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Cuisine de la mer
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9 avril 2016

Biryani de crevettes et noix de coco

Voici longtemps que je ne vous ai pas parlé de livres. Je suis allé me perdre au Salon du Livre, deux fois ; à douze euros l’entrée ça aurait été une folie, mais heureusement la première fois, j’ai pu entrer avec les deux charmantes auteurs de l’Art de Fermenter dont je suis le plus fervent admirateur. Je dis « auteur » et non « auteure » comme auparavant, car je me suis fait engueuler par L’Académie Française, mais je l’accorde au féminin pour ne pas avoir d’ennui avec certaines.

Ce prix d’accès est étonnant, il parait qu’il faut encourager la lecture en France, les éditeurs et les libraires sont protégés par un système de prix unique (et c’est très bien comme ça), c’est d’autant plus choquant qu’il s’agit d’un salon commercial, où on va pour découvrir et *acheter* des livres.

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Je précise ici que les livres dont je parle ici m’ont été offerts par les auteurs, ce dont je les remercie beaucoup, d’ailleurs j’en ai acheté quelques-uns ensuite pour les offrir tellement je les ai appréciés. Ils ont aussi cette énorme qualité d’être écrits par des personnes dont j’apprécie le travail depuis des années, durant lesquelles elles sont devenues des amies.

N’allez pas croire non plus que je fasse du copinage, je suis très loin d’être le seul à les apprécier (et si je devais faire du copinage, j'y passerais une vie, j'ai plein de potes doués). Chacun de ces livres aurait mérité un billet séparé, mais au rythme auquel je publie, et vu celui auquel ils semblent se vendre, ils risquent bien d’être épuisés avant que je ne vous en aie parlé.

Saucer n’est pas tremper ?

Et bien si selon Mayalen Zubillaga, auteur d’un petit bijou : L’art de saucer, paru aux Editions de l’Epure. Avec elle, nous baignons dans la jouissance des repas où la volupté du jus, du gras, de la sauce est pleinement assumée, et même chaudement recommandée pour atteindre une manière d’orgasme gastronomique, de celui qui fait briller les yeux du mangeur et soupirer à la fois d’aise et de regret, une fois la dernière goutte torchée au fond de l’assiette.

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Il ne s’agit pas d'effleurer sournoisement le fond de l’assiette, comme pour un baise-main furtif et compassé, mais d’oser une franche embrassade, on trempe allègrement son pain ou autre produit apte à l’imbibition sans inhibition ; le propos est facilement leste, il aurait pu être égrillard ou rabelaisien si l’auteur n’était pas sortie du Couvent des Oiseaux. Elle est une Marie-trempe-ton-pain, pas une Marie-Opales.

Je veux parler bien entendu du Couvent des Oiseaux Rares, on retrouve dans L’art de saucer la plume alerte et impertinente de celle qui a tenu la France entière dans l’attente d'une nouvelle publication sur son blog Le confit, c’est pas gras (hélas fermé), puis sur Fast food toi-même ! (lâchement abandonné).

Mayalen fait partie de ces rares surdoués qui possèdent le gai-savoir, et qui savent le partager avec talent. Au détour de ces pages, vous tomberez sur des considérations historiques et culturelles, sur quelques confessions personnelles, sur quelques énervements aussi (ah, "les tyrans du chou frisé"...), vous croiserez Desproges, Levi-Strauss et d'autres illustres, vous découvrirez les boulettes de Proust et le chili d'Obama ; et surtout, vous aurez tout le temps le sourire aux lèvres et la faim au ventre. Ci-dessous, une amie de l'auteur en dédicace au Salon du Livre. 

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Le livre vous invite à passer à l’acte immédiatement, en ne proposant pas moins de vingt-cinq recettes, et je fréquente la cuisinière autant que je connais l’auteur : ces recettes sont toutes authentiques, et dûment testées de nombreuses fois avant d’être publiées.

