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Cuisine de la mer
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24 août 2011

Barbue grillée en feuille de bananier, saveurs thaïes (et cinq ans déjà)

Ce billet sur le homard grillé vous dévoilait l’origine du barbecue, à l'époque sauvage où les grands vauriens s'étaient déjà éteints, à l’âge farouche où l’hommosaure cédait le pas au primate, et aux aromates qu’il n’allait pas tarder à domestiquer pour améliorer une pitance trop fade ou trop faisandée. L’invention de la marinade remonte également à cette période, voir ici

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Ce fut le temps des grandes découvertes, comme les pâtâtosaures rôties sous la cendre, le kebââb de mammouth gras (on gavait le mammouth, à cette époque il n’engraissait pas spontanément), la bique-mââk à la broche et le sanglier en papillote d'algues vertes. 

Grâce à ces précurseurs de la cuisson, nous nous sommes élevés au dessus de la condition animale et nos molaires ont laissé la place à un cerveau plus développé (du moins pour ceux d'entre-nous qui n'ont pas remplacé la mastication par le foot ou le vélo).

Beaucoup d'audacieux perdirent la vie, comme le premier qui ajouta des champignons dans la blanquette d’aurochs (attribué à Hââroun Zeklok, mais en est-on sûr ?), ou comme celui qui confondit noix de coco et cuisine moléculaire. De ces héros au sacrifice anonyme, qui ont autant oeuvré pour le bien-être de l’humanité que Louis Pasteur, Pierre Desproges et Jean-Luc L’Hourre réunis...

Quel brave eut le premier cette idée saugrenue d’ouvrir une huître et d’oser la goûter, quel chamane illuminé décida de fumer un saumon plutôt que la gitââne mâïsse qui l'euphorisait auparavant, quel guerrier inspiré des dieux de la digestion, préféra griller la chair de son ennemi empalée par petits bouts sur une pique, plutôt que piquée en un seul morceau sur un épieu, et quel génial chasseur oublia son serpent sur le feu, découvrant ainsi le charbon de boa ?

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"C'est aussi moi qui l'ai fait"

Personne ne s’en souvient et c’est terriblement injuste. Puisque nos édiles ont décidé d’instaurer une fête de la gastronomie à l’entrée de l’automne (comme ils ont institué une fête de la musique à l’orée de l’été, l’histoire du monde n’est qu’une succession de copiés/collés approximatifs), EXIGEONS qu'à l’Arc de Triomphe, au dessus de la Flamme du célèbre Soldat Inconnu, soit posée une Grille de Barbecue à la gloire du Gastronome Méconnu. 

Toutefois, la commémoration se déroulera chaque 24 août, qui sera férié. A cette date se déroulèrent en effet de terribles évènements dans l’histoire de la cuisson : En 79 le Vésuve caramélisa Pompéi et Herculanum, en 1572 il y eut les bûchers de la Saint Barthélémy, en 1968 la première explosion nucléaire française dans le Pacifique, et en 2006, la parution du premier billet sur Cuisine de la Mer (un énorme merci aux survivants).


La cuisine au feu de bois contemporaine 

Alors qu’aux temps farouches, la chasse et la maîtrise du feu étaient dévolues aux hommes (tandis que les femmes cueillaient des baies, ramassaient du bois, puisaient de l’eau et mouraient en couche), la situation a beaucoup évolué.

Parmi les grandes conquêtes de la femme, il y eut celles des courses et de la cuisine, pièce dont petit à petit, elles chassèrent leurs compagnons à deux pattes, à ce point que ceux-ci dégoûtés, répugnent désormais à y pénétrer pour une autre raison qu'attraper une bière (et encore, je connais de grands traumatisés qui préfèrent une livraison au salon).

sexy-cuisine

Si bien qu’à part chez quelques androgynes dans mon genre (mes potes cuisiniers vont adorer ce passage…), la femme a la totale maîtrise des préparations et des cuissons. Ceci ne souffre aucune exception sauf une, la grillade de plein air ou barbecue party

- L’homme moderne se laisse alors envahir par ses instincts ancestraux, sa poitrine gonfle comme un soufflé, ses jambes s’arquent comme du faux cristal, son front s’abaisse comme une pâte brisée et sa mâchoire se crispe telle une tranche de bacon. Il est prêt à tous les exploits, comme enflammer d’enthousiasme toute une pinède ou faire atterrir l’hélico de la Protection Civile sur son carré de pelouse. 

- L’homme moderne a le barbecue social, il craint la solitude du cuiseur de fond de jardin, aussi installe-t-il toujours son noir dessein (presque tous les barbecues sont noirs) au plus près de la table du repas, si possible au vent afin que tout le monde participe au boucanage.

