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19 octobre 2012

Coquilles saint-jacques marinées à l'huile d'ail, au citron et au basilic

Le Prix Nobel de la Pêche ? Ce n'est pas gagné...

La première grande bataille navale entre l'Angleterre et la France eut lieu le 24 juin 1340, durant la guerre des Flandres, au large de L'Ecluse, ville fortifiée de Zélande. Deux cent nefs anglaises, autant de navires du roi de France Philippe IV, dont une bonne partie à équipage génois, de vrais marins comme on le sait. Hélas, mal dirigés, forcés de faire barrage statique plutôt que de manœuvrer, cela se termina par un désastre, les français sautèrent à l'eau pour éviter les flèches mortelles des archers gallois et se noyèrent presque tous, seule la moitié des génois parvint à se sauver.

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La Royale, comme on nomme la marine française, n'a guère été brillante dans l'histoire ancienne, et ce n'est vraiment qu'à partir de Colbert qu'une nouvelle impulsion lui a été donnée. Pour autant, les anglais restaient maître en Manche, se livrant à de régulières attaques de villes, en Normandie comme en Bretagne. Colbert eut souhaité que Le Havre devînt le port de la Compagnie des Indes et de l'Orient : l'acheminement des marchandises et épices vers Paris en aurait été facilité ; mais en raison de l'insécurité que faisaient régner les anglais, c'est au sud de la Bretagne que ce port a été établi, précisément à Lorient.

En marge des conflits militaires, les accrochages entre pêcheurs étaient fréquents, et même quasiment permanents depuis plus de deux siècles… Les bancs d'huîtres des parages de Granville ont été au XIXème S. le théâtre d'évènements comparables à ceux qui se produisent actuellement en Baie de Seine avec la coquille Saint-Jacques.

Une ressource déjà sous surveillance, puisque Napoléon III avait décrété qu'on ne pourrait pas les pêcher lors des mois ne comportant pas la lettre "R" dans leur nom (oui, ça vient de là et ça n'a plus de sens maintenant que presque toutes les huîtres sont élevées), car il avait été finement observé qu'ils correspondaient à leur période de reproduction. Les bateaux de pêche, ces magnifiques bisquines fortement toilées, ne devaient quitter le port qu'ensemble, et ne pêcher que le laps de temps entre deux signaux donnés par les gardes-jurés qui étaient de la marée.

Bien entendu, il y avait "des conflits avec les puissantes flottilles de pêches anglaises qui à partir de 1820, viennent piller les bancs sans se soucier d'aucune réglementation". Une maladie survenue en 1925 mit tout le monde d'accord, puisque qu'elle fit quasiment disparaître ces bancs d'huîtres.

rixe

"Le Petit Journal illustré" 
4 Décembre 1904

"Messieurs les anglais tirez-vous les premiers"

Il y avait longtemps, voici que la guerre est à nouveau déclarée entre pêcheurs français et anglais…

Le nœud du conflit ? Il s'est noué en Baie de Seine, où des pêcheurs du Royaume-Uni (anglais, irlandais et écossais), viennent draguer les coquilles saint-jacques de ce gisement, le plus important de France. Vous ne pourrez jamais faire entendre à une personne qui en vit que la mer est à tout le monde, pas plus que les champignons pour un cueilleur professionnel ou les torpilles pour un maquereau.

Surtout lorsque les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tout le monde. La France, soucieuse de protéger la ressource a établi des règlements draconiens tant sur la période que sur la fréquence de la pêche à la coquille saint-jacques.

On n'est autorisé à les pêcher que du 1er octobre au 15 mai, et selon un nombre d'heures précis chaque jour. Or, les autres pays européens n'observent pas ces restrictions, et en tant que navires battant pavillon d'un état de l'Union Européenne, ils ont légalement accès à ces réserves soigneusement préservées par notre réglementation nationale qui, il faut bien le dire, se trouve en contradiction avec les dispositions européennes. 