La cuisine en sauce a la réputation d’être lourde et indigeste, car historiquement chargée en farine, crème, alcool, œufs, cuissons et re-cuissons, bref une véritable course aux armements. Les recettes tout comme le ton du livre, font surtout dans la légèreté, l’inspiration est en d'abord méditerranéenne, une cuisine du quotidien, populaire, sans autre prétention que d’être savoureuse et partagée.

Alors maintenant, je décrète le sauce-qui-peut général, les femmes et les enfants d’abord, mais juste après le capitaine affamé que je suis. 

Surtout, lisez ce livre qui est une liqueur d'intelligence et d'humour dans un monde de casseroles. 

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Le ferment d’Hippocrate

Il n’est pas question d’hippophagie, mais de saines pratiques alimentaires, dans l’ouvrage suivant, pas plus que de la consommation d’une autre viande, puisqu’il est publié par les Editions La Plage, qui sont de confession saladiste. Très tendance le végétarisme, les aliments-santé etc., d'ailleurs cette maison avait le plus grand stand du Square Culinaire du Salon du Livre.

Les deux auteurs de L’art de la fermentation (après L’art de saucer, décidément, je ne fréquente que des artistes) méritent également le titre d’oiseaux rares, voire de bêtes curieuses, elles se sont vouées corps et biens (et l’âme beaucoup aussi) à un tour du monde quasi-exhaustif des types de fermentation de végétaux, d'oeufs et de laitages, on apprend, on voyage, on contemple des photos aussi aguichantes que tentantes, c'est un livre d’érudition et de savoir-faire, autant qu’un livre de recettes.

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Les auteurs sont d’une part Luna Kyung, auteur également du blog La table de Diogène est ronde, lequel consacré au départ à la cuisine coréenne est devenu une véritable vitrine d’innovation culinaire, qui se permet également d’être poétique, jusqu’aux imperfections de la langue française, que Luna semble cultiver comme des perles. Elle se définit comme « artiste et cuisinière », et ça lui va très bien. Manger à sa table est toujours un voyage dans l’inconnu, vous pouvez ramasser n'importe quel bout de bois dans la forêt, elle vous en fera un kimchi délicieux ou un breuvage bénéfique pour votre santé. 

Son amie et comparse dans l’aventure, Camille Oger, est l’auteur d’un des blogs les plus suivis aujourd’hui, qualifié de blog d’ethno-gastronomie : Le Manger. C’est d'abord et surtout une série d’articles fouillés et puissamment documentés, écrits d’une plume alerte et joyeuse, elle aussi possède le gai-savoir. Nous sommes baladés d’Asie au Pays Niçois, avec quelques incursions un peu partout, tout est vécu, tout est palpé, goûté et merveilleusement photographié (Camille est également la photographe de L’art de la fermentation).

Dans le livre, on tente de la cerner en tant que « Reporteur, photographe et auteure ». Pour moi, c’est une Lara Croft qui saurait écrire et décrire, cuisiner et manger. Ci-dessous, toutes les deux en démonstration de kimchi au Salon du Livre. 

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Ce livre, c'est du lourd, pas moins de cent-cinquante recettes, clairement expliquées et illustrées, qui mettent à la portée de tout le monde ces techniques millénaires de conservation de la nourriture. L'ivresse n'est que temporelle, on ne traite ici essentiellement de fermentation lactique ou maléo-lactique, bien moins de fermentation alcoolique ou acétique. Avant les recettes, vous lirez des pages très complètes sur les techniques et les bienfaits de la fermentation, qui permet une conservation d'aliments "vivants", puisque le travail est effectué par ces bactéries essentielles à la vie, que nos chimies modernes combattent de façon irraisonnée. 

Après avoir pris et repris ce livre, vous serez experts en choucroute (mais pas en saucisse), en laits et céréales fermentés, en olives et cornichons, en boissons bizarres (ces sorcières savent même faire revenir à la vie un jus de fruit pasteurisé)... et même en algues fermentées. Une surprise pour moi, il y a quelques années j'avais demandé à Luna si à son avis, je pourrais faire du kimchi d'algues en Bretagne. D'aucunes m'auraient répondu que ça n'existe pas, mais Luna a fait des recherches, puis des tests. Evidemment, la chose m'était sortie de l'esprit entre-temps, d'où ma surprise en page 272 (oui, c'est un gros livre) de tomber sur le "Kimchi aux algues bretonnes", je sais maintenant quoi faire de mes prochaines vacances !

