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Cuisine de la mer
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4 octobre 2017

Salade de bulots à la crème et aux pommes

La semaine dernière, j’ai fait deux choses plutôt étonnantes pour qui me connait un peu. J’ai passé trois jours dans un port de pêche normand, tout en participant à un voyage de blogueuses culinaires, venues rencontrer des pêcheurs de homards et de bulots. Certes, je suis habitué à jouer une mi-temps dans chaque camp, celui des pêcheurs comme celui des blogueuses culinaires, mais avouez que ça fait beaucoup pour un finistérien, qui se tient habituellement à l'écart de ces évènements de promotion. 

Ce beau monde était réuni pour la remise de la « Certification MSC » à l’humble bulot de la Baie de Granville, effectuée à l’occasion de cette grande fête de la pêche de Granville, port particulièrement actif dans la traque des crustacés et des coquillages, c’est le premier port en France pour la praire (c’est le début de la saison, ils sont déjà superbes), et le premier port mondial pour les bulots.

Moi le bulot, je l’ai longtemps méprisé, comme la plupart des bretons, tandis que je suis capable de rester des heures devant un saladier de bigorneaux, et que j’adore la tout aussi humble bernique.

Puis à force d’en cuisiner, je me suis mis à aimer ça, et il occupe un chapitre complet dans mon livre « Récits et Recettes du Ressac », avec pas moins de six recettes très éclectiques (Cuisson des bulots, brochette de bulots aux algues, bulots façon vietnamienne, bulots au court bouillon de soja, bulots à la coréenne, bulots à la normande : Outre la façon de cuire les blots, seule l’une de ces recettes figure à la fois sur le blog et dans le livre (à quelques détails près), et celle qui suit est inédite. Ceci pour répondre à ceux qui se demandent si le livre ne fait pas double emploi avec le blog).

Ci-dessous, une vidéo avec fond sonore de blogueuses. 

Ce qui m’intéressait surtout, c’est ce fameux label MSC (Marine Stewardship Council), dont on parle beaucoup, mais sur lequel j’avais du mal à me faire une opinion. J’étais triplement méfiant pour plusieurs raisons, la première étant que cet organisme est né en 1997 à l’initiative du WWF et de … Unilever, mais il est devenu indépendant en 1999.

Il s’agit d’une ONG, à but non lucratif, financé par des fondations, mais aussi par des redevances prises aux industriels pour l’utilisation du label sur leurs produits (0,5 % du prix de vente HT), ce qui m’a donné à penser que plus des certifications étaient nombreuses, et plus l’affaire était rentable, car j'ai mauvais fond. Et en effet le nombre de produits où figure ce label augmente de façon exponentielle. Cela dit, aucun bénéfice n’est distribué, mais l’agent gagné sert à payer les actions et le personnel (six salariés en France), et il existe une forte demande des acheteurs pour des produits certifiés. 

Je dois avouer que ma vision est plus claire maintenant que j’en ai longuement discuté avec les représentants du MSC, et avec les pêcheurs qui ont adopté la démarche de certification, dans les deux cas le discours est clair, et les objectifs bien cernés.

Du côté du label, on ne prétend ni sauver le monde, ni interdire quoique ce soit, mais vérifier et faire avoir si telle pratique de pêche, mise en œuvre par telle pêcherie, est respectueuse du milieu marin. La certification se déroule entre deux parties, la pêcherie et un organisme indépendant (comme Macalister ou Bureau Veritas par exemple), dans le cadre du cahier des charges défini par le MSC. Les pêcheries sont ensuite régulièrement évaluées, et donc le stock halieutique sur lequel elles opèrent également.

Les principales critiques envers le MSC est la trop grande facilité avec laquelle le label serait accordé, y compris pour des espèces de pêche industrielle hauturière, mais on peut aussi voir la partie pleine du verre, et penser que mettre en exergue de bonnes pratiques, tire l'ensemble vers le haut (je ne parle pas des braconniers et des états-voyous dont j'espère que les jours sont comptés, la pêche clandestine et le pillage des ressources locales d'états incapables de se défendre et nos plus grands fléaux). 

On peut aussi contester l'utilisation de certaines techniques de pêche, pourtant certifiées. Pour quelques-uns (à peu près les mêmes qui pensent qu'on peut tuer le bétail avec des calins dans les abattoirs), tout ce qui est chalut ou drague serait à proscrire. Je suis d'accord pour certains types de chalut en certains endroits particulièrement fragiles ou mal connus, mais on ne peut tout interdire du jour au lendemain, mais plutôt rechercher et encourager des techniques plus respectueuses du biotope. Je ne pense pas cela depuis cette excursion normande, je l'ai raconté bien avant sur ce blog, à propos de la pêche de la légine australe dans les TAAF (avec une recette qui déchire), j'y parlais déjà du MSC. 