Si bien que venant pêcher avant l'ouverture légale en France, ils se livrent à un véritable pillage de la ressource, à une concurrence déloyale venant fragiliser encore un peu plus des petites entreprises de pêche côtière déjà très sensibles aux variations de cours.

C'est d'autant plus rageant lorsque l'effort de préservation s'accompagne d'un travail de reconstitution, avec la pratique de l'ensemencement des gisements. C'est par exemple le cas en Baie de Granville, où les mêmes pratiques de pêcheurs britanniques sont observées. Un peu comme si quelqu'un venait récolter à votre place les radis que vous avez semés dans votre jardin, ou le blé de vos champs !

Le consommateur pourrait s'en réjouir à court terme, car bien entendu, beaucoup de ces coquilles pêchées par les britanniques sont vendues sur le marché français, venant tirer les cours à la baisse.

Fausse bonne idée : D'une part, la baisse se constate surtout au niveau du prix payé aux pêcheurs, je peux vous affirmer que dans les poissonneries parisiennes, la pression sur les prix est à peine décelable, et d'autre part, à très court terme, cela conduira à un déclin rapide du gisement, et alors là, le consommateur ne pourra plus se payer de coquilles saint-jacques, la rareté faisant le prix… Allez lire le billet de mon pote Dimitri Rogoff, lui-même pêcheur en Baie de Seine, il en a gros sur la noix...

 ajacques

On connait dans le monde d'autres exemples de prédations étrangères, avec l'accord mercantile des états qui vendent leurs ressources à des flottilles industrielles, comme par exemple le Maroc avec les espagnols, ou le scandaleux deal du Sénégal où les autorités vendaient à l'envi des droits de pêches aux navires de toutes nationalités, et dont les russes ont été les grands bénéficiaires.

Une mise en coupe réglée mais sauvage (Greenpeace a parlé de "kleptocratie maritime"), qui a failli anéantir le secteur traditionnel de la pêche dans ce pays.  Cela a duré de mars 2010 à avril 2012, et a pris fin juste après qu'Abdoulaye Wade ait été battu aux élections présidentielles par Macky Sall.

Le résultat ne s'est pas fait attendre, tout le monde salue aujourd'hui le retour du poisson sur les côtes sénégalaises. Il faut savoir qu'un trait de chalut industriel prélève autant de poisson qu'une pirogue traditionnelle en une année…

 debarquement_des_pirogues_de_peche

Les exemples sont légions, aussi bien du côté des pays victimes que des pays prédateurs, à ce titre les japonais ne sont pas les derniers. Quand il ne s'agit pas de contrebande pure et simple dans les mers peu fréquentées, celles autour des régions polaires en particulier.

Ce n'est pas être xénophobe que de protéger la nature de façon concertée. Je me suis laissé dire que quelques pêcheurs français étaient assez moyennement accueillis lorsqu'ils allaient marauder dans des zones poissonneuses voire protégées (réserves de pêche) des côtes britanniques... Les gouvernements n'agissent pas, ne se parlent qu'à peine, se réfugiant derrière le sempiternel "C'est pas nous, c'est l'Europe" qui a fait plus de mal à cette grande idée que n'importe quelle posture politique... et nous n'en manquons pas ces derniers temps !

Amis technocrates, il faudrait peut-être commencer à se bouger un peu, si on souhaite pouvoir continuer à se régaler de coquilles saint-jacques pêchées de façon respectueuse et durable. 

Coquilles saint-jacques marinées à l'huile d'ail, au citron et au basilic

Ingrédients pour 8 personnes

- 3 kilos de coquilles saint-jacques
- huile d'olive bien fruitée
- ail
- un citron
- basilic frais
- sel et fleur de sel
- poivre blanc

Cela fait un petit moment que je n'ai publié aucune recette de coquille saint-jacques, non que je n'ai cessé d'en manger, bien au contraire, mais il se trouve que je n'ai récemment tenté aucune nouvelle préparation (cela dit, il y a déjà dix-sept billets consacrés à ce merveilleux coquillages sur ce blog). Samedi dernier, j'ai concocté un repas italien pour des amis, et je voulais intégrer ce produit à des antipasti de saison, ce qui a donné l'assiette ci-dessous. 