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Maroc Me Baby

Voici le dessert, après l'entrée de Mayalen et le plat de résistance de Camille et Luna. J'aurais pu commencer par le livre de Nadia Paprikas, c'est celui qui est sorti le premier (février 2016) et que j'ai reçu avant les autres, et par ailleurs des quatre, Nadia est celle que je connais depuis le plus longtemps. Disons que voulais la garder pour la bonne bouche. 

Pour sa simplicité aussi et pour sa façon d'aller droit au but, comme dans la vie. Là, elle nous gratifie de ses recettes familiales ou emblématiques de la cuisine marocaine, chez Mango Editions, dans la collection "Easy" où je vous le rappelle, vous trouverez également l'excellent livre sur la Chine de Margot Zang, la prof préférée de ma fille. 

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Nadia tient l'un des plus anciens blogs de cuisine en France Paprikas, lancé quasiment au même moment que Cuisine de la Mer, qui va sur ses dix ans. A cette époque, le monde des blogueurs n'était aussi diversifié qu'aujourd'hui, on partageait simplement, le sponsoring n'existait quasiment pas, alors forcément, nous nous connaissions assez bien et nous nous rencontrions régulièrement dans le monde réel. Cela existe toujours, ce billet en est une preuve, s'il en fallait une. 

Bien entendu, ces rencontres se font le plus souvent à table, au restaurant ou chez les uns et les autres, c'est ainsi que j'ai plusieurs fois eu la chance de goûter à la cuisine de Nadia, de connaître son goût très sûr, et de mesurer sa capacité à faire du très bon avec du très simple, c'est un art, probablement le plus difficile en cuisine. Ses plats marocains sont authentiques, son sens du partage et de la transmission très développés, et c'est ce que j'ai adoré retrouver dans son livre. On y reconnait aussi son goût pour la boulangerie, le chapitre consacré aux pains, galettes et autres crêpes est particulièrement complet. Ci-dessous, Nadia nous offre du thé (euh, je repasserai habibi...)

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Contrairement à bien d'autres collections de livres de cuisine "exotique", où les auteurs n'ont jamais mis les pieds dans le pays dont ils ont à traiter, Nadia est particulièrement légitime pour parler d'une culture gastronomique dans laquelle elle baigné pendant toute son enfance, cuisinant avec sa mère jusqu'à son mariage qui l'a amenée en France. C'est la même chose pour le parcours de Margot Zang, qui a vécu longtemps en Chine avant de s'établir ici. 

Les recettes sont brèves, copieusement illustrées, ce qui est toujours précieux car on n'a pas forcément une idée précise du résultat à obtenir pour une cuisine étrangère. Les grands classiques y sont, mais aussi des choses plus rares, Nadia a réussi à me surprendre plusieurs fois, alors que je pensais assez bien connaître la gastronomie du Maroc, pays où je me suis un peu baladé. C'est ainsi que je suis tombé sur un tajine de poulet en provenance d'Essaouira, qui est gratiné, je ne savais pas qu'on pouvait faire gratiner un tajine, des années de certitudes qui s'écroulent. Et plein d'autres choses encore... 

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C'est Claude Nougaro qui a prétendu que "Rien n'est plus beau que les mains d'une femme dans la farine". Pour ma part je les préfère tenant un stylo, un verre ou une fourchette, au moins pendant ce temps-là elles n'encombrent pas ma cuisine.

Une cuisine dans laquelle j'ai concocté un biryani de crevette à la noix de coco voici quelque mois, suite à un déjeuner (de biryani) avec Camille dans le Little India parisien, nous avions aussi photographié un homme qui râpait des noix de coco fraîches, c'est comme cela que naissent les recettes un peu bricolées. 

