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Cuisine de la mer
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30 octobre 2016

Filini aux coques et au citron

La rentrée littéraire, c’est aussi pour les livres de cuisine, et cette année, je trouve qu’on est particulièrement gâté, la qualité prend le pas de plus en plus sur les livres de recettes mal vérifiées, recopiées les unes sur les autres.

Avant de vous parler de celui d'Eliane Cheung (A la table d'une famille chinoise) je vous propose trois autres livres qui me plaisent beaucoup, dont deux publiés aux excellentes Editions de l’Epure.

Le premier est dans la collection bien connue des « Dix façons » où se retrouve presque toute l’aristocratie des chroniqueurs culinaires. Il s’agit cette fois de mon estimé et fidèle camarade Olivier Grosjean, auteur au long cours du blog d’œnologie "Le blog d’Olif", qui s’exprime autour du Vin Jaune, ce superbe breuvage du Jura produit à partir du cépage savagnin, dont je trouve qu’il fait merveille sur les crustacés, à faire la nique aux plus beaux chardonays de Bourgogne. Mais cela n’engage que moi.

vinjaune
Le vin jaune : Dix façons de l'accompagner
Olivier Grosjean
14 Novembre 2016
Les Editions de l'Epure

Toujours à l’Epure, un très beau livre de chef consacré à Alexandre Couillon, ce jeune et fameux cuisinier, dont le restaurant La Marine et le bistrot La Table d’Elise, sont établis à Noirmoutier-en-l'Île, au port de l'Herbaudière. Il s’agit sans doute du meilleur endroit pour goûter une saine et bonne cuisine de fruits de la mer et de légumes du jardin. Le livre ne parait que le 14 novembre, mais je me devais de vous en parler dans la thématique de ce blog. Par ailleurs, je l’ai déjà mis dans le boutok du Père Noël.

couillon
Marine et Végétale
Alexandre Couillon
28 octobre 2016
Les Editions de l'Epure

La journaliste culinaire Camille Labro (M Le Monde), également auteur du blog "Le Ventre Libre", publie quant à elle aux Éditions Tana un livre très engagé intitulé Fourche et Fourchette, qui est une série de portraits de producteurs terriens, pratiquant une agriculture traditionnelle avec le minimum d’entrants, et qui par ailleurs savent souvent cuisiner leurs produits et ceux de la nature qui les environne avec saveur et finesse. Portraits et recettes donc, qui constituent le pendant de l’un de ses précédents ouvrages consacré au monde des pêcheurs et de leurs cambuses, La Cuisine des Marins, dont je m’étais fait écho dans ce billet.

couverture
Fourche et Fourchette
Camille Labro
6 octobre 2016
Tana Editions

Le livre qui m’a le plus touché, je l’ai reçu dans ma boîte aux lettres, dédicacé par l’auteur, Eliane Cheung, une jeune femme bourrée de talent, qui n’en est pas moins une vieille connaissance à la fois d’internet et dans la vraie vie. C’est son premier ouvrage, si on exclut une thèse de doctorat dont je n’ai même pas compris le titre. On prétend qu’un premier livre est toujours autobiographique, je le crois sincèrement pour les romans, mais c’est bien plus rare quand il s’agit d’un livre de recettes chinoises.

A la Table d’une Famille Chinoise parvient à être cela, et même bien plus, car c’est l’histoire de la famille d’Eliane, et partant celle de nombre d'asiatiques qui ont cherché fortune dans des pays moins durs, en raison de tracas politiques et militaires ou seulement à cause d’une extrême pauvreté, poussés par cette volonté et cet esprit d’aventure qui naissent avec l’espoir, ou l'énergie du désespoir, c'est selon. 

Bien souvent, aidés par la famille déjà arrivée sur place, ou par la solidarité de leur communauté, ils ouvraient des restaurants, car leur succès ne se démentait pas, même si tout le monde faisait à peu près les mêmes plats (nems, potage pékinois ou crabe-asperge, riz cantonais et autres poulets aux noix de cajou et chop-suey approximatifs) peu en rapport avec la véritable cuisine chinoise.  Bien entendu, ils n’avaient pas accès à une aussi large gamme d’ingrédients exotiques qu’aujourd’hui où il existe au moins un super marché asiatique dans toute ville un peu importante en France.

Ces portraits de famille, à la fois simples et touchants, forts et sans emphase inutile, sont bellement illustrés de photos vieilles, et des superbes dessins coloriés d’Eliane. N’allez pas chercher de clinquantes photos superbement travaillés de plats, ni de ces dressages pour nostalgiques des petits trains électriques. Ici ce ne sont que des petits cartouches, aux couleurs parfois vives, parfois pastels, et ça fonctionne très bien. L’ensemble dégage une impression à la fois précieuse et intime, comme ces objets avec lesquels on a grandi, mais dont la valeur est avant tout sentimentale.

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Quant aux recettes, c’est la bonne surprise, je connaissais déjà la plume et le crayon d’Eliane, je m’interrogeais sur la partie strictement culinaire de sa rédaction. Pari réussi, les recettes sont simples et clairement énoncées, il n’y a pas de listes interminables d’ingrédients de l’espace, bref nous sommes vraiment dans une cuisine familiale ou de restaurant simple, sans luxe mais avec beaucoup de saveur.

