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Cuisine de la mer
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21 novembre 2006

Patelles à la braise

Après avoir bien rigolé avec les poulpes, on va revenir  à une bête nettement moins impressionnante, la patelle, ou chapeau chinois, ou arapède, ou brennig, l’un des rares mots bretons à être passés dans le français, sous la forme de bernique.

Oui, çà  se mange, ce fut même une ressource fort utile aux habitants de la bande côtière en période de disette, et singulièrement des insulaires, ce n’est pas un  hasard si de nombreuses recettes viennent d’îles comme Molène ou Sein, ou même de Madère. Je vous ferai découvrir ces préparations au rythme des marées, mais pas de bonne dégustation sans solides bases légendaires.

Histoire de la patelle

La patelle est un chapeau chinois en coquille collé sur les rochers. En langue bretonne, la patelle est nommée "brennig", en référence au nom d’un guerrier légendaire qui aurait eu un casque de cette forme. Ce qui laisse penser que les celtes sont originaires d'Asie, et non d'Europe Centrale. Ce guerrier était d'ailleurs invoqué par une incantation qui a été par la suite christianisée : "Patelle noster, qui êtes soucieux, etc.".

En exclusivité mondiale pour les visiteurs de Cuisine de la Mer, j’ai retrouvé sur la grève où je vais les glaner, le fossile du casque de Bren, la mère de tous les brennigs en quelque sorte (et non bernique ta mère, c'est un blog sérieux ici).

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Longtemps, les patelles ne servirent à rien, sinon à nourrir d'infortunés naufragés échoués sur des côtes inhospitalières, en pleine tempête en plus.

Ce furent, par une curieuse malice de l’histoire, les naufrageurs qui firent de la patelle un met très fin. Pour encourager les navires à venir se fracasser sur les brisants, ils allumaient des feux sur le rivage. Un jour, ils disposèrent leur brasier sur un rocher recouvert de patelles; ils trouvèrent que c'était bon une fois grillé, et que cela ne nuisait en rien à leur travail.

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Depuis l'habitude est restée de griller des patelles, lorsqu'on allume des feux sur la grève pour attirer les pétroliers à la côte, et recevoir de l'argent de la part des compagnies qui affrètent ces épaves flottantes. Le métier a changé, mais les traditions perdurent.

Capture des patelles

Le gros avantage de la patelle, c’est qu’elle ne bouge pas beaucoup, et qu’il y en a partout. Ce n’est pourtant pas aussi simple : Elles pullulent, mais elles ne sont pas délicieuses en tous endroits : il faut les prendre sous les goémons noirs. Le goémon noir, c’est le vulgaire varech, celui qui est le plus haut sur l’estran; bref, ce sont des fucus, serratus ou vesicolosus pour l’essentiel. Descendez assez bas, à la limite des algues rouges, dans un endroit pas trop battu par les vagues, c’est là que sont les meilleures.

Une pierre ou même un coup de botte peuvent suffire à les décoller du caillou, mais une lame de couteau bien solide, c’est quand même l’idéal. Faites glisser par surprise la pointe entre le bord de la coquille et la roche, une petite torsion du poignet pour faire levier, et c’est gagné. Si vous n’y parvenez pas du premier coup, inutile d’insister, le coquillage va se plaquer au rocher avec une force surprenante. Vous finiriez bien par l’avoir, teigneux comme je vous sais dès qu’il s’agit de nourriture, mais c’est en s’énervant de la sorte qu’on s'écorche la main en dérapant sur le rocher.

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Une fois retourné, vous découvrez qu’il a imprimé sa marque sur le rocher, c’est même creusé sous les plus gros. Une des curiosités de cet animal est que lorsqu’il part brouter les algues, il revient toujours exactement au même endroit, d’où cette érosion du rocher qui se produit au fil du temps. C’est pour cela également, qu’en dépit de leur très grand nombre sur quelques cailloux, ce n’est jamais le bordel chez les patelles.

