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Cuisine de la mer
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30 mai 2008

Cassolette d'asperges et de morilles aux coques

Je constate depuis quelques billets que CdM néglige son fondement pédagogique, que je glisse sur les pentes sablonneuses des états d'âmes, des épisodes bisounours avec ma fille ou autre promenade familiale, en gros que le didactique n'est plus toujours au rendez-vous chaque semaine, grosse fatigue...

Il fallait réagir et dès vendredi dernier, après une journée déjà chargée en libations, je me suis enfermé en séminaire avec une bouteille de très vieux rhum Hardy, de Tartane, une boîte de Cohiba Magicos et mon PC portable. Les brainstormings, j'ai les ingrédients et l'expérience nécessaires pour les traverser en navigateur solitaire, sans pilote, sans arrêt au port, ni bouée ni parachute!

magicos

Très vite j'ai perdu de vue mon écran de contrôle, il n'est guère grand et ces sombres robustos dégagent une épaisse fumée à l'extérieur tandis que le vieil Hardy provoque sensiblement le même effet à l'intérieur. Bref, j'étais un peu égaré, le goulot de la bouteille brillait vaguement sur tribord tandis que le bout du cigare rougeoyait sur bâbord, douteuses balises en ce brouillard artificiel. De plus, pas moyen de mettre la main sur ma corne de brume, je pense avoir été cambriolé par des voisins à l'esprit plus randonneur diurne que maraudeur nocturne...

corne

Il y eut tout à coup une grande lueur, j'ai un moment cru que c'était l'Inspiration qui venait, voire Quelqu'un de plus important. En quelque sorte oui, puisque c'était ma femme qui après avoir sauvagement allumé le plafonnier, me demandait si j'avais l'intention de me coucher un jour (alors que nous étions en pleine nuit, la mauvaise foi féminine est toujours formidable, je le dis avec une réelle admiration).

J'ai été tout aussi formidable, je le dis comme je le pense, j'ai jeté l'ancre du clipper un peu au hasard et j'ai chaloupé jusqu'au lit. Habitude que j'ai conservée toute la semaine, et qui finalement n'est pas si bête. Enfin, cela dépend pour qui; si désormais je me repose, en revanche les lecteurs de CdM vont à nouveau me trouver fatiguant, car mes rêves sont souvent ceux d'un Gainsbourg qui aurait fumé du Desproges (toute modestie mise à part, car je les vénère depuis toujours ces deux là, je ne leur arrive pas à la cheville, pas même aux Repetto ou aux Repettar).

Cerasto

La coque est l'héroïne de la mer et non sa cocaïne

La coque est un animal marin par excellence. Fermée elle vit sous la flotte, ouverte elle flotte. Elle devient alors coque de noix (esquif exquis), multicoque (trimaran aussi), voire double-coque (tanker il y aura des hommes). La demie-coque en revanche ne flotte qu'accrochée au mur, elle est taxidermisée, tandis que le tanker est accidenté. Ne confondons pas, c'est déjà bien assez compliqué de s'y retrouver alors qu'on s'y est perdu et que personne ne vient allumer le plafonnier (j'affabulai, jamais ma fabuleuse épouse ne me brutaliserait en plein brainstorming).

- Prenez par exemple l'oeuf à la coque, cet objet mythique mi-délicieux, d'un point de vue maritime il constitue une totale imposture, même avec du sel et des mouillettes. Avec du sucre encore plus, certains poussent la duplicité jusqu'à cuisiner des "coques de Pâques", au lieu de planquer des oeufs comme tout le monde, je vous disais bien que le sujet est complexe! Ajoutez à cela que l'ancien nom de la bûche était la "coque de Noël" et construisez  un radeau de ces bûches, vous êtes médusés car votre coque originelle est perdue corps et biens..

radeau_meduse

- Considérez également le cas de la coccinelle, qui bien que cocasse n'est pas une petite coque, pas plus que bien que connasse, la capricorne n'est pas une chèvre mais une voisine de blog, coprologue bénévole et par idéal.

- Examinez avec soin une ligne de flottaison, que beaucoup confondent à tort avec une ligne de coque, puis comparez  avec une aile d'avion, la plus cocardière n'est pas celle qu'on pourrait croire.

- Prenez par la laisse Coquelicot, le cocker de cette voisine de blog toquée : il est coquet mais il ne sait pas nager, sinon vous pensez bien qu'il se serait barré depuis longtemps... (je profite de la tribune qui m'est ouverte ici pour m'insurger contre cette manie détestable qu'on a d'appeler "Joe" les cockers, et pour confesser que je ne connais aucune capricorne possédant à la fois un cocker et un blog de cuisine, ce n'est que méchanceté, gratuite comme tout CdM).