Du côté des pêcheurs, en particulier de leur organisation "Normandie Fraîcheur Mer" qui porte ces démarches de certification (avant le bulot, ce fut le homard du Cotentin, et d'autres vont suivre), le discours est pragmatique ; s'ils travaillent avec  MSC, c'est que leur approche n'exclut rien, comme me l'a dit leur président Dimitri Rogoff (un copain de longue date que j'ai eu le plaisir de revoir à cette occasion), "ce sont les seuls dont la démarche tient la route". 

Et d'ajouter que l'avenir de la pêche est là, sous la pression des consommateurs en quête de traçabilité et de consommation responsable. Les industriels et les distributeurs réclament désormais de plus en plus de produits bruts certifiés, et c'est une bonne chose pour les océans.

C'est comme l'affirme aussi Dimitri, "un bon outil pour se regarder pêcher". En Baie de Granville comme ailleurs, on longtemps cru que les ressources halieutiques étaient inépuisables. On a dragué à outrance les bancs d'huîtres sauvages dont il ne reste plus grand chose aujourd'hui, puis ce sont les praires qui ont été l'objet de prélèvement exagérés (situation aujourd'hui en voie de redressement). N'accusons pas les pêcheurs, déjà ils pêchent ce que nous achetons le plus, ensuite ils agissaient par méconnaissance de l'état des gisements, pas tous aussi surveillés que ceux par exemple de la coquille saint-jacques. Ils ne sont pas fous, ils ne veulent pas tuer leur source de subsistance, et ils sont attachés à la transmission de leur métier. Ils n'avaient d'ailleurs pas attendu, pour d'eux-mêmes limiter la pêche des bulots, avec notamment un arrêt total des prélèvements au mois de janvier. 

La certification des pêcheries, et l'évaluation régulière des pratiques de pêche et des stocks, au-delà de conforter les consommateurs dans leur choix, permet aux producteurs de piloter plus finement leur activité. Pour autant, la certification de quelques pêcheries n'est pas la panacée universelle, la mer reste assez largement surexploitée dans beaucoup d'endroits du monde. C'est un garde-fou nécessaire, mais perfectible. 

Cela dit, concernant particulièrement le bulot, le cahier des charges établi par les pêcheurs est plutôt rassurant :

- Une pêche menée sur 11 mois (de février à décembre)
- Des bateaux de moins de 12 m
- 720 casiers maximum par bateau
- Un quota de 300 kg par homme embarqué, dans la limite de 3 hommes par bateau
- Taille minimale de capture : 45 mm (un bulot âgé de plus de 4 ans)

buccin

Bref, après avoir été bien chouchouté à Granville (je vous conseille en particulier le restaurant "Edulis", où nous avons super bien mangé et bénéficié d'un cours de cuisine sur le bulot), je suis rentré à Paris un dimanche, avec en cale deux homards du Cotentin, et un bon kilo de bulots qu'il fallait que je cuisine avec les moyens du bord, tous les commerçants du coin étant fermés le dimanche, et le lundi. Prévoyant, j'avais demandé à ma femme de prendre des pommes et de la crème au marché, car je m'adapte vite aux coutumes exotiques.

J'avais aussi acheté à Granville de l'andouille de Vire et du boudin de Coutances, mais les deux se sont révélés trop bons au couteau pour que je me crève le cœur à les cuisiner en croustillant avec les bulots, comme je l'avais imaginé.

Salade de bulots à la crème et aux pommes

Ingrédients

- un bon kilo de bulots
- gros sel
- vin blanc
- bouquet garni
- une carotte 
- un petit oignon
- clou de girofle
- poivre noir
- huile neutre (colza ou tournesol)
- vinaigre de cidre
- cidre brut
- moutarde
- crème fraîche épaisse
- échalotes
- persil plat
- poivre blanc

La liste de ces ingrédients peut paraître longue, mais il ne s'agit que de court-bouillon et d'apprêtage.

Recette

Commencez par faire dégorger les bulots après les avoir plusieurs fois rincés. Placez-les dans de l'eau salée à 30 à 35 grammes de gros sel par litre, ce qui correspond au taux de salinité de la mer. Le bulot est carnivore, mais pas filtreur, il est inutile de le dessabler comme le fait par exemple pour les palourdes ou les coques, mais il vit sur des fonds sableux. J'ajoute aussi un peu de vinaigre dans l'eau, pour qu'ils expulsent plus de leur bave avant cuisson (c'est un réflexe de défense), mais il semble que mon cas soit assez isolé. Rincez à nouveau plusieurs fois les bulots avant de les cuire. 