Je voudrais pour finir adresser des remerciements à la grande-sœur qui a insisté pour que la recette du Potage Pékinois figure dans ce livre, c’est la soupe que je prenais presque toujours lorsque mes parents m’amenaient au restaurant chinois, et qui devient très difficile à trouver maintenant, ou alors du premier prix gonflé au glutamate (lequel est complètement banni du livre d’Eliane Cheung).

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A la Table d'une Famille Chinoise
Eliane Cheung
28 Octobre 2016
Alternatives Arts Culinaires

Sur le plan des poissons et des fruits de mer, le livre est un peu court pour moi, mais il n’y a pas que la marée dans la vie. On retrouve le traditionnel poisson à la vapeur, quelques soupes, et des préparations à base de crevettes, dont l’une que je voulais confectionner pour ce billet, avant de me souvenir que ma maison est en travaux, et que donc pour cuisinier ces-temps-ci, c’est moyen.

Peu importe, je reviens de quinze jours en Bretagne, où j’ai pu me balader sur la plage par grande marée, m’occuper de coques et d’étrilles, je vous sers les coques aujourd’hui, et on verra pour les étrilles dans le prochain billet.

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Vous me connaissez, pêcher dans le sable, ce n'est pas trop mon truc. Mon jardin d'héritier des naufrageurs, ce sont les rochers et des pêches bien moins laborieuses et laboureuses qu'exhumer des coquillages fouisseurs, même avec des armes de destruction légère : vous ne me verrez jamais dévaster les bancs de sable à grands coups de râteaux. Les rochers, on glisse, mais on ne s'enfonce pas, on se cogne, mais on ne se coupe pas, on ne gratouille pas le sol, mais on chasse littéralement des crustacés ou de paisibles créatures pastorales, telles les patelles, les bigorneaux, et bien sûr les ormeaux. 

Mais bon, je me suis décidé à mon tour à écrire un livre dont le sujet général ne vous étonnera pas, si du moins je vais jusqu'au bout, et si la très élégante maison d'édition qui me fait confiance ne craque pas non plus. Vous en saurez donc plus ultérieurement, si ça se trouve...

J'avais besoin de me retrouver pour les besoins de cette cause sur des terrains de pêche que j'avais désertés depuis des années, sauf lorsque les hasards de la navigation parviennent à m'échouer sur une plage à marée basse. Bref, voici bien une trentaine d'années que je n'étais pas allé aux coques, et je me dirigeai vers l'un des coins réputés à l'époque, bien certain d'en collecter quelques kilos. 

Las, j'eus beau fourrager le sable de ma cuiller en argent le plus massif, à chaque fois qu'il me semblait voir les deux trous caractéristiques laissés par le siphon de la coque, à m'en rompre le dos de génuflexion stériles, je n'en trouvais aucune. Pas deux ou trois : néant, zéro, nul. Autant vous dire que je me sentais perturbé, et que je cherchais les raisons de cette humiliation inédite.

Certes, la ressource est en forte diminution cette année, et nos autorités, pourtant si écologistes au centre de Paris, n'ont rien trouvé de plus intelligent que de diminuer la taille de capture minimum, pour que les professionnels puissent néanmoins remplir leur quota, dont la plus grande part est exportée en Espagne (cela-dit, nous n'avons pas le monopole de la connerie, les italiens viennent de prendre une décision identique pour les vongole). 

J'ai cru un moment que j'avais affaire à une concurrence déloyale, en voyant s'approcher cet engin quasiment sur mes talons :

concurrence

Mais non, j'assistais seulement au dernier épisode d'une opération de sauvetage en absence de mer. Deux jours avant, un pick-up s'était porté au secours d'une dame âgée qui lui semblait avoir des difficultés à remonter plus vite que la marée. Il faut dire qu'à cet endroit, c'est bien un kilomètre d'estran qui est découvert lors des forts coefficients de marée. Le pick-up s'était envasé, et avait été submergé, vide bien heureusement. Deux jours après, un tractopelle était venu à son secours, et les mêmes causes produisant les mêmes effets, il s'était également embourbé dans le sable vaseux. Il avait fallu l'intervention de la pelleteuse sur chenilles pour le tirer d'affaire, tandis que le pick-up était sauvé par de grosses bouées pour le faire flotter, et pouvoir le remorquer vers des sols moins mouvants. Quant à la vieille dame, elle aurait rejoint la rive de son pas tranquille... 

C'est en interrogeant un pêcheur qui remontait des ilots alentours avec une belle pêche d'étrilles que j'eus le dernier mot. Les grosses tempêtes des hivers derniers et les forts de courant de marée avaient totalement modifié le paysage, et le banc de sable truffé de coques avait bel bien disparu, ce qui sans me consoler pour autant, me ravivait un peu l'honneur. Bref, j'ai acheté quelques coques chez le mareyeur du coin, et le lendemain je suis allé à la pêche aux étrilles.