- A l'inverse tout devient possible si vous naviguez en Manche, Karl car la coque au Channel permet toutes les extravagances, ou en Mer du Nord avec des coques côtières pour uniques cocotiers. Si par contre vous croisez dans les mers du sud, saluez au passage la mémoire de mon camarade le Capitaine Coque, bien moins timbré que l'image ci-dessous l'insinue gravement.

cook

Les coques, peu chères et disponibles presque en toutes saisons, peuvent se substituer à d'autres coquillages dans de nombreuses préparations cuites, comme les pâtes alle vongole, ou les moules sauce poulette. A ce propos, cherchez l'intruse parmi ces quatre bestioles :

- la coque - la poule - la moule - le coq -

Si je publiais plus souvent, je me contenterais d'écrire "Devinette" dans le titre du billet, et je vous laisserais sans scrupule mariner quelques jours avec cette angoissante question. Pas de panique, vous n'attendrez pas jusqu'à vendredi prochain, date théorique de la prochaine publication (rien n'est moins sûr, car je vais pas mal me balader cette semaine, à commencer par Arles aujourd'hui même, dans le dessein d'élucider un mystère qui m'obsède, "Arlequin ou Arlecoquin"?).

La poule bien entendu, qui n'est pas un animal marin et n'a donc rien à gratter sur ce blog, en dépit de sa contribution distraite à l'oeuf à la coque. Pas de poisson-poule à l'horizon, mais le poisson-coq est un magnifique animal, bon à manger et gibier très apprécié en pêche sportive. En voici un, taxidermisé comme une demie-coque :

roosterfish

La fraîcheur des coques est un élément très important, elles se dégradent aussi vite que les praires, et si je prise une belle ligne de coque, une coque louche me fait tousser. On sait cela même dans les salons artistiques, où il n'est pas rare d'entendre susurrer qu'il faut chercher les coques tôt dans la marée. Donc arrivez de bonne heure à la pêche, monté sur un âne, afin d'éprouver une fois au moins dans votre vie l'inégalable jubilation d'être à contre-courant, passant de l'âne aux coques.

Ne vous comportez pas comme une brute, vous êtes à la pêche et non à un combat de coques, ne ravagez pas le milieu à grands labours de râteaux, mais pêchez au trou (le trou de la coque, pas le trou dans la coque, c'est une pêche à pieds sur le sable, pas en bateau sur les brisants, les coques de roche n'existent pas). Je vous ai appris dans ce billet à distinguer les trous de coques des trous de pieds de couteaux. Ce sont les trous du siphon, il faut procéder avec une cuiller et rapidité, car comme l'affirme le dicton lyonnais : "Un siphon, deux petits trous et puis s'en vont".

CardiumEdule

Ne ramassez que ce que vous consommerez, il est interdit de vendre les produits de la pêche de loisir et immoral de les mettre à la poubelle, alors que les coques font l'objet d'une surpêche assez notoire. Faites les dégorger dans de l'eau salée pour les purger de leur sable. N'utilisez pas d'eau de mer (je me répète, mais c'est de la prévention), stagnante, elle devient un bouillon de culture, où prolifèrent à toute vitesse les algues toxiques et les germes divers (sans oubier le dangereux bacille de coque). Tout ce petit monde est censé mourir à la cuisson, mais quand même...

Bon, je cesse de vous débiter ces coquecigrues, j'enfile ma panoplie de maître coques (ou de cooking papa, c'est au choix), non sans ajouter à l'intention de ceux qui l'attendaient au tournant : "On revient content de la pêche aux coques". Où vous croyez vous, dans une lamaserie?

Cassolette d'asperges et de morilles aux coques

Je n'ai jamais pu fêter tranquillement mon anniversaire qui tombe fin mai, à savoir trinquer plusieurs journées d'affilées aux années qui s'enfilent sur mon crin et que je regarde défiler sans trop me laisser embobiner. Non, depuis mon enfance, cela tombe toujours au moment de la fête des mères et depuis mon mariage, également au moment de la fête des belles-mères, on ne mesure pas toujours la portée de ses actes. Les débuts du mariage se déroulent généralement bien, puis à peine sortis de l'église...

Je dis cela, mais j'aime bien la mère de ma femme, laquelle est la mère de ma fille, parfois les choses s'arrangent d'elles-même sans intervention ou regret. Lorsque sa maman vient déjeuner, toujours le dimanche, Sylvie me réclame systématiquement "des produits de la mer, car elle n'en fait jamais chez elle". Je m'exécute, tout en pestant par avance sur l'état de fraîcheur des étals de poissonnerie au dernier jour de marché de la semaine. J'essaie de la gâter, tout autant qu'elle me gâte d'ailleurs, elle m'a offert pour Noël les cocottes de porcelaine où est présentée cette recette,  les utiliser était obligatoire dans ce cahier des charges que j'ai eu la faiblesse de considérer comme une liste de courses.