Dans une cocotte, mettre de l'eau froide*, deux poignées de gros sel, le bouquet garni, la carotte, l'oignon, le poivre, le clou de girofle, et du vin blanc (environ le quart de la quantité d'eau). Ajoutez les bulots, portez à ébullition, puis laissez cuire à frémissement de 20 à 25 minutes. Goûtez pour vérifier la cuisson, puis laissez les bestioles refroidir dans leur bouillon de cuisson. 

* Habituellement, je démarre la cuisson à l'eau bouillante, là j'ai procédé comme le chef de l'Edulis, et en toute objectivité, je n'ai pas senti une grande différence. 

Une fois les bulots refroidis, vous les décoquillez, l'outil le plus efficace est pour moi la partie fourchue d'une curette à crabe. Ne conservez pas le tortillon final, sa saveur n'est pas des plus heureuses, même si elle a ses défenseurs, mais il s'agit du caecum digestif, où se concentrent tous les polluants. Vous pouvez effectuer ces opérations la veille, en ce cas conservez les bulots décoquillés dans le bouillon passé. Vous pouvez parer vos bulots en enlevant les membranes qui dépassent ainsi que le bout de viscère à la consistance différente. 

Préparez une sauce froide avec deux cuillers à soupe d'huile, deux cuillers à soupe de vinaigre, deux cuillers à soupe de crème fraîche épaisse, deux cuillers à soupe de cidre brut, deux petites échalotes et du persil haché, ainsi qu'une prise de poivre blanc. Ajoutez les bulots, coupés en deux dans leur longueur.

Détaillez une pomme reinette en huit quartiers, les épépiner, et les couper en fines tranches dans la largeur, utilisez une mandoline si vous en avez une. Incorporez ces pommes au reste, et laissez reposer au frais quelques heures avant de manger.

bulotcreme

Les plus éveillés d'entre vous auront discerné un cousinage avec la préparation lyonnaise des pieds de veau et autre morceaux un peu croquants qu'on trouve chez les animaux de boucherie. Cela va très bien avec des coquillages un peu fermes, et pas forcément très puissants en goût, lequel ici est surtout apporté par le bouillon de cuisson. Toutefois, ça ne plaira vraiment qu'à ceux qui aiment les plats assez relevés en vinaigre. 

Quant au flou artistique qui nimbe ces photos, il est totalement involontaire, j'ai seulement oublié de nettoyer mon objectif maculé d'eau de mer. 

bulotcreme1

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Commentaires
L
juste une remarque qui vaut ce qu'elle vaut, langoustines et coquilles st jacques trop cuites deviennent caoutchouteuses ... mais le mieux c'est d'essayer et adopter la cuisson 3 mn ;-)
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S
Les mystères de la cuisson perdurent, une amie me dit les cuire loooong...temps à feu doux, dans une cocotte minute avec de la badiane et elle les laisse refroidir dans l'eau de cuisson ... Bon elle ne m'en a jamais fait quand elle m'invite car elle sait que je n'apprécie pas la saveur caoutchouc !<br /> <br /> Par contre, dans cette recette, notre grand chef viking ne dit pas combien de temps il faut les faire dégorger.<br /> <br /> Quelque chose me dit tout de même que tièdes avec l'assaisonnement, ils doivent gagner en souplesse, je ne sais pas car je les ai toujours mangés froids au restaurant.<br /> <br /> Chez nous en Normandie, nous sommes plus bigorneaux, étrilles, tourteaux, huitres, bouquet ...<br /> <br /> Le blâme des bulots vient du fait qu'un jour un cadavre fut repêché couvert de ... Bulots.<br /> <br /> Bon appétit.
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L
Oui ils durcissent si on les laisse refroidir après 15 minutes de cuisson pas après 3 minutes ! Il suffit de 3 minutes pour essayer 😉
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M
Tiens c'est drôle, j'ai souvent entendu dire que les bulots qui refroidissent dans l'eau de cuisson durcissent. Il y a vraiment beaucoup d'écoles sur la cuisson de ce coquillage. http://www.magcuisine.fr/archives/2016/02/26/index.html
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C
Miam!!! la saison des bulots a commencé! Nous, à la maison, on se régale chaque année de ce coquillage.Nous les mangeons tiède avec une vinaigrette bien relevée de moutarde mais pas pour le dîner car je trouve qu'il est un peu dur à digérer, à moins que la raison est que j'en mange de trop...A bientôt
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