Je voulais conclure ma longue saison bretonne par ces deux trésors de l'été que sont la tomate et le homard, associés en une assiette aussi colorée que simple, et bien entendu savoureuse.

Le fenouil sauvage que l'on trouve en bord de mer est en fleurs, il faut récolter les fleurs vertes, couper les inflorescences et les laisser macérer dans de l'huile d'olive pendant une nuit. Vous pouvez aussi utiliser les fleurs de criste marine, la saveur tout aussi puissante sera bien entendu différente, mais assez proche. Il se trouve que j'avais aussi besoin de tiges de fenouil pour cuire des bigorneaux, j'ai donc choisi d'utiliser toute la plante. Ici, une recette avec une macération de criste, non religieuse et hors bénitier. Il existe d'autres façons d'utiliser ces fleurs en bouton, par exemple en parsemant quelques canapés de poisson fumé. 

Pour les tomates, nous avons la chance à Lannilis (et Plouvien) d'accéder aux superbes tomates de pleine terre du GAEC de l'Aber Benoit, entre autres merveilles qu'ils font pousser (une fois qu'on a goûté à leurs fraises, on trouve toutes les autres fades). J'ai choisi deux variétés anciennes qui sont au top en ce moment, la "Cornue des Andes", rouge à la chair ferme légèrement acidulée et contenant très peu de pépins, et la tardive "Ananas", jaune à la chair tendre et douce, avec des pépins.

Lorsque j'étais gamin, sont venus visiter leur grand-mère (et donc mon arrière-grand-mère) des cousins toulonnais, un de mes grands-oncles marins ayant fait souche lors d'une escale, épousant une corse. Je ne sais plus qui préparait une salade de tomate, mais la stupéfaction des gamins fut audible à des kilomètres "Maman, ils mangent les pépingues !". Une fois les "mokos" (c'est ainsi qu'on surnomme les toulonnais par ici et probablement ailleurs), nous avons repris nos habitudes granivores, et il a fallu que j'épouse une provençale pour à nouveau devoir égrainer les tomates, et franchement, c'est bien meilleur comme ça, sauf quand il s'agit de les confire au four, l'eau de végétation qui entoure les graines est un précieux allié. De même quand je croque une tomate cerise, je ne m'amuse pas à la vider... Une fois les graines enlevées, on peut en les foulant dans une passoire fine, récupérer une eau de tomate délicatement parfumée, qui peut servir à allonger un assaisonnement, voire à diminuer la dose d'huile pour la cuisson au four de tomates à la provençale.

Par ailleurs, depuis quelques semaines mes réseaux sociaux et mes lectures, sont hantés par des carpaccii aussi graphiques que gustativement tentants, à la suite de la sortie aux Editions de l'Epure du livre de ma copine Anne Etorre : Des recettes qui tranchent - Le Carpaccio, un superbe ouvrage illustré par la non moins talentueuse Alessia Serafini. Je vous invite à vous rendre sur le site de notre maison d'édition commune pour feuilleter ce livre, si frais et gai. 

Parmi les nombreuses qualités de l'ouvrage, il y en a une qui a forcément appelé mon attention, c'est le nombre important de recettes consacrées aux produits de la mer, elles me font toutes envie, de la "Langoustine, vanille, jus de citron Meyer, pistaches torréfiées concassées, huile de noisette, poivre de Kampot" en passant par des "Joues de lotte, nectarines jaunes, jus de citron, huile d’olive, sésame noir, poivre de Séchouan, fleur de sel, fleurs comestibles"

Bref vous l'avez compris, Anne m'a filé des complexes, d'autant plus forts qu'il est extrêmement agréable de manger frais et fin en cette saison, et j'ai donc décidé à mon tour d'en faire une assiette, certes pas aussi graphique que celles du livre, mais du moins très colorée et surtout extrêmement comestible. 

Carpaccio de tomate au homard et fleur de fenouil

Ingrédients pour quatre assiettes

- 2 tomates "Cornue des Andes"
- 1 grosse tomate "Ananas"
- 2 homards de 1,3 kg environ
- des inflorescences vertes de fenouil
- huile d'olive
- vinaigre de Banyuls
- poivre blanc
- fleur de sel

Voici le fenouil qui pousse en bord du chemin côtier. Il est très agréablement parfumé, moins puissant que celui qu'on récolte par exemple en Provence où les essences aromatiques sont plus concentrées par le soleil. En cette saison, il a des inflorescences vertes (encore en boutons) et des jaunes qui ne vont pas tarder à tourner en graines. Prenez les vertes pour cuisiner, et les jaunes pour décorer.

Recette

La veille, mettez à macérer quelques fleurs de fenouil vertes (les bourgeons hachés grossièrement) dans de l'huile d'olive. Cuisez les homards 20 minutes à la vapeur. Réservez le tout au frais. 

 Le lendemain, décortiquez les homards, en conservant la plus grosse partie des pinces intactes, mises à nu. Utilisez les carcasses et les chutes dans un bouillon, si vous avez par exemple un projet de risotto... Déaillez les queues en médaillons pas trop épais.

Coupez les tomates en tranches fines et répartissez-les dans les assiettes, puis disposez le homard, soit les médaillons et une pince par assiette.

Prenez votre huile d'olive où baignent les fleurs de fenouil, ajoutez du vinaigre de Banyuls (ou un autre de votre choix, moi j'adore celui de La Guinelle), et du poivre blanc. Arrosez les assiettes de trois ou quatre (ou cinq) cuillers à soupe de cette vinaigrette, décorez d'une fleur et d'un plumet de fenouil, et tenez au frais jusqu'au service.

Alors c'était bien, j'étais assez content de mon idée, c'est comme si on avait invité le soleil dans nos assiettes. Il fait beau en septembre en Bretagne ; en fait la période à éviter, c'est celle du 15 août, précisément celle où il y a le plus de monde touristeur, et où le homard et les langousines prennent un coup d'inflation tactique, c'est de bonne guerre, mais quand même...

Parmi les raisons qui vont m'éloigner pour un temps de mon paradis des abers, il y a l'enregistrement d'une émission sur France Culture, "Les bonnes choses", autour du poisson et à l'occasion de la sortie de mon "De rades en comptoirs". Si j'ai tout compris elle sera diffusée le samedi 19 de 12H à 12H30, mais elle sera ré-écoutable, pour des fois que vous en ayez marre de me lire. J'ai quand même pondu six billets cet été, cela fait longtemps que je n'ai pas autant bossé...

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