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N’en récoltez pas trop, non que la ressource soit rare, mais c’est tellement facile d’en prendre beaucoup et de gaspiller ensuite ! D’autant que ce n’est pas utile d'en manger des quantités, c’est très bon mais un peu coriace et donc moyennement digeste dans cette version cuite à la braise. Un fond de panier, soit deux bons kilos, suffisent largement pour quatre personnes, même sans manger les coquilles…

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Patelles à la braise

Dans l’historique du début, il y a plusieurs choses exactes, dont la façon de les cuire sur les rochers, non pas mes ancêtres naufrageurs qui avaient bien mieux à faire qu’à pique-niquer, mais les cueilleurs de goémon noir (les mêmes qui naufrageaient la nuit par ailleurs), coupé à la faucille pour être revendu aux paysans pour amender leurs champs. Au début de la coupe, on choisissait un grand rocher plat, sur lequel on allumait un feu, d’algues sèches et de plantes des dunes. A la fin de la marée, le rocher était plus que brûlant, on enlevait les braises, et on posait des brennigs à cuire sur la pierre chaude, enduite de l’iode brûlée qui leur donnait une saveur incomparable, j'ai pu y goûter deux ou trois fois.

KerlouanCroch

J’aurais été heureux et même fier de vous montrer ce brasier sur la grève, il se trouve que ce n’est plus possible, la dernière fois où j’ai allumé un feu en bord de mer, juste pour griller pacifiquement quelques maquereaux avec les copains, les brasse-carrée ont débarqué, j’ai dû recouvrir ma cuisine de la mer de pelletées de sable…

On peut néanmoins avec un brin de sens pratique, retrouver cette saveur  fumée du bord de mer, avec une poêle à marrons, dans laquelle on dispose les brennigs pointe en bas.

Première phase, ils ne se doutent de rien le ventre à l’air dans la poêle, on aura pris soin de leur gratter le ventre pour que n’y subsiste aucun éclat de roche. Notez aussi les différences de teinte, les gris sont un peu plus tendres, si vous avez la dent molle ou l’estomac en charpie, préférez ceux-là.

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Seconde phase, la braise est vive et on ne peut alors que méditer sur le martyre de Saint Polycarpe…

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Phase ultime, la bête a cuit dans son jus, lequel jus s’est fixé comme un caramel d’iode sur la coquille, le bonheur au bout de vos doigts qui se brûlent. Que celui qui ne s’est jamais rué sur des marrons au sortir du feu me jette le premier bigorneau. Pain, beurre et vin blanc sec et rustique, c'est le paradis.

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Les plus méfiants ne mangent que le muscle. On peut aussi manger la partie noire qui le surmonte. Sur la photo, vous voyez surtout une boule jaune au dessus du muscle, c’est qu’en cette saison, ils ont des œufs. Délicieux. Ce qu’il faut enlever, c’est la tête et surtout le fil digestif qui y est attaché, totalement indigestes. La tête se reconnaît à ces deux petites cornes nous rappelant que le brennig a aussi un cousin terrestre, l’escargot.

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Dernière minute : Elvira me signale dans les commentaires qu'elle a publié une recette comparable à celle-ci, qui a le mérite de se réaliser au four, je vous invite à aller la découvrir ou redécouvrir  ici. Elle ne m'en voudra pas je pense si je vous dis qu'on peut remplacer le sable par du gros sel, qui sera  ensuite sans problème recyclé dans une croûte de sel ou pour saler l'eau de cuisson de crustacés.

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Commentaires
I
Bonjour,<br /> <br /> Excellente idée de faire partager votre affection (intéressée) pour ce délicieux coquillage... ne l'ébruitez pas trop quand même!<br /> <br /> J'aime beaucoup le ton de votre blog. Très sympa!<br /> <br /> Iovan.
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M
bonjour, je suis une adepte de votre coquillage mais dans la Hague nous l'appelons "flies" et nous la cuisinons a la poele avec des échalottes ou oignons soit avec du vinaigre soit avec du cidre le tout mélangé on enlève quelques coqilles de dans la poele c'est un régal
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M
ok ok moi je suis de la bretagne et je ne savais pas que cela puisse se consomme merci de ne pas mourir bete
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L
Pas telles des moules, les patelles sont souvent foule.<br /> Mais patelle pas folle: il ne suffit pas de la glâner, encore faut-il l'assaisonner.<br /> Alors patelle de toujours ou bernique d'un jour, ne soyez pas tel le cousin Hubert qui ***** sa ****. <br /> Pêchez sage & mangez léger.<br /> Vive la patelle!
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L
essayé la meme recette ou façon avec un beurre d'escargots posé a meme la grille sur le barbecue et farci tout ça entre copains c'est genial
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