Carpaccio de saint jacques, caviar et sel fumé
En léger différé de Basse-Normandie
Avant toute chose, j'arrive un peu tard pour en parler, alors que j'étais au courant depuis un bon moment, mais hier à Port-en-Bessin dans le Calvados, c'était la fête de la coquille saint jacques, et l'inénarrable Jean-Pierre Coffe avait choisi de produire son émission du samedi midi sur France-Inter "Cà ne se bouffe pas, çà se mange" en direct de là-haut. Port-en-Bessin et ses gens de mer, c'est parfois beau comme les Everglades.
Coffe, on aime ou on aime pas, j'aime assez et j'aimerais encore plus s'il était un tantinet moins bavard. Cela dit, pour rendre coît Dimitri (dont j'ai déjà parlé sur ce blog, et dont voici le site et le blog "Pêcheur Life") il en faudrait quelques uns de plus... L'émission est encore disponible en podcast sur le site de la radio. Comme d'habitude, ils étaient décalés par rapport à l'horaire prévu, et vous devrez écouter la fin des infos avant d'arriver à l'émission, laquelle souffre un peu des défauts du genre en simplifiant beaucoup de sujets à la fois, mais la synthèse est quand même réussie.
http://www.radiofrance.fr/franceinter/em/casebouffepas/
La cuisson des bulots, au passage...
Depuis mon billet sur le bigorneau, je suis quasiment harcelé de demandes concernant le bulot, comme si c'était pareil... Bien que j'ai répondu par mail à Catherine que je ferai un jour un article sur le bulot (désolé Catoche, tu vas lire la même chose, les fautes de frappe en moins) j'ai changé d'avis en passant au marché ce matin; alors avant ma petite recette de coquilles, je vais vous raconter comment on peut cuire les bulots, et ensuite on n'en parlera plus, d'accord?
Le bulot, c'est très différent du bigorneau. Ce dernier est végétarien, alors que le bulot est un carnivore nécrophage, il se nourrit essentiellement de cadavres de crustacés et de coquillages, en déployant une trompe...
Par ailleurs, il est péché dans les sédiments, il est donc bourré de sable. Mal apprêté et mal cuit, il craque sous la dent et il est à la fois coriace et gluant. Selon le même Dimitri qui m'a laissé ce commentaire sous la brandade de morue, les pêcheurs de morue normands appâtaient les lignes de fond avec des bulots. Le bulot ne vaut pas plus à mon avis, juste çà me fait rire, les gars montant à bord : "Hého! Hého!, on revient du bulot"
Voici comment je procède :
1) Laisser les bulots une bonne heure dans une bassine, mélangés à pas mal de gros sel.
2) Rincer à fond deux ou trois fois, ou jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de sable au fond de la bassine.
3) Cuire à l'eau bien salée frémissante pendant 15 minutes (s'ils sont plutôt petits, 20 minutes sinon, et si il y en de toutes les tailles, mettre les plus gros d'abord et puis les autres par taille décroissante). Ajouter éventuellement un rameau de fenouil ou de thym, du laurier et, indispensable, un trait de vinaigre.
4) Laisser refroidir dans l'eau de cuisson.
Ainsi accommodés, ils ne seront ni sableux, ni baveux, ni coriaces, ni trop fades et deviendront mangeables avec une mayonnaise relevée à l'ail (je trouve que la meilleure utilisation du bulot, c'est perdu dans un aïoli) ou trempés dans un vinaigre aux échalotes. Sérieux, j'ai tout essayé pour m'acclimater à ces bêtes, y compris des heures d'attention en cuisine, j'ai du mal à trouver çà délicieux. Passons à autre chose.
Carpaccio de saint jacques, caviar et sel fumé
Je le reconnais, c'est typiquement l'intitulé de recette qui fait fuir, c'est cru, c'est cher, c'est introuvable. Alors, mettons le comme un amuse-bouche, voire une petite entrée s'il y en a une plus nourrisante ensuite. Aussi, on peut modérer, deux coquilles par personne suffisent.
Comme on était juste entre nous, j'ai remplacé le caviar par de l'Avruga (je vous dirai un peu plus loin ce que je pense de cette médiocrité), et concernant le sel fumé des gallois, je l'ai acheté un jour à titre de curiosité, et il faut bien maintenant que je l'emploie : une bonne fleur de sel fraîche fera l'affaire. En plus, il est vendu sous forme de paillettes, il faut le piler un peu pour l'utiliser dans cette recette.
Les ingrédients
- coquilles Saint-Jacques
- huile de noisette
- caviar ossiètre
- Sel fumé gallois
- poivre blanc
- ciboulette
La recette
Pour un carpaccio, il faut absolument utiliser des coquilles vivantes, de celles qui s'agitent encore dans la main une fois décoquillées; et lorsqu'on les coupe en fines tranches, elle ont encore une dernière contraction, c'est vraiment étonnant, çà m'émeut plus que d'avoir à couper un homard vivant...
On enduit au pinceau le fond d'une petite assiette avec de l'huile de noisette, juste pour que la coquille ne colle pas. Ondispose ensuite le carpaccio, on place quelques taches de caviar de la pointe du couteau, on saupoudre de très peu de ciboulette (laquelle est là autant pour l'oeil que pour la saveur, sinon on aurait une recette en noir et blanc).
Un fin trait d'huile de noisette par dessus, le poivre et le sel fumé pour terminer et envoyez, ne laissez pas le sel fondre, il est ajouté juste avant de servir.
Alors l'Avruga...
Ce produit, çà fait un moment que j'en entend parler, les chefs branchouilles ne jurent que par lui, j'ai longtemps résisté, me doutant bien que... Lorsque je suis passé à la caisse de la poissonnerie avec mes saint-jacques hier matin, l'Avruga était en tête de gondole, alors j'ai acheté. Non sans une discussion assez vive avec la caissière et maîtresse des lieux, qui m'affirmait que ce sont des oeufs de harengs. J'ai éventré suffisament de bouvards dans ma vie pour savoir que rien à voir. Le ton est monté, j'ai failli louer un poisson pour lui mettre sur la tronche, enfin, ambiance chaude à la poissonnerie Daguerre ;-))
Dix euros la petite verrine de 55 grammes, c'est moins cher que l'ossiètre, mais quand même. Alors la composition, c'est de l'eau, du hareng (40% quand même ;-)), les conneries habituelles, et entre autres, de l'encre de seiche comme conservateur. OK, je m'incline, c'est le nouveau monde, le surimi noir en petits grains goût caviar. Exactement comme le surimi saveur crabe, en plus cher.
Gustativement, strictement rien à voir avec le caviar comme la pub et le packaging le laisseraient penser, j'ai connu de meilleurs oeufs de lumps. Bon, je vous laisse, j'ai aussi vu des oeufs verts de poissons volants dans un bocal, vendus au prix de l'or, laissez-moi digérer l'Avruga avant d'en causer...