- L’homme moderne est déterminé à s’immoler par le feu en cas de contrariété, comme les bonzes le faisaient lors de la guerre du Vietnam. Là, ce sont plutôt les bronzés à la guerre des saucisses, mais les raisons de crépiter ne manquent pas. Lorsque le charbon de bois semble refuser de se transformer en braise, on a recours à tous les expédients inflammables pour le stimuler… c’est à ce moment précis que le rôtisseur du dimanche peut se retrouver en cloques comme n’importe quelle cuisinière de semaine.

barbecue

- L’homme moderne prétend maîtriser le feu alors qu’il ne domine pas le minuteur. Ainsi, il n’allume jamais son barbecue au bon moment, et lorsque vient le moment de cuire, la braise n’est pas encore prête ou il n’y en a plus assez. Notez qu’il est victime d’un complot où se liguent l’absence ou l’excès de vent, la mauvaise qualité du charbon de bois, l’apéro qui dure trop longtemps et surtout sa compagne qui a eu l’idée saugrenue de servir une bête salade en entrée, ce qui a complètement désorganisé son plan d’action.

- L’homme moderne est à ce point concentré sur sa mission que le monde extérieur s’estompe dans un mystérieux chaos. Il ne trouve plus les allumettes, le produit d’allumage, les gants, les ustensiles et j’en passe. 

- L’homme moderne est un disciple de Stendhal, évoluant entre le rouge et le noir et se stabilisant rarement entre ces deux extrêmes… Dans le premier cas on se résoud à allumer le four pour terminer la cuisson de la viande (ou comble de l’horreur on la repasse en tranches sur le feu si il en reste). Dans le second cas, c’est carbonisé et il n’y a rien d’autre à tenter, sinon accabler sa compagne et l'intendance (tu nous as fait passer trop tard à table, j'ai passé trop de temps à chercher mes affaires, ce barbecue est une merde pas réglable, quel nul ce boucher

- L’homme moderne déteste le gras. L’huile d’enrobage trop abondante, la graisse  qui s’écoule des merguez ou des côtelettes d’agneau est sa hantise. Lorsqu’alors montent les flammes, dans le meilleur des cas il ne s’en aperçoit pas ou il flanque la bidoche par terre, dans le cas le plus courant, il renverse le barbecue.

- L’homme moderne est un grand sensible, il a besoin de stimulants affectifs lorsqu’il est attelé au barbecue. 

A faire : Lui apporter de la bière et du pastis, le remercier pour son dévouement, applaudir quand le plat arrive à table et tout manger. 

A ne pas faire : Lui insuffler le doute avec des questions pour débutant, genre... "Il ne serait pas temps d’allumer ton barbeuk, tu ne risques pas de flanquer le feu à la branche au-dessus, tu es sûr que tu auras assez de braises, tu crois que c’est assez cuit, ça ne grille pas un peu fort, c’est normal toute cette fumée ?"

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Enfin, l'homme moderne déteste griller du poisson, qui colle à la grille, dont on ne sait jamais le degré de cuisson, qui part en morceau dès qu'on tente de le retourner, et qui parvient à table en un tas informe truffé d'arêtes.

Il y a pourtant des solutions...


Barbue grillée en feuille de bananier, saveurs thaïes

Ingrédients

- une feuille de bananier
- une barbue de 1,5 kg environ
- un citron vert
- deux échalotes 
- un morceau de gingembre frais
- deux tiges de citronnelle
- quatre piments rouges
- sel 

 Il est facile de trouver des feuilles de bananier, congelées ou fraîches, dans les épiceries asiatiques. Il est possible aussi de cultiver des bananiers à partir d'une graine, ils poussent très rapidement, la plante est en effet une herbe et non un arbre. Je l'ai déjà tenté avec succès sur une terrasse parisienne, c'est un jeu d'enfant en serre, et non loin de chez moi en Nord-Finistère, j'en ai vu au moins une dizaine plantés dans le jardin d'une maison.

Ainsi, vous pourriez même avoir des plants bio, ce qui ne serait pas du luxe, on raconte tellement sur les excès de pesticides dans les plantations de bananiers que la méfiance doit prévaloir. Déjà, n'achetez pas vos feuilles chez des fleuristes, comme je l'ai lu sur quelques sites, elles ne sont a priori pas destinées à être utilisées en alimentation.

Cela dit je ne veux pas vous décourager, d'une part un bon lavage est efficace et d'autre part, on ne consomme pas la feuille de bananier dont la principale qualité, au delà de la délicate saveur de fumé qu'elle apporte, est de protéger le poisson de l'ardeur des braises et de lui éviter de coller à la grille de cuisson.