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Recette

Pelez six gousses d'ail, écrasez-les un peu en les pressant sous la lame d'un couteau. Placez-les dans une casserole, couvrez d'un verre d'huile d'olive, puis faites chauffer jusqu'à frémissement. Eteignez le feu et laissez ainsi infuser pendant une heure.

Décoquillez les coquilles saint-jacques, ne gardez ni les barbes ni le corail. Coupez l'attache un peu coriace reliée à la noix, et qui sert à fixer l'animal aux deux parois de sa coquille, mais ne les jetez pas, leur saveur est délicieuse, je les sépare de la noix seulement à cause des différences de texture. Lavez et séchez. 

Selon la grosseur des noix, escalopez-les en trois ou quatre tranches (c'est un muscle, ne le coupez pas dans le sens des fibres). Mettez-les dans un récipient, avec le jus d'un petit citron et un peu de sel fin, laissez mariner une quinzaine de minutes.

Coupez les feuilles de basilic en lanières (pour cela empilez-en quelques unes, roulez-les, puis procédez à la coupe). A l'aide d'une fourchette, retirez les gousses d'ail de l'huile, mettez-y le basilic et faites à nouveau chauffer jusqu'à frémissement. Versez sur les coquilles saint-jacques, et remuez un peu pour que toutes prennent la chaleur.

Le citron et le sel ont déjà précuit en surface et raffermi les coquilles ; la chaleur de l'huile va venir achever la cuisson à coeur, sans excès. Poivrez, et servez avec quelques grains de fleur de sel par-dessus. Vous pourriez souhaiter un peu plus de présence de l'ail, en ce cas, peu avant de servir, incorporez une petite pointe d'ail frais finement haché, ce que j'ai fait. 

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Au centre de l'assiette, c'était un morceau de burrata (de la mozarella enrichie de crème, un comble d'onctuosité) avec un filet d'huile d'olive et du poivre noir. La feuille de persil n'est là que pour le décor...

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Ci-dessous, ce sont de petits cèpes (bouchons), coupés dans la hauteur en tranches assez épaisses, qui sont passés sur une plancha légèrement huilée, jusqu'à ce qu'ils prennent un peu de coloration rousse. Ils sont alors mis à mariner au moins deux heure avec de l'huile d'olive, du vinaigre balsamique, un peu d'échalote finement hachée, une pointe d'ail, du sel et du poivre noir.

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Commentaires
P
Cette recette a l'air délicieuse!!!
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H
Je préfère ne rien ajouter à ce sujet ;-) Et dire que les anglais exportent 70 % de leur pêche. <br /> <br /> Très belle recette capitaine.
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M
J'avais entendu parler du problème, mais jamais on me l'avait exposé aussi clairement, merci ! Toutefois j'ai bien peur qu'avec la masse de noeuds qui enserrent déjà notre chère UE, le sort des coquilles passe à la trappe... Il faudrait imaginer une opération choc, style une marée de marins prénommés Jacques nus (important pour la médiatisation hein) manifestent sur les berges de la baie de Granville. Qui s'y colle ? Moi en tout cas je regarde °v°
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L
au Québec on le sais, méfions-nous des anglais! pour l'assiette, je prend tout! miam!
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G
Decidement il y aura toujours un probleme de communication entre les anglais et nous. C'est dommage, on ne voudrait pas se priver a terme de coquillages prepares de cette facon.<br /> <br /> Il faudrait que tu installes un cabinet de lobbying a Bruxelles, tu serais parfait dans ce role.
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