Biryani de crevettes et noix de coco

Ingrédients

- riz basmati
- lait de coco
- safran
- curcuma
- mélange d'épices pour biryani
- pulpe de coco râpée
- crevettes
- deux oignons
- un poivron vert
- graines de moutarde
- feuilles de curry
- sel
- poivre noir
- piment en poudre
- coriandre fraîche

J'utilise le mélange pour biryani de chez Olivier Roellinger, concocté par Beena Paradin, je le trouve parfait. Il en existe d'autres et vous pouvez composer le vôtre si vous le souhaitez, ce ne sont pas les recettes qui manquent sur internet. 

Normalement, il y faudrait quelques noix de cajou, mais je n'adore pas ça, et éventuellement un élément sucré comme des raisins secs, mais je n'y ai pas pensé... 

Recette

- Préparez les crevettes en ne gardant que les queues, que vous décortiquez en laissant le dernier segment de la carapace et les nageoires. Entaillez la chair tout au long du dos pour ôter le boyau noir, et leur permettre de s'ouvrir en corolle à la cuisson. 

- Emincez les deux oignons, épépinez le poivron vert et coupez-le en dés. 

- Procédez à la cuisson du riz : dans une casserole, faites revenir l'un des oignons hachés dans de l'huile, sans le laisser colorer, puis versez du riz basmati. Mélangez quelques instants pour nacrer le riz, et ajoutez du safran, du curcuma et un peu du mélange d'épices pour biryani. Versez de l'eau e du lait de coco à parts égales, de façon à recouvrir le riz sur deux à trois centimètres. Couvrez et portez à ébullition. Dès l'ébullition, réduisez à feu doux, et laissez cuire une vingtaine de minutes, en remuant de temps en temps. Réservez, mais pas trop longtemps.

- Dans une sauteuse, faites revenir l'autre oignon et le poivron, puis ajoutez les graines de moutarde (attention, ça saute). Aussitôt, mettez une petite poignée de feuilles de curry (kaloupilé), du mélange d'épice pour biryani, de la pulpe de noix de ccoco, puis les crevettes.

- Lorsque les crevettes sont saisies, ajoutez le riz, et faite sauter doucement pendant encore une dizaine de minutes. Assaisonnez de piment en poudre, de poivre noir, et servez parsemé de feuilles de coriandre. Disposez un petit bol de raïta en accompagnement (yaourt, concombre, tomate, menthe, coriandre, cumin, sel). 

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Donc c'était très bon, et donc aussi, il y a probablement des tas de gens de bonne foi qui vont penser que mon biryani n'est pas académique. Contentez-vous de le penser, non pas que je m'en fiche, mais je n'écris pas ce blog pour reproduire ce qu'on trouve partout ailleurs, j'y mets ma patte à défaut de valeur ajoutée. De même que les jeunes femmes dont j'ai parlé en introduction n'ont certainement pas recopié d'autres livres pour être sûres d'avoir bon. 

Quant à la question subsidiaire "Et toi, tu écris ton livre quand ?", je réponds que j'y pense de plus en plus sérieusement... 

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Commentaires
G
Article très intéressant, continuer!Un grand merci
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M
Belle recette Patrick. C'est les saveurs du Cap et de la cuisine des Malais. Viens me rendre visite et je te fais découvrir les Biriyani locaux. Tout bon et riche en goût :)
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E
J'aime toutes vos recettes, ils sont spectaculaires! Avez-vous pensé à être divulgués sur un réseau social spécialisé? Il y a une application appelée Foodies Moveando et sûrement vous feriez beaucoup de succès. Je vote pour vous! :)
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E
Qu'est-ce que ça a l'air bon, et assez simple! Je prends, d'autant plus que je vais à Cancale la semaine prochaine, l'occasion d'acheter des épices Roellinger.
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P
LE BOUQUIN SERAIS UNE RUDEMENT BONNE IDEE , DEJA QUE J ADORE TES RUBRIQUES ET AUSSI TES RECETTES,
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