C'est une méthode couramment utilisée un peu partout dans le monde où pousse le bananier, allez par exemple voir ce billet de Marie-Claire Frédéric sur son excellent blog "Du miel et du sel", c'est lui qui m'a donné l'envie de réaliser cette recette. 

Recette

Prenez une barbue d'un poids avoisinant 1,5 kg, videz-la et ébarbez-là. Epluchez et hachez grossièrement une noix de gingembre frais et trois échalotes. Fendez en deux dans la longueur les tiges de citronnelle. Lavez quatre piments rouges ainsi qu'un citron vert que vous coupez en rondelles. Dans un monde idéal, j'aurais eu quelques feuilles de combava...

Coupez un morceau de feuille de bananier d'une longeur double à celle du poisson, plus une dizaine de centimètres. Lavez le soigneusement, et faites le un peu chauffer pour l'assouplir, soit au dessus du gaz ou des braises, soit par un bref passage au four. Placez la moitié de la garniture aromatique préparée ci-dessus sur une moitié de la feuille et ajoutez un peu de sel. La face la plus brillante de la feuille est à l'extérieur.

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Placez le poisson sur cette garniture, et couvrez-le de l'autre moitié, salez.

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Pliez la feuille de bananier autour du poisson, en vous aidant de piques en bois. On ne cherche pas à obtenir une enveloppe aussi étanche qu'une papillote, mais à protéger le poisson d'une chaleur trop ardente. Placez le tout dans une grille de cuisson double face, ce sera nettement plus commode pour retourner en cours de cuisson.

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Mettez à cuire au dessus d'une bonne braise, mais pas trop bas afin que la feuille de bananier ne brûle pas trop vite, elle doit bronzer et un peu noircir par endroits.

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Lorsque le poisson est cuit, retirez du feu. Il n'est pas évident de déterminer précisément le point de cuisson idéal, cette barbue a été cuite dix minutes de chaque côté, et dès qu'un peu de jus s'est échappé de la feuille de bananier, j'ai considéré que la cuisson était arrivée à terme.

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Au premier abord, c'est un succès, la peau est restée souple, encore couverte d'un peu de mucus, et elle s'enlève très facilement. Comme vous le voyez ci-dessous, je la pèle à la main, le meilleur outil pour procéder sans écorcher le filet, quitte à se chauffer un peu le bout des doigts.

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En second examen, on découvre une chair très émoliente et juteuse, et un joli rosé à l'arête sans que de la chair y reste attachée, le signe d'une cuisson parfaitement réussie. Si vous laissez cuire un peu trop lontemps le poisson, ce n'aura pas un effet totalement désastreux, car la chair ne sera pas totalement sèche.

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[A propos de chair, je ne veux pas jouer au donneur de leçons, mais j'en ai marre de lire n'importe quoi, y compris sur des blogs où l'orthographe n'est pas massacrée au delà des coquilles qu'une rédaction au clavier/écran rend inévitables. Les meilleurs correcteurs d'orthographe n'y peuvent rien, il faudrait imprimer et relire deux ou trois fois, ce qui n'est pas toujours possible. Alors :

- La chaire ne se mange pas, elle désigne un endroit élevé dans un lieu (tribune, estrade...), d'où on enseigne, harangue, prêche et sermonne.
- La chère désigne la nourriture au sens large, mais pas la viande d'un animal. Un amateur de bonne chère est un gourmet, pas nécessairement un carnivore.
- La chair désigne la masse musculaire animale, la viande donc, mais aussi le filet du poisson.]

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Commentaires
C
Hahaha - merci pour ce rire ! Depuis mon lit de douleur où la sciatique me cloue, j'ai ri aux larmes en repensant à bien des barbecues. Chez nous c'est maintenant la plancha qui règne. Bon anniversaire :)
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G
Un tel plat, ça fait rêver !
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G
Bon anniversaire, et longue vie à ton blog.<br /> On aime tes histoires.
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M
Bon, j'arrête de me retenir. Alors pour Maï et pour les autres : une place publique, un banc public. Oui, c'est un adjectif, avec une terminaison féminine et une masculine.
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P
- Brigitte, Pascale, je me contentais jusqu'à présent de fendre en deux mes tiges de citronnelle, je suivrai votre conseil désormais.<br /> - Sandrine, il ne faut pas être timide comme ça ;-)) Alors oui, c'est bien adapté au carrelet dont la chair a tendance à sécher au dessus de la braise.<br /> - Tout juste Christine, ce qui m'a permis aussi de voir que j'avais écrit "humus" à la place de "mucus"... lapsus !<br /> - Et merci à tous, je suis étonné de constater le nombre de personnes qui font pousser des bananiers dans leur jardin !
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