Filini aux coques et au citron

Ingrédients pour deux personnes

- 150 g de filini
- 500 g de coques
- 1 citron jaune non traité
- 1 demi-verre de vin blanc
- 1 gousse d'ail
- une belle tomate ou deux moyennes
- une poignée d'olives taggiascha dénoyautées
- poivre blanc
- ciboulette

Les filini sont de longues pâtes à peine plus grosses que des vermicelles : "filini" signifie "petits fils" en italien. Celles-ci sont aux œufs.

filini

Recette

Si vous avez été plus malin que moi et donc avez pêché vos coques, n'oubliez pas de les faire dégorger trois ou quatre heures dans un seau d'eau salée à 35 grammes par litres. N'utilisez pas d'eau de mer, sauf si vous pouvez la renouveler toutes les demi-heures, elle devient un bouillon de culture sinon. Goûtez-en une ou deux crue au bot de ce temps, et si vous sentez encore du sable sous la dent, prolongez l'opération. 

Sinon, lavez-les soigneusement en les frottant les unes contre les autres, et si vous êtes minutieux comme je le suis, vous les vérifiez une à une, des fois qu'une coquille ne soit emplie de vase. Laissez-les alors égouttez pendant trente minute dans une passoire, le temps qu'elles évacuent une partie de l'eau de dessablage, qui n'est pas gastronomiquement valable.

Pendant ce temps, mondez une grosse tomate ou deux moyennes (pelées et épépinées), puis coupez-la en dés. Râpez le zeste de la moitié du citron, pressez le jus. Coupez la ciboulette en tronçons. 

Faites ouvrir les coques à couvert avec le vin blanc, le zeste et le jus du citron, ne prolongez pas la cuisson au-delà de l'entrebaillement des coquilles. Lorsqu'elles ont un peu refroidi, enlevez les coquilles, mais laissez quelques-unes entières pour le dressage. Filtrez le jus de cuisson. 

Dans une petite casserole, faites rapidement chauffer la gousse d'ail, un peu écrasée du plat du couteau, puis mouillez avec le jus de cuisson. Coupez le feu et ajoutez les coques, la tomate et les olives, poivrez. 

Cuisez les pâtes le temps imparti, et chauffez la sauce aux palourdes au dernier moment (enlevez la gousse d'ail). Servez en assiette creuse, la sauce surmontant les pâte, ajoutez un trait d'huile d'olive et enfin la ciboulette. 

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Beaucoup de saveur iodée et de fraîcheur dans cette recette, à comparer avec celle des linguini alle vongole que j'avais postée il ya quelques années. Il serait possible de la corser avec un peu plus d'ail, ou en la pimentant légèrement, mais ainsi, elle a fait le job. 

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Commentaires
C
Je vois que les amateurs se rencontrent. C'est sympa<br /> <br /> Bien amicalement à tous. Chris 06
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M
Merci Patrick pour ce régal à tous les niveaux : l'esprit et la panse. Je suis une fan inconditionnelle de ta plume et j'attends avec la plus grande impatience ton livre ! Ne tarde pas trop stp. :-) Le livre d'Eliane, je vais l'acheter samedi + dédicace. Et sinon, j'adore la collection "Dix façons de préparer..." de l'Epure. Beaucoup de beaux livres pour cette automne 2016. Ma liste au Père Noël sera longue... ^_^
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L
La vache, j'ai envie de ces coques là. Ouvertes au vin blanc, j'adore. Surtout qu'une fois que t'as ouvert le blanc faut bien en faire quequ'chose. <br /> <br /> Mais enfin:"enlevez la gousse d'ail", t'as peur de quoi? Que quelqu'un ait de l'ail dans son assiette? Là là, sont pas doués tes potes, sont comme les gosses qui ont deux fourchettes autour de leur assiette et qui gueulent "j'ai 2 fourchettes" jusqu'à temps qu'un adulte lui en retire une. Ou alors boivent pas assez (allez j'te charrie, j'imagine qu'il y a une raison liée au goût. J'ESPÈRE que t'as une bonne raison). <br /> <br /> Bon sinon le bouquin d'eliane (je la connais pas sous ce nom là d'habitude, je vais faire comme si, d'accord) tu l'as bien vendu. C'est malin j'en veux maintenant. Alors que je cuisine plus en ce moment. Ça va peut-être me relancer tiens. Je serais curieuse de voir la gueule de l'editeur quand tu lui demanderas quelle recette de méduse il prefere... (oh demande lui, juste pour le fun)
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C
Bien que n'ayant pas lu le livre,j'abonde dans le sens de Patrick::l'on préfère connaitre des plats que les desserts qui sont plus difficiles à faire apprécier.<br /> <br /> Je fais souvent des spagettinis aux palourdes, mais à cuisiner, je préfère les coques,<br /> <br /> car plus parfumées. Bisous<br /> <br /> PS: qu'as-tu rapporté de bon de ton voyage???<br /> <br /> Moi,je me ruine en combava, et ce qui me fait râler,c'est que l'on ne peut utiliser que le zeste.!!!
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C
Ce doit être extra !
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