J'aime beaucoup (au moins autant que ma belle-mère) l'association classique des morilles et des asperges, je la pratique chaque année, et je voyais se pointer la fin de saison sans en avoir mangé, j'ai donc commencé par cela. Ces légumes achetés, j'allai me planter devant une poissonnerie, bien décidé à contenter tout le monde en trouvant le produit de la mer que je pourrais incorporer. Après avoir renoncé aux dés de saumon fumé , aux crevettes malgaches, au crabe royal et à un projet de goujonnettes de sole, j'ai aperçu une bourriche emplie de très pimpantes coques de pêche (car il s'en élève, moins bonnes mais meilleures que les coques de bruyère qui manquent de caractère). L'accord est devenu une évidence, confirmée à la dégustation. Pour être tout à fait honnête, j'avais une autre raison d'aboutir à une recette de ce genre, je vous la livre en fin de billet.

Ingrédients

- 400 g  de pointes d'asperges blanches ou violettes
- 300 g de morilles fraîches
- 500 g de coques
- crème fraîche
- fond de veau déshydraté
- un citron jaune non traité
- poivre blanc
- macis
- cerfeuil

Je me suis contenté de morilles turques, les morilles françaises étant quasiment introuvables fraîches (les restaurateurs raflent tout) ou alors à des prix qui dépassent mon entendement, pourtant très mélomane quand il s'agit de bons produits.

Recette

Occupez vous des coques dès qu'elles arrivent dans votre cuisine, plus fraîches elles sont préparées, mieux c'est. Lavez les soigneusement, vérifiez une à une qu'il n'y en a pas de mortes, de vaseuses ou sableuses, une seule peut gâcher un plat! Mettez les à ouvrir dans une casseroles couverte, à feu vif et en secouant de temps en temps pour faciliter l'ouverture. Dès qu'ouvertes et tiédies (étalées hors la casserole et à découvert pour éviter qu'elles ne continuent à cuire), enlevez les coquilles, puis filtrez le jus au travers d'un papier absorbant. Réservez.

Continuez avec les pointes d'asperges, d'une longueur de huit centimètres environ que vous séparez en deux tronçons. Puis coupez chaque tronçon dans la longueur. Faites les blanchir deux minutes à l'eau bouillante salées, rincez aussitôt à l'eau glacée et séchez les entre deux couches de papier absorbant. Faites les assez vivement blondir au beurre, le fait de les avoir coupées en longueur facilite l'obtention de la coloration sur la face plate. Débarrassez et réservez.

Dans la même poêle, mettez les morilles que vous aurez coupées ou non dans leur longueur, de façon à obtenir des morceaux de taille équivalente, et bien rincées car elles sont souvent sableuses, à revenir à feu assez vif. Dès qu'elles ont rendu et évaporé toute leur eau (c'est très rapide, elles en contiennent très peu relativement à la plupart des autres champignons), ajoutez les asperges, pour les réchauffer un peu.

Diluez le fond brun dans un verre de jus de coques. Attention, il est salé, parfois excessivement, vous devrez alors le couper d'eau claire. Versez le mélange dans la poêle, puis la crème fraîche. Ajoutez les coques dès que la crème est chaude, assaisonnez avec le zeste râpé du citron, une pointe de macis  et quelques tours de poivre blanc.

Laissez encore une ou deux minutes à feu doux et répartissez dans les cassolettes ou mini-cocottes, que vous mettrez à réchauffer avec le couvercle au four à 160°, une quinzaine de minutes avant de servir.

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Les feuilles de cerfeuil ne s'ajoutent en surface qu'après cuisson, elles participent tant au visuel qu'à la saveur et qu'au parfum magnifique qui se dégage de ce plat lorsque chaque convive ôte le couvercle de sa portion. L'idée était bonne, je la garde sans rien y changer dans l'immédiat; l'incorporation de zeste de citron contribue fortement à l'équilibre et à la vivacité de ce plat qui aurait pu être un peu endormi dans sa crème.

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Voici un moment que je n'ai pas indiqué de vin sous une recette, je ne le fais que lorsque je trouve un accord particulièrement réussi, et pour l'avouer aux fidèles qui ont eu le courage de lire ce billet jusqu'à ce stade, l'une des raisons qui m'a poussé à concocter cette recette est la rencontre inopinée d'un vigneron, chez Michel Moulherat, mon pote caviste que je vous recommande chaudement, et pas seulement parce que c'est un copain (sérieux, vous m'imagineriez pote avec un type qui vendrait du mauvais vin?).

Le vigneron c'est Jacky Preys, installé à Meulnes en Touraine. Dans ses vignes, il possède une rareté, un cépage ancien, le Fié Gris, un sauvignon rose à jus blanc. Nous parlions de fruits de mer, d'ormeaux en particulier et il me dit que ce vin est particulièrement adapté aux saveurs iodées. Il m'en offre une bouteille, ajoutant  : "c'est aussi l'un des rares vins qui supporte  bien les asperges". Je n'ai pas besoin de vous décrire par le menu le cheminement qui a mené à cette recette, vous avez tout compris. Grande réussite, pas loin de l'accord parfait, j'ai aussitôt appelé La Cave de l'Insolite pour réserver une caisse. Pour en savoir plus, passez sur le site du domaine .

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Qui a dit "coque au vin"? Un peu de sérieux je vous prie lorsque j'entre en brainstorming!

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