débarrassé de ses ouïes, mais impérativement non écaillé. D’autres poissons à écailles sont utilisables, comme la dorade royale, les gros rougets-barbets, etc..

Préparez la pâte à sel, en mélangeant environ 4 à 5 kg de gros sel de mer avec 3 à 4 blancs d’œufs. Mouiller avec du vin blanc sec jusqu’à une consistance de sable mouillé  pour pâté de plage, un ou deux verres suffisent. Le blanc d’œuf va bien coller le sel, pour que le poisson cuise vraiment à l’étouffée, tandis que le vin, outre rendre la pâte malléable, va aromatiser discrètement la chair.

Dans un plat ou la lèche frite, disposez une couche de cette pâte (2 cm au moins), posez-y le poisson (nature, il aura bien assez de saveur). Recouvrez de la même épaisseur.  Placer dans le four pré-chauffé à 220 degré, pour 30 minutes, plus ou moins selon la taille du poisson et votre goût pour le rose à l’arête.

Dégagez le poisson de la croûte de sel, le bon plan étant d’utiliser un couteau à pain pour entamer le dôme. On rigole plus avec un marteau, mais bon… La peau s’enlève toute seule, collée au sel. Servir avec de l’huile d’olive à portée de main, et un beau blanc de Pessac-Léognan, genre Château de France ou Château Olivier.

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Alors quoi, pas de photo de la recette, est-ce même légal sur un blog culinaire? Vous ne pensiez tout de même pas que j'allais acheter du poisson le lundi, alors qu'il a été au mieux pêché jeudi dernier? Même comme prétexte pour ouvrir un Chateau Olivier, c'est au dessus de mes forces... Cela dit, vous pouvez y aller sans risque, c'est une recette que j'ai déjà testée, et pas qu'une fois!

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Commentaires
B
Bonjour,<br /> <br /> Nous rédigeons une plaquette, à l'initiative d'une assoc 1901, sur la recherche du sel dans notre village. Comme bénévole de l'assoc, je voudrais illustrer la page historique du sel par votre première image des différentes phases, de la saumure aux godets. Pouvez-vous m'autoriser à utiliser cette image ?
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G
Merci pour ce bel article, même si je ne suis pas toujours d'accord notamment sur l'intérêt et l'âme de certains sel gemme autres que le sel de l'Himalaya.
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D
A essayer sans modération la fleur de sel et le gros sel(gemme) de Salies de Béarn (Pyrenées Atlantiques) qui n'a pas son pareil...
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M
Pour moi qui suis fan absolue de bon sel , il y a plein d'infos passionnantes dans ce billet !<br /> Nous on est accro du sel de Guérande (normal quand on habite à 1/2 heure !) mais ce sel fumé gallois me fait envie, tu le trouves où ?<br /> pour ce qui est du sel de l'himalaya, je croyais que c'était un truc à la mode sans grand intérêt, je vais donc essayer à la prochaine occasion !
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B
Tu n'es pas un blogueur, tu es un encyclopédiste, ma foi! Et talentueux, en plus... <br /> <br /> Merci pour ce tour du monde salé!
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